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LULLE. DOCTRIM. 1112

Séville, 1491 ; Rupert de Manresa, O. M. C, Libro de la concepcion virginal, Barcelone, 1906 (éd. de la version catalane d’Alonso de Cepeda). Malgré les assertions de Pasqual, op. cit., t. i, p. 431-434, de S. Bové et de M. Avinyo, op. cit., p. 446-449, il est acquis que ce traité a été écrit dans la seconde moitié du xiv e siècle, vers l’époque où Jean I er, roi d’Aragon, lançait (14 mars 1393) une pragmatique célèbre en faveur de la croyance à l’Immaculée Conception. Le P. Rupert, op. cit., p. 35, 39, 110, 165, y voit l’œuvre d’un franciscain aragonais rédigée à Avignon en 1395 ; d’autres, au contraire, suivant le sentiment de P. Alva y Astorga, O. F. M., l’attribuent à Raymond de Cortillis, chanoine d’Elne et adversaire d’Eymeric. P. Fita y Colomar, Panegirico sobre la Immacolada, Madrid, 1909, p. 44 ; P. Jazulla, Los reijes de Aragon y la Purisima Conception de Maria santisima, Barcelone, 1905, p. 13-14 ; J. Borras, Maria santisima y et Romano Pontiftce en las obras del B. R. Lull, Sôller, 1908, p. 5-9. Cette opinion semble définitivement établie. Pour les critiques plus récents, l’inauthenticité est aussi un fait acquis, R. d’Alôs, Los catalogos, p. 87, J. Rubiô, Los codices, p. 305, n. 1, ce que Littré, n. 80, reconnaissait déjà.

Plus nombreux sont les faux de tout genre sur les arts occultes mis sous le nom de Lulle. Sollier, Acta sanctorum, p. 707-709, et surtout Littré, n. 103-129 et n. 261-313 en ont dressé la liste. J.-M. Bastita y Roca, Catalech de les obres luliancs d’Oxford, p. 218228, a complété leurs indications et fourni de précieux renseignements sur l’influence extraordinaire de ces écrits d’alchimie en Angleterre au xvie et au xvii e siècle. Un chapitre non moins important pourrait être ajouté à ces recherches par l’examen des nombreux mss. alchimistes de la bibliothèque de l’Université de Bologne. L’authenticité de ces soixante et quelques ouvrages a été généralement admise, en dehors de l’Espagne, à partir de la fin du xve siècle. Ce fait a valu à R. Lulle une réputation du plus mauvais aloi : Corneille Agrippa, Giordano Bruno, Valère de Valeriis, furent tous enthousiastes admirateurs de l’alchimie dite lulliste. J. Rubiô, Los codices, p. 305-307. L’éditeur de Mayence, Salzinger, accepta avec enthousiasme ce legs littéraire et aussi Pasqual lui-même, non sans de graves réserves toutefois, Vindiciæ, t. i, p. 370, 437-439. Au xixe siècle Rossellô fut du même avis, R. d’Alôs, Los catalogos, p. 9, 45, 46, et édita même une poésie l’Art de l’alquimia dans les Obras rimadas, p. 305. Parmi les modernes, M. Barber partage encore ce sentiment, R. Lull, ’the illuminated doctor. A study in médiéval missions, Londres, 1903, p. 82-87. Il est seul de son avis, car c’est sans doute par inadvertance que P. Duhem s’appuie sur un de ces écrits le plus manifestement apocryphe, le Testamentum novissimum, éd. Bâle, 1572, pour exposer la philosophie lullienne de la matière première et marquer son influence sur Nicolas de Cuse. Études sur Léonard de Vinci, Paris, 1909, 2e série, p. 148, 426. La critique, en effet, guidée par la doctrine de R. Lulle qui condamne partout l’alchimie, surtout dans le Félix de les maravelles, Obras, Palma, 1903, t. i, p. 163-166, a fini par mettre à nu toutes les supercheries de cette littérature. Les PP. Custurer et Sollier, S. J., commencèrent le travail. A Gottron, L’Edicio maguntina, p. 18-32 ; R. de Luanco, R. Lulio considerado como alquimista, Barcelone, 1870, et après lui Littré, op. cit., p. 271, l’achevèrent. Une partie de ces faux a été restituée à leur auteur, Raymond de Tarrega, juif converti, puis dominicain apostat. Menéndez y Palayo, Hisloria, t. i, p. 496, 497. Aujourd’hui le procès est jugé définitivement, et par suite, sont ruinées d’innombrables calomnies dont Lulle a été victime pendant des siècles. Probst, op. cit., 169-171 ; Bofarull y Sans,

El testamento de Ramon Lull, p. 438 ; M. Obrador, Préface du Félix, Obras, t. i, p. xvi-xvii ; R. d’Alôs, Los catalogos, p. 9 ; J. Rubiô, R. Lull, p. 558, 559.

A cette liste ajoutons en dernier lieu le De audilu cabbalistico, éd. Paris, 1578. Stôckl, Geschichte der Philosophie des Mitlelallers, Mayence. 1865, t. ii, p. 939, y fait appel pour incriminer R. Lull ; de même M. Asin y Palaciôs, pour soutenir que le bienheureux dépend du soufi murcian Mohy ed Din. Or, il est nettement apocryphe au jugement des meilleurs critiques, Littré, n. 77, Probst, op. cit., 243, Desdevises du Dézert, dans Revue Hispanique, Paris, 1915, t. xxxiii, p. 294 et de l’avis de S. Bové, El sistema cienlifico Lulliano, Barcelone, 1908, p. 385, note A.

Xiii. las on n des écrits. — Le but apologétique poursuivi par R. Lulle le força d’employer de préférence la langue des pays où il voulait exercer son action. D’après A. Rubiô, Lliçons, p. 11, 12, il est sûr que R. Lulle écrivit en catalan la majeure partie de ses ouvrages. Une part notable fut aussi parallèlement traduite en arabe ou composée dans cette langue avant le texte catalan : Ainsi le Lib. x. Contemplationis, le Lib. de gentili, l’Ars amativa, la. Disputatio Raymundi et Hamar, un Lib. de Trinilale et Incarnatione, la Logique d’Algazel, A. Rubiô, p. 12, le Lib. de accidente et substanlia per modum novum et le Lib. de consolatione eremitani. R. d’Alôs, El manoscrilto Oltoboniano 405, p. 402. Il est regrettable que ces textes n’aient pas encore été retrouvés. La production latine de R. Lulle est plus réduite, car il avait à sa solde des traducteurs, ainsi qu’il résulte de son Testament et les franciscains lui prêtaient secours. D’aucuns assurent même que Raymond ne savait pas le latin au point de pouvoir écrire personnellement en cette langue. Cette assertion, qui a provoqué d’ardentes polémiques, est certainement exagérée. Sans être grand clerc en littérature latine, nec bene ordinavi, nec in bono dictamine, Keicher, op. cit., p. 224, Lulle avait une connaissance suffisante du latin populaire : il ne pouvait lire publiquement aux universités de Paris, de Montpellier et de Naples, dans une autre langue ; de plus, le texte latin de sa Declaratio Raymundi et de sa Disputatio Raymundi christiani et Hamar sarraceni ne vient pas de ses traducteurs, mais bien de lui. A. Rubiô, p. 13 ; J. Rubiô, La logica del Gazzali, p. 317, 318 ; S. Bové, R. Lull y la llengua llatina, p. 85-88.

III. Doctrines.

« R. Lulle est le scolastique populaire du Moyen Age. » R. d’Alôs, Poésies, p. 10. Il n’a recherché le savoir universel et n’a abordé tous les genres littéraires que pour l’action religieuse : dans ce but, il s’est servi, le premier en Europe, des idiomes nationaux, catalan et arabe, pour traduire des idées théologiques et philosophiques. Cette remarque préliminaire est de grande importance. Si, en effet, le publiciste laïque que fut R. Lulle ne tend point à la science pour elle-même, s’il est contraint tantôt à se plier aux méthodes de pensée et aux procédés d’argumentation en usage chez les Arabes, tantôt à couler ses idées religieuses et sociales dans les cadres souples du roman et de la poésie pour atteindre l’âme des foules à travers l’imagination et la sensibilite.il ne saurait être jugé en fonction de la scolastique classique.

Pour n’avoir pas des visées purement spéculatives, les écrits de R. Lulle n’en contiennent pas moins un ensemble remarquable de doctrines où, toutefois, l’unité organique est plus saisissante et plus originale que les idées elles-mêmes. Les éléments principaux méritent d’en être dégagés ; ils feront connaître du moins le philosophe, l’apologiste, le théologien et le mystique que fut R. Lulle, M. Probst. op. cit., p. 156192, ayant déjà étudié ses conceptions scientifiques et pédagogiques. M. Obrador, Doctrines sociologiques