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LUC (SAINT). CHKISTOLOGIE


tes, comprenant que Jésus se place ainsi sur le rang de Dieu, lui disent : « Tu es donc le Fils de Dieu ? » d) Le terme de Fils de Dieu se trouve enfin appliqué à Jésus par l’ange de l’Annonciation, déclarant à Marie que l’enfant qui naîtra d’elle sera appelé Fils du Très-Haut, i, 32, Fils de Dieu, i, 35. Le P. Lagrange commente ainsi cette déclaration, op. cit., p. 30 et 35 : Dire que l’enfant sera nommé fils du Très-Haut, ce n’est pas pénétrer encore dans le mystère de sa nature divine. K’Xrfir l azta.i. n’est pas purement et simplement synonyme du verbe « être » ; c’est l’indication d’un nom reçu, d’un titre pour ainsi dire officiel : l’enfant sera reconnu comme étant par excellence le fils du Très-Haut. » On pourrait croire, d’après le ꝟ. 35, dont la traduction la plus probable, quoique non tout à fait certaine, est : « et à cause de cela l’enfant né sera saint, il sera appelé Fils de Dieu », que la conception virginale serait la cause de la filiation divine : Jésus serait Fils de Dieu, parce qu’il n’a pas de père humain. Ce serait contraire à la théologie catholique, d’après laquelle la filiation divine est antérieure à l’Incarnation et n’en dépend pas. Il est probable qu’il ne faut point entendre ici Fils de Dieu au sens d’une filiation naturelle, mais d’une dignité éminente, impliquant cependant, plus nettement que la désignation comme Fils du Très-Haut, du ꝟ. 32, la présence d’un élément divin dans l’enfant conçu par la vertu de l’Esprit-Saint. Sur ce point, et pour la réfutation de l’opinion des critiques qui veulent que le ꝟ. 35 attribue à l’Esprit-Saint une action pour ainsi dire génératrice, en vertu de laquelle Jésus serait fils de Dieu au sens physique du mot, cf. Lagrange, La conception surnaturelle de Christ d’après saint Luc, dans Revue biblique, 1914, p. 190 sq.

é) Si ces différents passages ne sont pas absolument explicites sur le sens propre et transcendant de la filiation divine de Jésus, il est une parole du Sauveur, qui figure seulement dans le troisième évangile, x, 22, et dans le premier, Matth., xi, 27, où cette filiation implique nettement une relation unique en son genre, d’ordre métaphysique, entre le Christ et Dieu : « Tout m’a été transmis par mon Père, et personne ne sait qui est le Fils, si ce n’est le Père, et qui est le Père, si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils voudrait le révéler. » Bien que ce texte vise directement la connaissance et non pas la nature, il fait entrevoir dans la personne de Jésus des profondeurs inaccessibles au regard humain, par lesquelles le Christ plonge dans la divinité, puisque seul le Père peut en pénétrer le mystère. « Dans la simplicité transparente de cette sentence, c’est l’éternité entière gui se révèle et le mystère de la vie divine, où le Père et le Fils, insondables à toute créature, se pénètrent totalement l’un l’autre. » Lebreton, Origines du dogme de la Trinité, 4e édit., p. 292.

La plupart des exégètes reconnaissent la portée métaphysique de cette sentence, qui, pour le fond et pour la forme, s’apparente nettement au quatrième évangile. Aussi les critiques, qui ne veulent admettre dans les synoptiques aucune affirmation de la divinité de Jésus-Christ, sont-ils amenés à en rejeter l’authenticité. Harnack, s’appuyant sur certaines variantes du texte dans les mss et la tradition patristique, essaie d’établir que le texte primitif authentique ne parlait as de la connaissance du Fils par le Père, ce qui lui permet de dire que Jésus se donnait comme Fils de Dieu simplement parce qu’il était celui qui connaissait le mieux le Père et qui avait le privilège de le révéler. On trouvera la réfutation de cette fantaisie critique dans Lebreton, op. cit., note D, p. 545 sq. A. Loisy considère tout ce morceau comme un « cantique de sagesse chrétienne », œuvre d’un prophète chrétien, qui aurait été introduit par un rédacteur postérieur dans l’évangile primitif de saint Luc. Simple supposition, qui ne s’appuie sur aucune preuve sérieuse, car le

caractère rythmique de ce passage, assez peu marqué d’ailleurs, n’est pas un argument suffisant contre l’authenticité, alors surtout que cette parole du Christ se trouve, en termes à peu près identiques, dans saint Matthieu et dans saint Luc, et qu’il faut dire par conséquent, en se plaçant dans l’hypothèse des critiques sur la formation des évangiles, qu’elle devait figurer déjà dans la source commune du premier et du troisième évangile, flans ces Logia qui seraient un des plus anciens documents sur l’enseignement de Jésus. Cf. L. de Grandmaison, dans Études, 1903, 1. 1, p. 163-170 ; Lcpin, Jésus Messie et Fils de Dieu d’après les évangiles synoptiques, p. 325-332.

La conception virginale.

L’attestation de la

conception virginale par saint Luc est renfermée dans les yꝟ. 34 et 35 du ch. i du troisième évangile : « Marie dit à l’ange : Comment ensera-t-il ainsi, puisque je ne connais pas d’homme ? Et l’ange, répondant, lui dit : L’Esprit-Saint viendra sur toi. et la vertu du Très-Haut te couvrira de son ombre ; et pour cela l’enfant qui naîtra saint sera appelé Fils de Dieu.

1. Objections contre l’authenticité de Luc, I. 34-SS. — Les critiques qui refusent d’admettre l’origine miraculeuse de Jésus tiennent ces deux versets pour une interpolation. Selon Harnack, ils auraient été ajoutés après la rédaction définitive de l’évangile. La plupart des critiques supposent plutôt qu’ils ont dû être introduits par le rédacteur du troisième évangile dans la source araméenne qui, pensent-ils, lui a fourni les récits de l’enfance du Christ, source de caractère judéochrétien, même ébionite, où Jésus devait être considéré comme le fils de Marie et de Joseph.

A cette manière de voir, qui fut autrefois la sienne, cf. Évangiles synoptiques, t. i, p. 292-294, A. Loisy a substitué une hypothèse différente : l’évangile écrit par saint Luc ne contenait aucun récit sur l’enfance de Jésus, dont, comme saint Marc, il commençait l’histoire au baptême. Un des rédacteurs qui ont remanié l’œuvre de saint Luc y a joint les deux premiers chapitres, soit qu’il en ait emprunté le contenu à une source plus ancienne, soit qu’il en ait été lui-même l’auteur, mais, dans leur première forme, ces chapitres ne contenaient pas la conception virginale, non pius que les cantiques, ceux-ci, ainsi que les f y. i, 34-35 ayant fait l’objet d’une interpolation ultérieure. A l’appui de ces hypothèses, on fait valoir d’abord que les y t. 34-35 viennent en surcharge dans le texte actuel de l’évangile et prêtent à Marie un langage inexplicable ; on affirme en second lieu que l’idée de la conception virginale n’est pas seulement étrangère à l’ensemble des récits concernant l’enfance de Jésus, mais qu’elle est inconciliable avec plusieurs détails de ces récits.

2. Examen de ces difficultés.

a) Les yꝟ. 34-35 sont bien en quelque manière parallèles à 31-32, mais ils marquent une progression dans la révélation faite à Marie par l’ange : celui-ci fait d’abord connaître à la Vierge la dignité messianique et la destinée glorieuse de l’enfant qu’elle va concevoir, puis, en réponse à la question de Marie objectant sa virginité, il répond en lui révélant que la conception même de l’enfant sera miraculeuse. D’autre part, il n’est pas exact de dire que la liaison est meilleure entre le ꝟ. 33 et le ꝟ. 36, après la suppression de 34-35. Si, en effet, on enlève la conception virginale, la grossesse miraculeuse d’Elisabeth doit être donnée à Marie par l’ange comme signe que son enfant sera le Messie. Mais c’est un signe qui est sans rapports avec la chose signifiée. Si au contraire, on admet l’authenticité des y ?- 34-35, et l’interprétation traditionnelle de la question de Marie, comme expression de la volonté de celle-ci de rester vierge, on comprend très bien que l’ange réponde par une allusion à ce qui vient d’arriver à Elisabeth : si