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LUCIFER DE CAGLIARI. LE SCHISME LUCIFÉR1EN


tôt de cette folie, afin qu’on puisse bientôt chanter partout : Il n’y a qu’un seul Seigneur et qu’une seule foi. » Mansi, Concil., t. iii, col. 345. Il semblait donc que l’on ne mettrait pas d’autres conditions à l’admission des repentis que la reconnaissance pure et simple de la formule nicéenne. Saint Jérôme ajoute pourtant que l’on aurait excepté les auteurs mêmes de l’hérésie : Constitution est, ut exceptis auctoribus hæreseos, quos error excusare non poterat, pœnitentes Ecclesiæ sociarentur : non quod episcopi possint esse, qui hæretici f uerant, sed quod conslaret eos qui reciperentur hæreticos non fuisse. Dial. cont. Lucifer, 21, P. L., t. xxiii, col. 183. Mais ces fauteurs d’hérésie étaient peu nombreux ; avec les évêques signataires des formules suspectes, les confesseurs de la foi pourraient entrer en communion à condition que les repentis acceptassent sans ambages le symbole de Nicée, augmenté d’une déclaration relative à la divinité du Saint-Esprit. Les quelques occidentaux, qui allaient ainsi regagner leurs villes épiscopales, constitueraient des centres d’orthodoxie, auxquels se rallieraient de proche en proche les évêques voisins : ainsi, en peu de temps, serait détruite l’œuvre funeste de Rimini.Lepape Libère, nous l’avons dit plus haut, col. 636, s’associait à cette tactique et, comme le dit saint Jérôme, loc. cit., assensus est huic sententise Occidens, et per tam necessarium consilium Satanée faucibus mundus ereptus est.

Certains indices montrent qu’à Alexandrie même Athanase avait eu quelque peine à faire triompher cette tactique. Des opposants avaient dû faire valoir que la signature de formulaires suspects ou hérétiques avait privé définitivement les évêques qui s’y étaient prêtés de leurs droits de chefs d’Eglise. Mais, quoi qu’il en soit de ce qui se passa au concile, nous savons que telle fut l’opinion théorique adoptée par Lucifer et dont il tira immédiatement les conséquences. Le geste par lequel il consacrait Paulin évêque des eustathiens d’Antioche, alors que l’on attendait le retour incessant de l’évêque Mélèce, qui, malgré son exil pour la foi, lui demeurait suspect, témoigne au mieux de son état d’esprit. « Pas de pardon pour ceux qui ont péché, » avait-il écrit jadis, s’adressant à Constance ; il généralisait maintenant la formule. Au dire du Libellus precum, Lucifer l’applique encore à son. retour d’Orient, quand il arrive à Naples et y trouve un certain Zosime, plus ou moins compromis avec les ariens : Hune Lucifer confessor suscipere noluil, non ignorons quæ gesseral. Lib. prec, 16, P. L., t. xiii, col. 95. Bientôt, au dire du même écrit, il reçoit dans son île la visite de Grégoire d’Elvire qui, malgré son intransigeance, avait pu échapper à l’exil. Ibid., 25, col. 100. C’est dans ces conversations sans doute que l’on se mit pleinement d’accord sur le principe : On n’admettrait pas à la communion les évêques qui avaient prévariqué, même s’ils acceptaient maintenant la foi de Nicée. L’hérésie, à laquelle ils avaient prêté les mains, leur avait fait perdre leur caractère épiscopal. Au cas où ils voudraient entrer dans la communion de l’Eglise, qu’on entendait représenter, ils seraient traités comme laïques, sans espoir de jamais être promus aux ordres.

Ainsi peu à peu se précisait la doctrine de la secte : La chute dans l’hérésie fait perdre le pouvoir d’ordre. car l’hérésie ne diffère pas essentiellement de l’apoi tasie. Or Cle conflit donatiste venait de le montrer), plusieurs considéraient encore que la chute flans l’idolâtrie rendait le failli inapte a exercer les fonctions sacerdotales. A pousser les choses a la rigueur, et Jérôme dans VAltercatio ne s’en juive pas, il aurait fallu aller plus loin et considérer encore comme Inva Udes les baptêmes administres par lis évêques coupal, l( s, et donc réitérer le sacrement aux laïques l’a], par ces évêques et désireux de revenir a l’obc dience catholique. Les lucifériens, dans leur ensemble, se refusèrent à aller jusque-là. Inconséquents avec leurs principes, ils admirent que le baptême même conféré par les hérétiques était valide, et c’est de cette pratique qu’argumente Jérôme pour dénoncer leur inconséquence. En même temps, il accuse le diacre romain Hilaire, lequel avait toujours conservé le cuisant souvenir des souffrances endurées au concile de Milan, d’avoir poussé jusqu’au bout le principe des lucifériens et d’avoir administré le baptême à ceux qui l’avaient reçu des mains d’évêques prévaricateurs.

On comprend dès lors, sans que l’on ait de détails positifs, comment la secte s’est formée. En Sardaigne, Lucifer a pu grouper autour de lui plusieurs évêques intransigeants ; Grégoire d’Elvire en a fait autant en Espagne. Dans la mesure de leurs moyens, ils ont sans doute essayé de donner des évêques de leur bord à de petites communautés de fidèles demeurées réfractaires aux prélats d’abord prévaricateurs puis repentis. Ainsi on a vu se créer dans des villes où il y avait des évêques en communion régulière avec l’Église catholique, des chapelles schismatiques où se perpétuait l’esprit de Lucifer et de Grégoire. Nous avons à nous demander si ces communautés furent nombreuses.

Aire de dispersion du schisme luciférien.

La

Sardaigne, où s’exerçait plus directement l’influence de Lucifer, a dû compter un nombre assez considérable de ces chapelles dissidentes. On le voit dans ce passage de l’oraison funèbre que saint Ambroise consacre à son frère Satyrus. Jeté par un naufrage sur la côte de Sardaigne, le jeune homme, qui a promis, s’il sortait sain et sauf, de se faire baptiser, s’adresse à l’évêque de la ville la plus voisine, mais il a grand soin de s’informer si ce prélat est en communion avec les évêques catholiques. « C’est qu’en effet, dit Ambroise, cette Église aurait pu être dans le schisme de ce pays. » De excessu Satyri, i, 47, P.L., t. xvi, col. 1362, 1363.

En Espagne, Grégoire d’Elvire, cf. t. vi, col. 1838, était l’âme du mouvement ; après la disparition de Lucifer, il fut considéré comme la grande autorité du schisme ; il vivait encore en 392 quand Jérôme rédigeait le De viris. Parmi ses adhérents espagnols, le Libellus precum cite un prêtre Vincent, qui aurait souffert de rudes persécutions, on ne nous dit pas en quelle ville, des évêques catholiques Luciosus et Hygin. Lib., 20, col. 97. Le même écrit connaît à Trêves un prêtre Bonose, qui aurait été mis en prison à cause de ses opinions lucifériennes. Ibid., 21, col. 98.

A Rome, la secte avait essayé également de s’implanter, et le Libellus cite le nom d’un évèquc luciférien Aurèle, lequel aurait souffert persécution sous Damase, ainsi qu’un prêtre nommé Macaire dont le martyre est longuement rapporté. Ibid., n. 21-24. Les auteurs du Libellus se donnent eux-mêmes comme deux prêtres romains au service de l’évêque luciférien Éphésius, successeur d’Aurèle. A l’époque où l’on regardait la pièce n. 1 de la Collectio Avellona, comme la préface du Libellus. on a conclu de la note qui rejoint ces deux pièces, col. 83 C, que ces deux piètres avaient d’abord été des partisans du schisme d’Ursinus et étaient passés ensuite à la chapelle luciférienne. On avait imaginé dès lors des hypothèses assez compliquées sur les rapports entre les deux schismes ; il n’est plus nécessaire de les discuter : la note en question est l’œuvre du scribe qui a rassemblé les quarante premières pièces de la collection, a une date assez éloignée des faits pour qu’il n’y ait pas lieu de tenir compte de son témoignage. Voir l’édition (). (iiintlier, du Corpus de Vienne, p i viii-i.x, 1 et 5 et l’apparat critique.

Quoi qu’il en soit, l’évêque luciférien Éphésius fut

déféré par le pape Damase à la juridiction séculière. laquelle, au due du LlMltU, aurait refuse d’instrumenter contre lui. le juge ayant déclare que lM COUtl-