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    1. LUCIEN D’ANTIOCHE (SAINT)##


LUCIEN D’ANTIOCHE (SAINT). L’ECOLE LUCIANIQUE

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Nous ne pouvons pas vérifier l’affirmation de Philostorge. Elle est du moins rendue assez probable par le fait qu’Astérius employait avec prédilection ladite formule, Eusèbe, Contra Marcel., I, iv, 33, édit. Klostermann, p. 25 ; P. G., t. xxiv, col. 764 BC ; cf. Acace dans Épiphane, Hæres., Lxxii, 6, P. G., t. xui, col. 389 B. Plus volontiers, nous attribuerons à Lucien la série des termes scripturaires que le symbole accumule comme à plaisir, en parlant du Fils : « Nous croyons en un seul Seigneur Jésus-Christ… par qui tout a été fait, Verbe vivant, Sagesse vivante, lumière véritable, chemin, vérité, résurrection, pasteur, porte…, premier-né de toute créature, étant au commencement près de Dieu, Dieu Verbe selon ce qui est dit dans l’Évangile : « Et le Verbe était Dieu, par lui tout a été fait ; » et : « en lui tout subsiste ; » venu d’en haut aux derniers jours, né d’une Vierge selon les Écritures et fait homme, médiateur de Dieu et des hommes, apôtre de notre foi, chef de la vie. » Hahn., ibid. Cette accumulation est fort curieuse. Elle présente en même temps l’avantage de dispenser son auteur de toute précision. Les précisions auraient pu être dangereuses, si nous nous souvenons que, pour les disciples de Lucien, le Fils a eu un commencement et qu’il y a eu un temps où il n’était pas. Lucien lui-même enseignait sans doute la même chose ; en quoi d’ailleurs il se bornait à reprendre les formules de saint Denys d’Alexandrie.

Sur la christologie lucianique nous n’avons d’autres indications que celles que fournit saint Épiphane : « Lucien et tous les lucianistes nient que le Fils de Dieu ait pris une âme ; ils disent qu’il a eu seulement une chair, sans doute afin d’attribuer au Dieu Verbe les passions humaines, la faim, la soif, la fatigue, les gémissements, le chagrin, l’inquiétude. » Ancoratus, xxxin, 4, édit. Holl, p. 42 ; P. G., t. xliii, col. 77 A. La mention des lucianistes dans ce passage est faite pour inspirer quelque inquiétude. L’auteur du Contra Apollinarium, ii, 3, P. G., t. xxvi, col. 1136 C, et Théodoret, Hæret. fabul. conf., v, 11, P. G., t. lxxxiii, col. 489 A, attribuent à Arius la théorie dont parle Épiphane à propos de Lucien, et nous savons que cette doctrine fut en effet soutenue par Eudoxe de Constantinople, Hahn, op. cit., § 191, p. 261 ; cf. J. Tixeront, Histoire des dogmes, t. ii, p. 27. Il est donc prudent de refuser à Lucien lui-même la paternité d’une formule qui tendrait à le compromettre non seulement avec Arius, mais avec Apollinaire.

Somme toute, pour autant qu’elle nous est accessible, la doctrine de Lucien semble se rattacher à la tradition origéniste. Comme Origène, le docteur antiochicn est avant tout un bibliste ; c’est à la Bible qu’il demande de préférence ses expressions ou ses formules : à plusieurs reprises le symbole insiste sur l’autorité des Écritures, comme on peut s’y attendre de la part d’un homme qui a revu le texte des deux Testaments et qui a consacré à cette tâche le meilleur de ses forces. Sans doute est-ce aussi à la Bible qu’il doit son attachement : iu monothéisme le plus rigoureux. Il croit a la Trinité avec toute l’Église : mais il parait bien que, comme Origène et comme saint Denys d’Alexandrie, il n’attribue au Fils qu’une divinité secondaire et moindre. Seul le l’ère inengendré mérite proprement le nom de Dieu ; le Fils et l’Esprit-Saint ne sont Dieu que par rapport à lui.

IV. L’ÉCOLE LUCIANIQUE. — L’importance historique de Lucien tient surtout ; i son école. Nous ne savons rien de sa manière d’enseigner, ni du thème de son enseignement, ni des relations que pouvait avoir son école avec les autorités ecclésiasl iques d’Antioche. Tout ce que l’on pourrait dire sur l’organisation de l’école antiochienne à la fin du nr siècle serait de la fantaisie. Du moins connstlsaoni nous par

des témoignages certains les noms des principaux disciples de Lucien et sommes-nous assurés de l’influence que le maître avait exercée sur eux. Philostorge, H, . E., h, 14, édit. Bidez, p. 25 ; P. G., t. lxv, col. 477 A, nous a conservé la liste imposante de ceux qui avaient entendu Lucien : Eusèbe de Nicomédie, Maris de Chalcédoine, Théognis de Nicée, Léonce, qui devint plus tard évêque d’Antioche, Antonius de Tarse en Cilicie, Ménophante, Noominius, Eudoxe, Alexandre, Astérius de Cappadoce. Encore cette liste n’est-elle pas complète, car il y manque des hommes comme At hanase d’Anazarbe, cf. Philostorge, H. E., iii, 15, édit. Bidez, p. 46 ; P. G., t. lxiv, col. 505 B, Théodore d’Héraclée, cf. Théodoret, H. E., V, vii, 1, édit. Parmentier, p. 286 ; P. G., t. lxxxii, col. 1208 C ; Glycérius, cf. Vita Constant., édit Bidez, p. 198, 1. 3 ; et même des femmes comme Eustolium, Dorothée, Sévéra et Pélagie, Vita Luciani, édit. Bidez, p. 192. Il y manque aussi Arius qui, dans sa lettre à Eusèbe de Nicomédie, le traite de collucianiste, auXXouxi.avt.aTr ; ç. dans Théodoret, H. E., I, v, 4, édit. Parmentier, p. 27, 1. (5 ; P. G., t. lxxxii, col. 912 C. Sur ce titre, cf. E. Sehvvartz, Zut Geschichte des Athanasius, dans les Xaclirichten der K. Gesell. der Wissensch. zu Gottingen, hisl. philol. KL, 1905, p. 290 n. 5.

On ne saurait récuser le témoignage de Philostorge, lorsqu’il attribue à Lucien tant d’illustres disciples. Aucun des docteurs orthodoxes du ive siècle ne cherche à défendre le maître antiochien, ni à interdire aux ariens de revendiquer son patronage. D’ailleurs, il est à remarquer que les collucianistes sont aux premières places au moment où s’ouvrent les controverses ariennes. Un grand nombre d’entre eux sont évêques : Eusèbe à Nicomédie, Maris à Chalcédoinc, Antoine à Tarse, Ménophante à Éphèse, Athanase à Anazarbe. Us ne le seraient pas devenus si renseignement qu’ils avaient reçu de Lucien avait été considéré comme hérétique. Mais, comme il a été dit, cet enseignement se rattachait à la tradition origéniste. 11 pouvait encore être accepté avant les définitions du concile de Nicée.

Des disciples de Lucien, deux sont accusés par Philostorge d’avoir modifié sur des points importants l’enseignement de leur maître. Théognis de Nicée déclarait, contrairement ù la pensée de Lucien, que le Père peut être appelé Père même avant d’engendrer le Fils, car, disait-il, il y a déjà alors en lui la puissance d’engendrer. Philostorge, II. E., ii, 15. édit. Bidez, p. 25 ; P. G., t. lxv, col. 20. Quant à Astérius, il disait, comme on l’a déjà remarqué, que le Fils est l’image exacte de l’ousie, de la volonté, de la puissance et de la gloire du Père, ce qui paraissait inadmissible à l’historien anoméen. Ibid. Tous les autres sont représentés comme des fidèles ; et l’on sait qu’ils conservaient entre eux des relations très étroites. Cf. A. Harnack, I.ehrbuch der Dogmengeschichtc, t. ii, 4e édit., p. 187 sq.

I’. BfltiffoL Etudes d’hagiographie arienne : In paMfon de aoinl Lucien d’Antioche, dans le Compte-rendu du congrès teientifique international dis catholiques, l’nris, 1891, section ii, p. 181-186 ; A. Harnack, Altchristlichr l.ilrralnr, Leipzig, 1893, i. i. p. 526-531 ; t. Il l 1904, p. 1.38-146 ; o Bafdenhewer, Altktrchltene Ltteratur, ^" édit, Fribourg, 1903, t. ii, p. 230 s(|. ; E. Buonaluti, Lttctano marttre, in

sua dotlrina c In sim tCUOla, dam la Kwisln sltirn n-irilii a

driir tcttnu teoloçlcht, 1908, p. 880-886, 000-928 1 1909, p. 104-118 ; J. Bides, PhUottorglu* Kircntngewckicltlt mil

drm l.ihin dir l.minn l’un Anln.ihten und dm I’-'rngmenlrn

tines arlanlidun Hiatoriographen, Leipzig, 1913, p, kci >q., (i.

sq. ; il. Delehaye, Lci légendes hagiographique*, 2 édit., Bruxelles, 1906, p 219 m

Sur le symbole de Lucien, F. Kattenbusch, Dos Apocfon. irhr Symbol, Leipzig, t. i, iK’U, p, 2°>2 sq., 2 :. :. sq., 9j68| t. ii, 1111H1, p. 202 sq, ot auteur Basait sic prouvai qsts e symbole de Lucien cet la 1 hnwale d’Antioche ai non la