Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/509

Cette page n’a pas encore été corrigée
1003
1004
Il CAIN — LUCAR. II.


eu la même doctrine que son maître. Épiphane qui commence par reproduire la même donnée, nâ.iza (xèv ouv xocTa tôv Mapxlcova Soy^a-âÇei, ajoute néanmoins que cet adepte du grand hérésiarque s’était séparé du maître, avait formé un groupement spécial, iOpoiCT|jLa, dont les adhérents s’étaient appelés lucianistes. L’auteur du Panarion avoue, d’ailleurs ne pas avoir grands renseignements sur son compte. Au lieu des deux principes admis par Marcion, Lucien en aurait reconnu trois : le démiurge (le Dieu juste et justicier de son maître), le Dieu bon, le Dieu mauvais (lequel constitue une nouveauté par rapport au système marcionite). A rencontre de l’enseignement de son maître, il aurait condamné le mariage et prôné la chasteté, seul moyen de ne pas perpétuer l’œuvre du démiurge. — A. von Harnack suppose, non sans apparence de raison, que ces renseignements ont été empruntés eux aussi par Épiphane au Syntagma d’Hippolyte, que les deux auteurs latins auraient abrégé. Ils auraient donc quelque valeur. Les hérésiologues postérieurs n’ont fait que répéter ces données avec plus ou moins d’exactitude. Voir S. Jean Damascène, Hæres., 45, P. G., t. xciv, col. 704 et Nicétas, Thésaurus orthodoxie fldei, iv, 15, P. G., t. cxxxix, col. 1279.

Mais l’on peut remonter plus haut que ces données du Syntagma. Tertullien, De resurrect. carnis, ii, P. G., t. ii, col. 798, fait mention de ce Lucanus, comme professant une doctrine spéciale sur la survie de l’âme. A la suite d’Aristote, il admettait que l’âme se dissolvait en même temps que le corps ; ce qui ressusciterait, ce ne serait ni la chair, ni l’âme, mais un tertium quid, ni chair, ni âme ; solution désespérée pour combiner avec les négations philosophiques les espérances chrétiennes. Quelques années plus tard, Origène fait mention, mais sans précision spéciale, des altérations que les disciples de Lucain, comme ceux de Marcion d’ailleurs, apportent au texte évangélique. Cont. Celsum, ii, 27, P. G., t. xi, col. 848.

Telles sont les uniques données que fournisse sur le personnage l’ancienne littérature chrétienne. Elles ne permettent guère d’esquisser la physionomie ni de l’homme, ni de son enseignement. Harnack se le représente comme un Italien, peut-être un Romain, qui, attaché au système général de Marcion, continua pour sa part l’œuvre de critique tant littéraire que philosophique commencée par le grandn ovateur, et mit quelque indépendance dans sa façon de suivre l’enseignement du maître.

Les Sources ont été toutes mentionnées au cours de l’article ; on peut négliger tous les hérésiologues modernes. Les derniers renseignements dans A. von Harnack, Marcion, 2e édit., dans Texte und Untersuclumgen, t. xlv, Leipzig, 1924, Beilage vii, p. 400*-403*.

É. Amann.
    1. LUCAR Cyrille##


LUCAR Cyrille.— I. Vie. II. Œuvres. III. Doctrine. IV. La réaction anticyrillienne.

I. Vie.

La jeunesse.

Cyrille Lucar, KûptXXoç

ô Aoûxocptç, naquit le 13 novembre 1572, à Candie, dans l’île de Crète, alors au pouvoir des Vénitiens. Il porta dans le siècle le nom de Constantin. Après avoir fréquenté dans sa patrie l’école de Mélétios Vlastos, il se rendit, à l’exemple d’un grand nombre de ses compatriotes, aux deux principaux centres intellectuels de l’époque, Venise et Padoue. Il n’avait que douze ans quand il arriva à Venise pour ses premières études. Un de ses compatriotes s’illustrait alors dans la cité des lagunes ; c’était Maxime Margounios, évêque de Cythère, avec lequel il entretint un commerce épistolaire très régulier, où l’on voit les dons intellectuels de l’étudiant s’affirmer et briller avec non moins d’éclat que ceux du prélat. Les études supérieures appelèrent Lucar à Padoue ; il y suivit les cours de Cremonini et ceux de Piccolomini, dont le scepti cisme élégant ne manqua pas d’exercer une certaine influence sur son esprit ; il y rencontra aussi le jésuite Posscvin et, sans doute, le disciple de ce dernier, l’illustre François de Sales qui, en 1591, conquérait le grade de docteur ; il ne semble pas cependant que le futur évêque de Genève ait noué des relations avec le futur chef de l’orthodoxie grecque. Lucar quitta Padoue pour se rendre à Constantinople où l’appelait son protecteur, Mélétios Pégas, patriarche d’Alexandrie, devenu gérant du patriarcat œcuménique. Son séjour en Occident lui avait permis d’acquérir, outre les connaissances classiques, les langues latine et italienne, dont nous le verrons se servir sinon avec élégance, du moins avec facilité. Il demeura un an auprès de Mélétios ; il était déjà prêtre au mois de juillet 1594 ; il gravit rapidement les degrés de la hiérarchie ; en 1595, il est promu à la dignité de syncelle patriarcal d’Alexandrie ; en 1596, il est chargé d’une mission en Pologne et devient recteur de l’académie de Yilna. Certains auteurs ont prétendu qu’il passa à cette époque en Allemagne et en Suisse, visitant Wittemberg et Genève, étudiant de près la Réforme qui préoccupait en ce moment tous les esprits ; quoi qu’il en soit, il est certain qu’en octobre 1596, il se trouvait en territoire polonais. La Pologne était alors le théâtre de très graves événements : le roi Sigismond III qui déployait les plus louables efforts pour réaliser l’unité religieuse dans le pays venait d’aboutir à un résultat : en 1595, à Brzesc, ville des confins de la Lithuanie et de la Pologne, un synode avait proclamé et signé l’union avec Rome. Mais ce geste national avait malheureusement rencontré tout aussitôt une vive opposition. Le prince Constantin d’Ostrog, un des grands chefs de la noblesse et descendant des ducs de Kiev, s’était placé à la tête des mécontents, par dépit ; il avait rêvé de négocier lui-même avec le souverain pontife, comme autrefois Jean Paléologue à Florence, mais on l’avait écarté. Il écrivit aux autorités religieuses de Constantinople pour demander l’envoi d’un exarque en Ruthénie ; on lui adressa le prélat Nicéphore. Ce dernier et Cyrille Lucar furent ses associés dans la lutte qu’il mena à la fois contre les latins et contre les uniates. Lucar enseigna quelque temps dans la ville même d’Ostrog ; il faut signaler, parmi ses élèves, le fils du recteur de l’Académie, ce Maxime Smotrycki, qui allait devenir un des chefs du schisme en Pologne, mais que le sang du martyr saint Josaphat Kuncewicz devait convertir et transformer en apôtre de l’union. En 1599, à Vilna, dans une réunion composée de nobles et de théologiens luthériens, le prince Ostrogski concluait une alliance avec les protestants ; il s’agissait non de s’entendre sur la doctrine, mais d’organiser une campagne commune contre les latins et contre les uniates. Lucar, promu depuis un an grand archimandrite et exarque, ne manqua pas de favoriser ce rapprochement entre orthodoxes et réformés. Mais son zèle en cette affaire lui attira de singuliers désagréments ; on le soupçonna de calvinisme et, le 24 janvier 1601, il se vit obligé d’émettre la profession de foi contraire dont nous parlerons plus loin, col. 1014. Au mois de mars de la même année, après avoir servi d’intermédiaire entre Mélétios et Sigismond III pour les projets d’union amorcés par ce dernier auprès du patriarche égyptien, Cyrille quittait définitivement la Pologne et reprenait le chemin de l’Orient. A son passage en Valachie, il fit la connaissance d’un savant, Marcus Fuxius de Transylvanie, dont les conversations firent une profonde impression sur son esprit. Il rentra en Egypte, mais peu de temps après il repartit pour la Crète. C’est au cours de ce dernier voyage qu’il rencontra pour la première fois l’ami qui devait lui être profondément dévoué, le gentilhomme hollandais Cornélius Van Haga.