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LUCQUES. DOCTRINES POLITICO-THÉOLOGIQUES


et IV, principalement sur les relations du Sacerdoce et de l’Empire, livre III.

D’après son contenu, ce traité a dû être écrit entre 1298 et 1308, vraisemblablement autour de 1300. Il se range ainsi parmi les documents propres à nous éclairer sur la théorie de la puissance ecclésiastique qui s’élaborait au tournant du xive siècle. Et si son antériorité par rapport au grand conflit de Boniface "VIII et de Philippe le Bel était certaine, on pourrait le considérer, sinon comme une source, du moins comme un prélude, par rapport aux premières systématisations qui surgirent alors du pouvoir pontifical en matière politique. Tout au moins en est-il contemporain.

On en trouve le texte dans toutes les éditions des œuvres complètes de saint Thomas ? sans que la partie authentique y soit toujours nettement distinguée de celle qui revient à son continuateur. Édition séparée par J. Mathis, Turin, 1924.

3. A cet ouvrage, dont la paternité était depuis longtemps acquise au profit de Toloméo, la critique moderne a entrepris de joindre quelques opuscules du même ordre récemment découverts.

La Detçrminatio compendiosa de jurisdictione Imperii a vivement provoqué l’attention des érudits, depuis qu’on s’est aperçu qu’il fallait la placer à la fin du mii c siècle ou au commencement du xive, donc à l’origine des grands débats sur la situation de l’Empire par rapport à la papauté. Or elle présente des rencontres frappantes et nombreuses avec la fin du De regimine principum. C’est pourquoi son premier éditeur l’attribue formellement à Toloméo. Voir Mario Krammer, Determinalio compendiosa, dans Fontes juris germanici antiqui, Hanovre et Leipzig, 1909, p. xxii-xxx. Cette attribution a certainement pour elle de très fortes probabilités. Il n’en va pas de même pour la date de 1281 proposée par l’auteur, p. vii-xxi. Avec plus de vérité, semble-t-il, H. Grauert, Hist. Jahrbuch fur die Gôrresgesellscha/t, 1908, t. xxix, p. 497-536, et 1910, t. xxxi, p. 242-243, reporte l’ouvrage aux environs de 1300.

4. Pour de semblables raisons, M. Krammer, ibid., p. xxxv-xuii, rapporte au même auteur et à la même époque un petit traité De origine ac translatione et tatu Romani imperii, par lui édité à la suite du précédent, op. cit., p. 66-75.

5. Enfin le même érudit affirme avoir trouvé dans le nis. lat. 4040 de la Bibliothèque nationale un traité absolument inconnu de Toloméo, intitulé : De iurisdictione Ecclesie super regnum Apulie et Sicilie, qu’il promet de publier en son temps. Ibid., p. xiv et xxii. Mais il ne semble pas que cette publication ait encore eu lieu.

III. Doctrines politico-thkologiques. — Après Pabricius, Biblioth. médise et inftmæ latinitatis, édit de Hambourg, 1746, t. vi, p. 58, qui suit lui-même H. Gerius, appendice à Cave, Scriplores ecclesiastici, édition de Baie, 1745, t. ii, p. 10, on a souvent imputé

i Toloméo une opinion singulière, d’après laquelle le

Christ n’aurait pas été conçu dans le sein de la Vierge, mais fuxla cor ipsius ex tribus sanguinis guttis. Cette imaginai ion appartient, en réalité, à un autre religieux de ses compatriotes, mais qui vécut deux siècles après lui : Pierre de Lucques. Elle a été condamnée sous son nom par une bulle de Jules II, en date du 7 scptenibre 1511, Voir Minutoli, op. cit., p. 24-25.

n’est p i dans le domaine de la dogmatique, mais’! < l’ecclésiologie, que s’est exercé.’l’activité doctrinale de notre théologien. On trouverait dans le De regimine principum tous 1rs éléments d’une philosophie de l’ordre politique et social qui ne serait pas sans intérêt. Mais Toloméo n’appartient proprement à la théologie que par ses idées sur la puissance du pape en matière temporelle. Sur ce point. l’honneur lui

revient d’être l’un des ancêtres ou des premiers témoins de la théorie dite du pouvoir direct.

1° Principe : la prééminence du spirituel. — Déjà toute son Histoire ecclésiastique est dominée par la supériorité de l’autorité spirituelle. L’auteur, dans son prologue, déclare vouloir la conduire selon les principes consignés au Décret de Gratien : ce qui lui a valu d’être dénoncé par Janus-Dôllinger, Der Papst und das Conzil, p. 301, comme un faussaire tendancieux. En conséquence, Toloméo tient que le temporel dépend du spirituel comme le corps de l’âme ou la lune du soleil. C’est pourquoi il commencera par raconter les gestes des souverains pontifes avant de passer ensuite à ceux des empereurs. Muratori, p. 752-758.

Ses œuvres didactiques lui fournissent l’occasion d’ériger en système cette philosophie de l’histoire. D’après le De regimine principum, sa doctrine se ramène à ces deux principes complémentaires : 1. Le Christ a uni en sa personne le double pouvoir royal et sacerdotal. C’est pourquoi il fut le vrai monarque du monde, verus rex et sacerdos et verus monarcha. Monarchie prédite dans Daniel et par laquelle seraient supplantés les quatre grands Empires qui avaient jusquelà dominé le monde. Cette monarchie ne s’étend pas seulement au domaine spirituel, mais encore au temporel. Si bien qu’Auguste, dans le recensement de ses États, agissait sans le savoir comme « vicaire » du Christ. De regim. princ, iii, 12-13, dans S. Thomas. Opéra omnia, édition Vives, t. xxvii, p. 381-382. Or, 2. ces pouvoirs du Christ sont transmis à Pierre et à ses successeurs. Ibid., 17-18, p. 385-386.

De ces deux prémisses résulte la thèse fondamentale de Toloméo : Sicut corpus per animam habet esse, virtutem et operationem…, ita et lemporalis jurisdictio principum per spiritualem Pétri et successorum ejus. Ibid.. 10, p. 379. C’est pourquoi le pape a pu procéder jadis à la translation de l’Empire, pourquoi il peut encore étendre sur lui son contrôle et pourrait, au besoin, le supprimer. Ainsi l’exige la plenitudo potestatis qu’il possède comme vicaire du Christ et qui fait de lui le principe de toute autorité : omnis influentia regiminis ab ipso dependet. Ce n’est donc pas seulement ratione delicli mais ad bonum totius fxdei, c’est-à-dire de la manière la plus normale, que ce pouvoir discrétionnaire peut s’exercer. Ibid., 17-19, p. 385-387.

Application au cas de la juridiction impériale.


C’est au nom des mêmes principes que la Determinatio compendiosa tranche la controverse alors soulevée sur l’origine exacte de la juridiction impériale. Il ne saurait. en effet, être question, comme le voulaient les théologiens et canonistes impériaux, de la rattacher directement à Dieu : l’empereur la reçoit par l’intermédiaire de l’Église. Pour prouver sa thèse, l’auteur établit d’après l’Ancien et le Nouveau Testament, puis d’après l’histoire profane, l’absolue prééminence du pouvoir spirituel. Il insiste sur la royauté du Christ, que celui-ci a transmise à son vicaire, pour aboutir à cette conclusion : Si ergo tota furisdictio concessa est vicario Christi, apparet quod impériale dominium dependet a papa. 6, p. 17. En conséquence, l’Empire n’est qu’un instrument aux mains du pape, utitur imperatoris officio ut instrumenta. 1. p. 18. Ce qui explique les multiples interventions pontificales, que l’auteur se plaît à rappeler d’après l’histoire et le droit, en insistant sur les actes utriusque Innocenta, savoir Innocent III et Innocent IV. Ibid., 30. p. 61. D’après la même théorie, la donation de Constantin est Interprétée connue une cessio, qui remet le pape en possession de son dû. 26, p. 51. Pour traduire cette dépendance constitution

nelle de l’Empire, l’auteur demande que le nouvel élu

ne puisse en prendre possession qu’après avoir été, non seulement continue, mais couronné et sacre des mains du pape