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LUTHER. LA SOCIETE TEMPORELLE


devient ainsi un patriarche absolu. Déjà maître absolu de l’activité profane de ses sujets, le prince devient aussi le maître absolu de leur activité religieuse.

Il devient le gardien de la doctrine et de la joi. — De 1522 à 1528, Luther n’ose encore l’investir de cette haute et délicate prérogative ; il le présente seulement comme un inspecteur extérieur ; c’est encore « l’évêque du dehors » du Moyen Age catholique. Il est chargé de maintenir le bon ordre dans les nouvelles Églises. Contre les hérétiques, on n’emploiera jamais la force, à moins qu’ils ne soient des fauteurs de trouble et ne menacent l’ordre et la paix. , t. xi, p. 268, 22 (1523). Après 1530, le prince luthérien devient le chef intérieur de son Église. X. Paulus, Luther und die Gewissensjreiheit, 1905, et Protestantismus und Toleranz im XVI Jahrhundert, 1911. De plus en plus, Luther représente aux princes de son parti qu’ils devaient être les protecteurs de sa religion. Au printemps de 1530, peu avant la diète d’Augsbourg, il écrivait : L’autorité doit sévir contre les hérétiques qui attentent à l’ordre public, contre ceux-là aussi qui, sans être des perturbateurs, vont contre un article de foi ; « car ce sont des malfaiteurs publics. Or, il est du devoir de l’autorité de punir un malfaiteur public. Ne punit-on pas ceux qui blasphèment, jurent, insultent, diffament, invectivent, outragent et calomnient ! Or, avec leur enseignement, ces gens-là, eux aussi, outragent le nom de Dieu et ravissent au prochain son honneur. L’autorité doit donc punir ou du moins ne pas tolérer ceux qui enseignent que le Christ n’est pas mort pour nos péchés, mais que chacun doit satisfaire pour soi-même. » W., t. xxxi a, p. 208, 19. Cette dernière espèce de malfaiteurs, évidemment, c’étaient tous les catholiques. Et voilà les crimes que, dès 1530, le prince luthérien était obligé de réprimer ! Luther continue : « Dans une paroisse, une ville ou une principauté, papistes et luthériens, comme on dit, crient-ils les uns contre les autres. Les moyens de pacification épuisés, que l’autorité prenne l’affaire en main ; au parti qui ne sera pas d’accord avec l’Écriture, on imposera silence. » Ibid., p. 209, 15. Que si, à rencontre de cette défense, on s’avise de prêcher ou d’enseigner encore,

l’autorité adressera ces polissons-là au seul qui soit à même de les convaincre, maître Jean [le bourreau]. » P. 212.1.

La même année, il recommande cette solution à Lazare Spengler, cf. X. Paulus, op. cit., 1911, p. 34, et à son prince-électeur Jean de Saxe. Erl., t. liv, p. 190, 191 (26 août 1530) ; C. H., t. iv, col. 737-740 (fin de 1530), et N. Paulus, 1911, p. 41. Les perturbateurs publics, comme les anabaptistes, allaient contre la tranquillité de l’État : il fallait les châtier sévèrement. Ceux qui ne péchaient que contre la religion, comme les zwingliens et les papistes, ne devaient pas être tolérés davantage. Dans le même sens, vers la lin de 1531, il’lisait en chaire : Si quelqu’un se présente de lui-même, sans fonction ni mission, il serait par trop beau de l’appeler un faux prophète ; il n’est qu’un vagabond et un polisson ; la vraie mission ici, ce sera celle de maître Jean. » W., t. xxxii, p. 507, 11.

Kn 1536 paraissait en ce sens à Wittenberg une consultai ion officielle ; œuvre de Mélanchthon, elle

était en outre signée de Luther, de Hugenhagen et de

Cruciger. Les princes, y lisait on, ne doivent pas se

borner a protéger les biens et la vie de Ictus sujets.

Leur charge la [dus noble est de faire rendre à Dieu l’honneur qui lui es ! du. d’empêcher le blasphème el l’impiété. Puis la consultation invoquait l’exemple ries rois de l’Ancien l estament et du paganisme. C. M.. t. m. col. 199 Dans un post-scriptum, Luther insistait sur le droit du prince à punir de mort les dissidents la foi. Endors, t. x, p. 346 (5 Juin 1 136) I année

suivante, Mélanchthon écrivait dans le même sens : Les rois et les princes sont « les principaux membres de l’Église ; leur premier soin doit être de procurer la gloire de Dieu. » J.-T. Millier, 1912, p. 339.

Le prince doit protéger la doctrine. Mais quelle doctrine ? Celle de Luther. Mais pourquoi celle-là plutôt qu’une autre ? Souvent à cette question Luther oublie de répondre. Quand il daigne le faire, c’est pour dire qu’il a reçu une mission du Ciel, ou encore que la vraie doctrine, c’est celle de l’Écriture acceptée par toute la chrétienté. Et, devançant Jurieu, il établit une sorte de liste d’articles fondamentaux : la divinité de Jésus Christ, l’inutilité de nos œuvres pour le salut, la résurrection de la chair, la vie éternelle. W., t. xxxi a, p. 208, 12(1530).

C’était au mois de mars 1530 qu’il parlait ainsi. Au mois de juillet suivant, il publiait sa Rétractation sur le purgatoire. W., t. xxx b, p. 367-390. Or le purgatoire, déjà dogme par lui-même, tient à des dogmes plus importants encore : le mérite de nos œuvres, la distinction entre péchés mortels et péchés véniels. Qui donc devait-on punir ? Le Luther d’avant 1530, qui avait cru fermement au purgatoire « sans s’occuper de ce que pouvaient à rencontre déblatérer les hérétiques », W., t.i, p. 555, 36(1518), ou le Luther de 1530, qui se repentait d’avoir cru « sur le purgatoire aux mensonges et aux abominations des sophistes » ? W., t. xxx b, p. 368, 9. Ici, les exemples aniveraient à foison : comme le zwinglien Henri Bullinger l’écrivait en 1532, oui ou non, au commencement du xvie siècle, la papauté était-elle acceptée par toute la chrétienté ? De quel droit Luther avait-il donc travaillé à la renverser ? X. Paulus, 1911, p. 48. Mais on était à l’une de ces époques de névrose où le. bon sens n’a pas à espérer de se faire entendre.

Les princes luthériens répondirent docilement aux appels du Réformateur. Dès 1527, dans l’électoral de Saxe, treize anabaptistes furent exécutés. Le 15 janvier 1532, l’électeur Jean écrivait à Philippe de Hesse : « Dieu et la conscience font à l’autorité un devoir de punir de tels docteurs et séducteurs. » P. ^Vappler, Die Slellung Kursachsens, 1910, p. 156. Les années suivantes, contre les gens les plus paisibles par ailleurs, les incarcérations et exécutions continuèrent.

Le culte fut particulièrement imposé et surveillé.— — Le 14 septembre 1531, Luther écrivait en ce sens au marquis Ceorges de Brandebourg. A tout prix, lui disait-il, il fallait empêcher la célébration des messes borgnes, c’est-à-dire des messes privées. Il ajoutait : « Il serait bon que, sous menace de sanction. Notre Grâce Princière commandai aux pasteurs d’enseigner le catéchisme et aux fidèles de l’apprendre ; quand on est chrétien ci qu’on veut être appelé chrétien, on doit être contraint d’apprendre ce qu’un chrétien doit savoir. » Erl., t. liv, p. 255. Après s’être exercée contre les catholiques et les sectes non luthériennes, la surveillance, comme on le voit, et une surveillance 1res étroite, se pratiqua au sein des communautés luthériennes elles-mêmes ; on en vint très rapidement à de sévères cxcommunical ions. In 1527. Luther écrivait a Spalatin que l’on méprisait l’Évangile ; c’était par la loi et parle glaive que les gens avaient besoin d’être conduits ». l’.ndcrs. I. i. p. 6. C’était des siens

qu’il parlait. Deux ans après, il estimait que,

croyants ou non. les gens (levaient être contraints

d’aller au prêche Erl., t. liv, p 98 SI la cour n’appuie pas nos décisions, eerixait lui aussi Mélanchthon

a Spalatin, elles demeureront toutes platonlqui

c. H., t. i. coi, 907 (12 novembre 1527).

u cours du xr ci du xu’siècles, lis prit mirent des sanctions aux négligence ! dans les pratiques uses : sanctions contre ceux qui n’apprena ienl pas le catéchisme, sa ne I ions contre ceux qui ne parti