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LULLE. DOCTRINES PHILOSOPHIQUES

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Sensus intellectuales, Domine, affirmant hostiam esse carnem et vinum esse sanguinem, et suam affirmationem probant per testes intellectuales qui sunt tua ; benedictæ qualitates, quæ sunt testes veriores sensualibus.

Tout comme chez Richard de Saint-Victor, la bonté, l’amour, la gloire et la béatitude sont les témoins du dogme trinitaire, testes super Trinltatis assertione. De Trin., t. III, c. xi-xii, P. L., t. cxcvi, col. 922-924 ; comparer chez Lulle, Declaratio, p. 102, Arbor scientiæ, p. 210. Les dignités sont le refuge de l’apologiste contre ceux qui nient les sacrements. Lib. de acquisilione Terræ sanctse, f°546v° ; de même contre les musulmans, les jacobites, ibid., ꝟ. 547 r°, les nestoriens, Lib. de quinque sapientibus, t. ii, p. 1824. Ce sont elles que la théologie étudie, Declaratio, p. 193, que la mystique contemple, L’Art, p. 49 ; la connaissance elle-même se distingue selon qu’elles interviennent ou non dans le raisonnement : « L’Aimé opère en l’homme de deux manières, l’une naturelle et l’autre artificielle. La naturelle est quand il fait que l’homme voit avec ses yeux, entend avec ses oreilles, comprend avec son entendement et ainsi de suite pour les autres puissances naturelles. L’autre est quand il fait que l’homme voit, entend et comprend grâce au pouvoir divin, à la vertu, à la science, à la volonté et aux autres divines dignités. » L’Ami, p. 149. Cf. Probst, op. cit., p. 264, Keicher, op. cit., p. 75.

3. Grand Art et logique. — Il y a plus encore. C’est en fonction, en elïet, de la théorie des dignités divines et de l’analogie universelle que R. Lulle élabore le système du grand Art, et un mode nouveau d’argumentation.

Le grand Art est une massive construction qui a pour but d’enseigner la manière de trouver les principes premiers et de ramener ainsi à l’unité tout l’ordre des connaissances. Introd. artis démonstratives, prol., t. iii, p. 1-3. Cf. M. André, op. cit., p. 62*64. Il faut y distinguer le mécanisme extérieur et la méthode elle-même. Le mécanisme est fait de figures et de cercles concentriques destinés à faire saisir par l’image I ; parfaite correspondance et harmonie des trois ordres qui embrassent l’universalité des êtres : Dieu, l’homme, le monde. Au centre de ces cercles se trouve Dieu, désigné par la première lettre de l’alphabet ; autour de cette « idée impériale », rayonnent seize principes — dans les écrits postérieurs à 1289, neuf seulement — représentés aussi par des lettres et signiflanl lis attributs divins. Ces principes servent à former quatre ligures principales et peuvent se combiner de cent vingt manières, selon des procédés compliqués puisque chaque mixtion » paraît bien Impliquer trois syllogismes. Probst, op. cit., p. 40-46. Cette sorte d’algèbre logique remplit de ses diagrammes plusieurs écrits de H. Lulle et en rend la lecture extrêmement pénible. Malgré son développement extraordinaire, cette graphique mathématique n’est pourtant pas l’élément essentiel du grand Art, mais seulement sa représentalion symbolique et populaire. Probst. op. cit.. p, 12. H. Lulle a pris soin de dire lui-même, CC que l’on a

presque toujours oublié, qu’il n’avait pas d’autre

but que de faciliter la mémoire, Compendium artis demorutrattose, prol., t. m. p. 2. Plusieurs savants croient que i.uile emprunta celle asie Imagerie ans

Arabes. A (’encontre de celle hypothèse, il faut observer que l’idée de concevoir Dieu comme un centre autour duquel rayonnent les ttres es1 classique dans

la t néologie et la ilivst ique (lu xm’siècle, ’jràce suri ml

i l’influence du pseudo Trismégiste et aux descriptions

dionyslennes des chœurs angéllques. De plus, R. Lulle, poète de race, rail usage constant des symboles les plus variés, Probst, op. ett, p. 16-54, si bien que Menéndez y Pelayo l’a appelé le poète de la métaphysique ».

Dépouillé de ce symbolisme, le grand Art est une méthode unitaire et déductive destinée à fonder la science universelle. Probst, op. cit., p. 56-78 : Keicher, op. cit., p. 71-79 ; Pasqual, Vindiciæ, Dissert, de meihodo, t. i, p. 2-16, etc. Il ne s’identifie absolument ni avec la logique pure, ni avec la métaphysique, surtout parce que la logique considère seulement l’être de raison et la métaphysique l’être réel, alors que l’Art « considère l’être indifféremment selon l’un et l’autre mode ». Introd. artis démonstratif se, prol., t. iii, p. 1, 2. « L’intelligence, en effet, dit R. Lulle, demande et requiert impérieusement une science générale, applicable à toutes les connaissances, avec des principes très généraux dans lesquels est impliqué le principe des sciences particulières comme le particulier est contenu dans l’universel ». Ars magna, prol., 1. 1, p. 1-3. Les principes de cette méthode se divisent en absolus et relatifs. Les premiers s’identifient avec les seize dignités divines, bonté, grandeur, etc. Les seconds s’appellent : concordance, différence, contrariété, principe, moyen, fin, majorité, égalité et minorité ; ils servent à marquer les relations des êtres. Keicher, op. cit., p. 72. Puisque les principes absolus s’identifient avec les dignités divines et que ces dernières ne sont connues que par les vestiges qu’elles ont laissés dans l’être créé, il est clair que le point de départ du grand Art est le donné sensible, Comp. artis dem., t. iii, p. 74-79 : Débet artista ascendere de e/fectu ad summam causam. L’artiste s’élève progressivement, Keicher, op. cit., p. 72-74, Probst, op. cit., p. 225. 226 ; au terme de l’ascension il considère Dieu et ses perfections. Cette contemplation n’est pas une vision en Dieu ; Lulle rejette, en effet, l’ontologisme, Declaratio. p. 137, et maintient que, même dans « le degré le plus élevé de la fruition contemplative », Dieu n’est connu que médiatement, persimilitudinem. Declaratio. p. 138, cf. Probst, op. cit., p. 284. Ces dignités divines une fois connues, l’intelligence descend vers le contingent. C’est par ces idées impériales que la science s’élabore, Duodecim principia, prol., éd. Strasbourg, 1651 : Dxtcllectus causât scientiam curn duodecim imperalricibus quæsunt hxc : divina bonitas, magnitudo, etc. Elles sont, en elïet, une irradiation de Dieu dans l’esprit et lui communiquent une force qu’il n’avait pas jusqu’alors. Comp. artis dem., t. iii, p. 74 :

Quidquid virtutis habet intcllectus ascendendo habet similiter descendendo, sed none converso : quia descendentia (principia) imprimunt in se inintellectu contemplatlvo primai causæ lumen et virtutem de quibus in descensu illuminantur potentiie anima ; de inferioribus judlcantefi.

Principes de l’être, elles sont aussi la loi de la pensée, puisque dès lors, « l’effet est connu dans la cause Keicher, op. cit.. p. 75. Lib. de forma bei. Munich, lai. 10 588, ꝟ. 119 b : Intellectus agens facit veriorem scientiam propter formas dininas quam propter sensum et imaginationem.

Cette déduction, descensus Intellect us, ne s’applique pas (I ailleurs à la science de l’individuel niais, i la métaphysique générale, introd. artis dem.. c. xxxviii, t. iii, p. 31, Probst, op. cit.. p. 60. Elle ne se t : iit pas non plus au hasard mais selon des règles pratiques,

des Jugements et des axiomes subtils et nombreux,

mais qui, en dernière analyse, comme l’a observé partiellement S. Bové, ne sont que les trois principes suivants : a) tenir pour vrai toul ce qui aHiiine le maximum d’harmonie et de symbolisme entre Dieu el

l’être créé, Declaratio, p. 99 ; b) attribuer.ï Dieu ce qui

cl le plus parfait. Comp artis dem.. t. m. p, 80, ce qui esl la -lande proposition célébrée par Richard de

saint Victor, De Trin., l. I. c. xx. col 900 ; c) appliquer

à l’activité de Dieu <"/ extra l’axiome de saint Augustin,

De Ubero arbitrlo, .Ul, c. v, P. L., t. xxxii, col 1277 :