Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/493

Cette page n’a pas encore été corrigée
971
972
LOUVARD — LUC (SAIVI


Viéville, Histoire de la constitution Unigenitus en ce qui regarde la congrégation de Saint-Maur, TJtrecht, 1736, in-12, passim.

J. Baudot.

LUC (Saint), évangéliste, à qui la tradition ecclésiastique attribue la composition du troisième évangile et des Actes des Apôtres.

Les Actes des Apôtres ont été étudiés, t. I, col. 346353. Il n’en sera question ici que dans la mesure où le second livre de saint Luc peut servir à élucider les questions relatives à l’origine et au caractère du premier. D’autre part le troisième évangile est en relations étroites pour le fond et pour la forme avec les évangiles de saint Matthieu et de saint Marc : ces relations posent des problèmes de critique littéraire et historique dont l’ensemble constitue la Question synoptique. De plus, des trois premiers évangiles étudiés parallèlement il est possible de dégager, sur la personne de Jésus-Christ et sur son enseignement, un ensemble de données communes qui sont la base de ce qu’on peut appeler la théologie synoptique. Question synoptique et théologie synoptique seront étudiées dans l’article spécial : Synoptiques (Évangiles), où les trois premiers évangiles seront considérés dans leur ensemble et dans leurs rapports mutuels. Dans le présent article, nous nous contenterons donc d’envisager le troisième évangile en lui-même, et nous en étudierons successivement : I. L’origine et la composition. II. Les caractères particuliers au point de vue historique et doctrinal (col. 984).

I. Origine et composition du troisième évangile.

— I. L’origine du troisième évangile d’après la tradition ecclésiastique. — IL Le troisième évangile et la critique. — III. La composition du troisième évangile d’après les données intrinsèques. — IV. Le troisième évangile et la critique textuelle.

I. LE TROISIÈME ÉVANGILE ET LA TRADITION.

1° Citations et allusions chez les écrivains du II » siècle. — Ce n’est que vers la fin du iie siècle que l’on trouve des témoignages tout à fait explicites attribuant à saint Luc la composition du troisième évangile. La notice de Papias sur les évangiles, telle qu’elle nous a été conservée par Eusèbe, ne dit rien de saint Luc. Mais on rencontre dans les Pères apostoliques et les écrivains ecclésiastiques de la première moitié du ue siècle quelques citations qui semblent bien provenir du troisième évangile.

Mentionnons seulement Clément de Rome, I Cor., xiii, 2, à rapprocher de Luc, vi, 36, 38 ; Saint Polycarpe, Ad Phil., ii, 3, qui fait allusion au même texte ; la Didachè, xvi, 1, qui cite presque textuellement Luc, xii, 35. Voir le relevé de ces citations et allusions dans Funk, Opéra Patrum apostolicorum, t. i, p. 640 sq.

Saint Justin, plus certainement encore, avait en mains le troisième évangile, de qui il tient sans doute la connaissance de plusieurs traits de la vie de Jésus propres à saint Luc, tels que l’annonciation, le recensement de Quirinius, et particulièrement la sueur de l’agonie qu’il mentionne d’après ce qu’il appelle les Mémoires écrits par les Apôtres et par les disciples des Apôtres. Dial, 103, P. G., t. vi, col. 717.

A la même époque, l’hérétique Marcion n’acceptait qu’un seul évangile, et, d’après les auteurs anciens, saint Irénée et Tertullien en particulier, dont il est assez facile de contrôler les dires, cet évangile était une édition mutilée de l’évangile de saint Luc.

C’est saint Irénée qui fournit la plus ancienne attribution explicite du troisième évangile à saint Luc. Dans sa notice sur les évangiles, il écrit : « Luc, disciple de Paul, déposa dans un livre l’évangile prêché par celui-ci. » Cont. hær., III, i, 1, P. G., t. vii, col. 845. Ailleurs, op. cit., III, x, 1 et III, xiv, 1-3. il fait de Luc un disciple des apôtres, sectator et discipulus

apostolorum, de qui il aurait appris ce qu’il rapporte dans son évangile.

Tertullien, Adv. Marcionem, t. IV, c ir, ni, v, P. L., t. ii, col. 363-367, attribue aussi le troisième évangile à saint Luc, qu’il qualifie d’homme apostolique, dont saint Paul fut l’illuminateur, au point qu’on a coutume d’attribuer à l’Apôtre ce qui a été écrit par son disciple, comme on attribue à saint Pierre ce qu’a écrit saint Marc.

La notice du Canon de Muratori (texte et commentaire dans M. J. Lagrange, Évangile selon S. Luc, Paris, 1921, p. xii-xiii) attribue à saint Luc la qualité de médecin, mentionne en termes assez obscurs ses relations avec saint Paul, et ajoute qu’il a écrit d’après ce qu’il avait pu apprendre, car il n’avait pas vu le Christ dans la chair.

On peut se demander si ces affirmations concernant saint Luc et son évangile reproduisent une tradition plus ancienne, ou si elles ne seraient pas simplement le résultat d’une combinaison de données empruntées au troisième évangile lui-même, aux Actes des Apôtres et aux épîtres de saint Paul.

L’auteur du troisième évangile.

1. Données fournies

par le Nouveau Testament. — Le nom grec Aouxâç, abréviation probable de Aouxocvdç, Lucanus, ou peut-être, selon Ramsay, Expositor, déc 1912, nom familier équivalent à Aoûxioç, forme grecque de Lucius, désigne en effet, dans les Épîtres de saint Paul, un disciple de l’Apôtre, que celui-ci avait pour compagnon à Rome durant sa première captivité et qu’il nomme « le cher médecin », Col., iv, 14, qu’il mentionne avec d’autres disciples, Marc, Aristarque, Épaphras, Démas parmi ses coopérateurs, ol auvspyoî ii, ou, Philem., 24. C’était un païen converti, car saint Paul, Col., iv, 12, l’oppose à d’autres disciples venus de la circoncision. D’après II Tim., iv, 10, Luc était encore auprès de l’Apôtre durant sa seconde captivité à Rome.

D’autre part, on sait qu’il y a dans les Actes des Apôtres une série de passages, relatifs aux voyages de saint Paul, où l’écrivain parle à la première personne du pluriel et par suite se donne comme un compagnon de saint Paul, témoin oculaire des faits qu’il raconte. Si l’on admet, avec la tradition ecclésiastique, que l’écrivain qui dit : Nous en ces différents passages est l’auteur même des Actes et par conséquent du troisième évangile (car nul ne conteste que les deux ouvrages aient le même auteur), on peut fixer avec plus de précision la carrière apostolique de saint Luc, du vivant de saint Paul.

C’est au cours du récit de la seconde mission de l’Apôtre, au passage de celui-ci à Troas, Act., xvi, 10, que le nous apparaît dans les Actes. L’écrivain suit saint Paul en Macédoine, où il prend part à la fondation de l’Église de Philippes. Act., xvi, 10-17. On peut supposer que Luc reste à Philippes, tandis que Paul continue son voyage, car le nous reparaît seulement lorsque, quelques années plus tard, à la fin de sa troisième mission, l’Apôtre repasse à Philippes. Act., xx, 6. Luc accompagne Paul dans son voyage jusqu’à Jérusalem. Act., xxi, 17-18. On ne peut dire s’il resta auprès de l’Apôtre pendant sa captivité à Césarée, mais il l’accompagna dans son voyage de prisonnier, de Césarée à Rome, et demeura auprès de lui durant une partie de sa captivité dans cette ville. On suppose qu’il quitta saint Paul avant la fin de ses deux ans de captivité, car le nom de Luc, qui figure dans les formules de salutation des épîtres aux Colossiens et à Philémon, est absent de l’épître aux Philippiens écrite de Rome après les deux précédentes.

Ce sont à coup sur les données empruntées aux épîtres de saint Paul et aux Actes qui forment la base des notices sur saint Luc qu’on trouve chez les Pères de l’Église. Quelques-uns d’entre eux, tels que saint