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LOLLARDS. LES LOLLARDS EN ANGLETERRE


principe qui fondait la légitimité de la propriété sur l’étal de grâce, c’est-à-dire sur un élément spirituel intérieur, de soi indiscernable, sera gros de conséquences et amènera les pires perturbations sociales en Angleterre et plus tard en Bohème.

3. Institution de prédicateurs ambulants.

Pour répandre ses doctrines, il rassembla un corps de prédicateurs qui prirent le nom de « pauvres prêtres ». A l’exemple des franciscains, ils étaient vêtus d’une robe de bure des plus grossières, toujours pieds nus, menaient une vie ascétique, prêchaient partout, dans les foires, les marchés, les cimetières et s’engageaient à ne jamais recevoir de bénéfice. Voici comment les décrit le Chroniqueur de S. Alban : talaribus indutosde russelo, in signum perfeclionis amplioris, incedentes nudis pedibus, qui suos errores in populo ventilaient.

Wyclef indique les trois raisons de cette pauvreté volontaire : 1. la crainte de la simonie ; 2. le danger de mal dépenser les revenus qui n’appartiennent qu’aux pauvres ; 3. l’espoir de faire plus de bien en allant de ville en ville. Ces missionnaires d’un nouveau genre se mirent à décrier les curés, les accusant de ne pas prêcher l’Évangile et de ne pas résider. »

A l’origine, ils étaient tous prêtres, mais plus tard, et du vivant même de Wiclef, ils s’associèrent des laïques qui prêchaient comme eux. Dans les derniers sermons. Wiclef appelle ses prédicateurs non plus poof priests (pauvres prêtres), maishommes évangéliques ou apostoliques. Il déclare que, pour remplir une charge dans l’Église, l’appel de Dieu suffît ; il y a consécration par Dieu lui-même sans l’imposition des mains d’un évêque. Dans son Spéculum militantis Ecclesiæ, c. xxviii, il disait : « Il paraît certain qu’un seul prêcheur non lettré (ydiola) fait plus par la grâce de Dieu pour le bien de l’Église que plusieurs qui ont des grades scolaires, car il sème plus humblement et plus fructueusement tant par ses œuvres que par ses discours. » Il avait d’ailleurs publié la règle de saint François avec un commentaire dans lequel il prétendait que les franciscains s’étaient écartés des prescriptions de leur saint fondateur, ce qui les avait entraînés à persécuter les Spirituels (fraticelles, béghards) qui, eux, avaient gardé fidèlement la lettre de la règle.

Le thème favori des prédicateurs était la parole de Dieu, la loi de Dieu. Leurs discours étaient composés avec des passages dé la Bible. Ils attaquaient l’enseignement de l’Antéchrist et de ses disciples ; ils dénonçaient avec brutalité les péchés en honneur dans les divers rangs de la société, l’hypocrisie, la sensualité, l’avarice, l’ambition du clergé.

Dans l’espace de deux ou trois ans, tout le diocèse de Cantorbéry était parcouru par ces hommes apostoliques. A la fin de mai 1382, William de Courtenay, dans un mandement adressé à l’évêque de Londres, parle de certains prédicateurs ambulants non autorisés, enseignant des propositions erronées et hérétiques, non seulement dans les églises, mais encore dans les squares ou autres lieux profanes, sans aucune autorisation épiscopale ou papale, et cela sous le masque d’une grande sainteté. Une annexe au mandement contient 24 articles qui leur sont imputés et qui reproduisent la doctrine de Wiclef. Texte dans Wilkins, Concilia Magnée Brilanniæ, t. iii, p. 158, 159.

Wiclef, dans le 37e de ses sermons De sanctis, justifie ses prédicateurs contre la blâme de Courtenay : Hic enim Christus non solum in synagogis, sed in castellis constantius prædicabat. Loeus enim non facil sanctum populum, sede contra.

En 1377, à la requête de Guillaume de Courtenay, alors évêque de Londres, Wiclef avait été cité devant le tribunal ecclésiastique. Dix-neuf propositions sont envoyées à Grégoire XI qui les condamne et ordonne des mesures de rigueur. Les bulles arrivent au moment

de la mort d’Edouard III. Richard II est mineur ; son oncle, le duc de Lancastre, exerce le pouvoir, il a

toujours été favorable au réformateur. Celui-ci, cité à Lambeth au début de 1378, trouve le moyen d’expliquer ses propositions, il est relâché.

4. Révolte des paysans.

Elle eut lieu en 138L Quoique les causes de cette révolution aient été surtout économiques (peste noire, taxe frappant toute personne au-dessus de seize ans), l’influence des idées répandues dans le peuple par les prédicateurs lollards est indiscutable. Hefele, Histoire des conciles, trad. Lcclercq, t. vi, p. 1413, remarque prudemment : il est difficile de dire jusqu’à quel point les idées de Wiclef ont soulevé le peuple. » Lingard, Hislory of England, t. iv, 4e édit., p. 174, constate que « des prédicateurs ambulants inculquaient avec zèle le principe de l’égalité naturelle du genre humain et de la tyrannie des distinctions artificielles. »

L’explosion éclata dans plusieurs comtés à la fois, comme obéissant à un mot d’ordre. En peu de jours, toutes les communes de l’Essex furent en état d’insurection sous le commandement de Jack Strav (Jacques Paille) qui proposait de résoudre la question sociale en exterminant les seigneurs, les évêques, les moines, , les chanoines, les curés. Les habitants du Kent suivirent, soulevés par Walter Tyler (le tuilier) qui avait fait la guerre en France. Le prédicateur ambulant John Bail haranguait la multitude, disant que la nature faisait naître tous les hommes égaux, que la distinction de servage et de liberté était une invention de leurs oppresseurs et contraire aux vœux du Créateur ; que Dieu leur offrait maintenant les moyens de recouvrer leur liberté, qu’il était nécessaire de se défaire de l’archevêque, des comtes, des barons, des juges, etc. Il ajoutait :

Lorsqu’Adam bêchait et qu’Eve filait Qui donc en ce temps gentilhomme était ?

A Blackheath, les insurgés étaient cent mille. Ils marchèrent sur Londres, s’emparèrent de Newgate, brûlèrent le palais de Jean de Gand, se précipitèrent dans la Tour, massacrèrent l’archevêque Simon Sudbury, sir Robert Haies, William Apuldore, confesseur du roi, Legge, le fermier de l’impôt et trois de ses associés. La tête de l’archevêque fut portée en triomphe dans les rues au bout d’une lance, exposée sur le pont de Londres et, pour qu’elle fût mieux reconnue, le chapeau qu’elle portait fut cloué au crâne.

Richard II convia les chefs à une conférence à Smithfield, et comme Walter, en parlant au roi, allectait de jouer avec son poignard, le lord maire William Walworth le perça de son épée. Les archers se disposaient à venger leur chef ; mais Richard galopa droit vers eux et les déconcerta par sa présence d’esprit. La nouvelle de la mort de Walter effraya les mutins. Le 20 juin, l’insurrection pouvait être considérée comme terminée. La répression commença. John Bail et Jack Straw furent pendus, ainsi que quinze cents de leurs partisans.

Wiclef désapprouva la révolte dans plusieurs écrits, ou tout au moins les cruautés qu’il trouva exagérées. Cependant sa complicité semble résulter du témoignage de John Bail. Ce dernier, au moment où il fut condamné par Robert Tresilian à être pendu et écartelé, fît venir l’évêque Courtenay, sir Walter Lee. chevalier, et le notaire John Profit, et déclara en leur présence que, pendant deux ans, il avait été l’auditeur de Wiclef et qu’il tenait de lui ses doctrines, surtout au sujet de l’eucharistie. Il nomma Wiclef comme le premier instigateur de l’insurrection et. après lui, Nicolas Hereford, John Aston et Lawrence Bedeman. Ce témoignage paraît bien décisif. Voir cependant, en sens contraire, Watt ier. John Wycliff.p. 101 ; il rappelle