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L023 LUCIDUS — LUCIEN D’ANTIOCHE. (SAINT ; VIE DE LUCIEN 1024

impossible de le dire. — Enfin le n. 1 est une condamnation générale de la thèse que les adversaires de l’augustinisme prêtaient volontiers aux partisans du Docteur de la grâce : « Je condamne quiconque dit que le travail de l’obéissance humaine ne doit pas se joindre à la grâce divine : qui dicit laborem hurnanæ obedientiæ divines grattée non esse jungendum. »

Ainsi, dans l’ensemble, les formules condamnées par le concile sont les mêmes que celles proscrites par Fauste. Il y a toutefois une nuance dans l’expression : Pris tel quel, et prout sonant, les anathèmes rédigés par Fauste reproduisent littéralement des propositions augustiniennes. Il nous semble au contraire que les thèses condamnées par le concile accentuent la note pessimiste : Ex. : anath. 4 : præscientia Dei hominem violenter compellit ad mortem et Dei pereunt voluntate qui pereunt ; an. 6 : alii deputantur ad mortem, alii ad vilam prsedeslinantur. Ceci n’est plus de l’augustinisme.

Les propositions affirmées.

L’ensemble de la

doctrine reprochée à Lucidus et rejetée par les évêques provençaux est des plus faciles à identifier ; de même il est aisé de reconnaître les traits principaux de l’antiaugustinisme dans les affirmations positives que l’on impose au condamné.

"Voici d’abord les thèses que Fauste impose à la signature de Lucidus : « Illuminés par le Christ nous affirmons en toute vérité.et confiance : que celui qui périt par sa faute aurait pu se sauver par la grâce, s’il n’avait pas refusé à la grâce sa laborieuse coopération : que celui qui, par la grâce, mais en lui prêtant son concours, est arrivé heureusement au terme aurait pu tomber par paresse et périr par sa faute. Nous donc qui, sous la conduite du Christ, essayons de garder le juste milieu, nous affirmons, après la grâce sans laquelle nous ne sommes rien, le travail indispensable du bon serviteur qui remplit son devoir, laborem officiosæ servitutis. »

C’est à peu près dans les mêmes termes que Lucidus présentera au concile sa profession de foi positive : « J’affirme la grâce de Dieu, mais j’y ajoute constamment les peines et les efforts de l’homme ; je déclare que la liberté du vouloir humain n’a pas été éteinte, mais seulement atténuée et affaiblie ; que celui qui est sauvé, a couru le risque de ne l’être pas, que celui qui s’est damné a pu être sauvé. Le Christ, notre Dieu et notre Sauveur, suivant les richesses de sa bonté, a offert pour tous le prix de sa mort, et, s’il ne veut pas que personne périsse, lui qui est le sauveur de tous les hommes, mais surtout des fidèles, il est prodigue envers tous ceux qui l’invoquent. » Suit le rappel des textes scripturaires auxquels Lucidus avait demandé autrefois les preuves d’une volonté salvifique restreinte ; mais ces textes de sens restrictifs sont contre-balancés par l’abondance des textes scripturaires que l’on peut leur opposer et par la doctrine des anciens. Le prêtre gaulois conclut par l’affirmation qu’avant la venue du Christ certains ont pu être sauvés soit par la loi de Moïse, soit par la loi de nature, inscrite par Dieu dans le cœur de tous, mais que nul n’a été ainsi dégagé de l’emprise de la faute originelle que par la vertu du sang précieux du rédempteur. Suit enfin la profession de foi aux flammes éternelles, réservées aux crimes capitaux.

Il resterait, pour épuiser la question de Lucidus, à étudier le rapport entre les résolutions conciliaires et l’écrit de Fauste qui est censé en être dérivé. Jusqu’à quel point l’évêque de Riez est-il l’interprète fidèle de la pensée de ses collègues réunis à Arles, puis à Lyon ? Tel est le problème qui s’est posé depuis la première apparition des documents relatifs à cette affaire. La solution, si tant est qu’elle soit possible, sera donnée à l’art. Semi-pélagianisme.

Textes. — Les lettres en question de Fauste ont été publiées d’abord par Baronius, Annales, an. 490, n. Il scj., édit. de Lucques, t. viii, p. 515 sq. ; puis par Sirmond, dans son Historia prædeslinatiana, c. vu ; reproduite dans P. /, ., t. lui, col. 074 sq. On les lira de préférence aujourd’hui dans l’édit. des Œuvres de Fauste, par A.Engelbrecht, dans le Corpus de Vienne, t. xxi, Vienne, 1891. Avec beaucoup de raison, Engelbrecht a remis la lettre soi-disant adressée par Fauste à "Léonce d’Arles, voir P. L., t. Lvni, col. 835, à sa place normale, comme dédicace du De gratia.

Travaux. —.1. Sirmond, Historia prædestinatiana, quibus initiis exorta et per quos » tjtissimum profligala prædestinatorum liœresis olim fuerii et oppressa, Paris, 1048, reproduite dans les Œuvres complètes, Venise, 1728, t. iv, col. 267-292 ; Gilbert Mauguin, Vindiciee pnvdestinationis et gratiæ, t. ii, p. 443-690 : Accurata Historiæ prædestinatiana ; J. Sirmondi confuiatio, voir spécialement p. 546-577 ; Tillemont, Mémoires, t. xvi, p. 322 sq., p. 777-778 ; Ellies du Pin, Nouvelle bibliotlièque des auteurs ecclésiastiques, t. iv, p. 242 sq. ; Histoire littéraire de la France, t. ii, p. 454-466 ; Hefele, Histoire des conciles, trad. Leclercq, t. u b, p. 908-912 ; JMalnory, Saint Césaire d’Arles, Paris, 1894, p. 148 sq. ; J. Turmel, La controverse semi-pélagienne, dans Revue d’hist. et de litt. religieuses, 1904, t. îx, p. 497 sq. ; voir aussi, Histoire de l’interprétation de 1 Tim., II, 4, ibid., 1900, t. V, p. 385 sq.

É. Amann.

LUCIEN D’ANTIOCHE (Saint) ; t 7 jan vier 312). — I. Vie de Lucien. II. Ses écrits. III. Sa doctrine. IV. Son école.

I. Vie de Lucien.

La vie de Lucien d’Antioche nous est mal connue. Le plus ancien auteur qui parle de lui est Eusèbe dans son Histoire ecclésiastique : il mentionne Lucien à deux reprises pour rappeler son glorieux martyre à Nicomédie, durant la persécution de Maximin, en 312. De sa personne et de son œuvre, il ne nous apprend rien d’autre, sinon que Lucien avait été un prêtre, en tout excellent, de la communauté d’Antioche, H. E., VIII, xiii, 2, P. G., t. xx, col. 773 C ; qu’il avait mené une existence continente, et qu’il était fort instruit dans les disciplines sacrées. H. E., IX, vi, 3, P. G., t. xx, col. 808 C. Au plus ajoute-t-il que, mené devant l’empereur, il lui exposa l’apologie de la doctrine pour laquelle il avait été arrêté. Id., ibid.

Alexandre d’Alexandrie, dans sa lettre à Alexandre de Byzance, dans Théodoret, H. E., I, iv, 36, P. G., t. Lxxxii, col. 901 A, prétend que Lucien, pour avoir suivi Paul de Samosate, demeura excommunié pendant longtemps sous trois évêques, ôv 81aSe ; àu.Evoç Aouxiocvoç à^oauvâycoyoç eu.si.ve Tpitôv stc’.ctxÔttcùv TCoXuérsiç ypôvouç. Le témoignage d’Alexandre est d’autant plus suspect que nous connaissons par ailleurs les différences considérables qui séparent la doctrine de Lucien de celle de Paul de Samosate.

Les renseignements les plus abondants que nous possédions sur Lucien, sont fournis par une vie ancienne qui racontait, avec d’assez nombreux détails, les origines du martyr, sa doctrine, et surtout sa glorieuse passion. Le texte primitif de cette vie est perdu ; mais de nombreux témoins permettent d’en connaître le contenu : une Vita Conslantini, cor.iée dans un Codex angelicus græcus 22 (D. 3. 10) ; l’article Aouxiavôç ô Liap-rùç de Suidas ; la notice du synaxaire de l’Église de Constantinople ; la notice de Siméon Métaphraste, P. G., t. exiv, col. 397-416. Cf. J. Bidez, Philostorgius’Kirchengeschichte, Leipzig, 1913, p. lxxxviii sq. ; P. Batifîol, Études d’hagiographie arienne : la passion de saint Lucien d’Antioche, dans le Compte rendu du congrès scientifique international des catholiques, Paris, 1891, section ii, p. 181186 ; Pio Franchi de’Cavalieri, dans les Studi e documenti di storiae diritto, 1897, t. xviii, p. 89 sq.

A ces sources, il faut ajouter les renseignements fournis par saint Jérôme, De vir. UL, 77, P. L., t. xxiii, col. 685 ; par Rufin, qui insère dans sa traduc-