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LOIS. LA LOI CIVILE

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Peu importe aussi que le législateur ne puisse pas juger et punir au for de la conscience. Toutes les autorités humaines en sont là : elles commandent l’acte qui oblige en conscience. Dieu, qui leur a donné ce pouvoir, se réserve celui de juger et de punir au for de la conscience. Les parents peuvent certainement obliger en conscience, ils ne peuvent, comme la loi civile, punir que l’acte extérieur. Celui qui fait un vœu s’oblige certainement en conscience, il n’a plus le pouvoir de se délier lui-même.

Sur cette question, spécialement en ce qui concerne l’impôt, voir Vermeersch, Quæsliones de justitia, 1901, p. 94-132 ; la question générale de l’impôt sera traitée au mot 1 ribut. Four l’obligation relative au service militaire, voir Noldin, De prsecepiis, n. 320 ; Lehmkuhl, Theol. mor., t. i, n. 1175.

2. Cas particuliers.

a) Lois qui rendent un acte invalide. — On peut dire qu’en général les lois qui commandent ou défendent un acte obligent en conscience avant la sentence du juge, même en matière de justice. Et la raison en est qu’elles sont delerminalivæ juris proprietatis, elles déterminent ce qui est laissé indécis par le droit naturel : ainsi la loi détermine que les objets trouvés continuent d’appartenir à celui qui les a perdus, que ce qui a été abandonné par le propriétaire appartient au premier occupant ; elle déclare quels sont les droits d’un auteur sur son livre, etc. On peut ajouter que l’État est chargé de la haute administration des biens : quand il traite ces questions d’une manière équitable, il est sur son terrain, ses règlements doivent être observés en conscience avant même qu’aucun jugement ne soit rendu.

Il arrive que la loi civile (comme la loi ecclésiastique ) déclare certains actes invalides. Son droit va-t-il jusqu’à obliger la conscience à reconnaître la nullité de ces actes, même avant la sentence du juge ? On peut répondre :

a. Que la loi naturelle elle-même rend certains actes invalides : quand le droit qu’on veut acquérir par cet acte ou plutôt l’usage de ce droit contient quelque chose qui est et sera perpétuellement malhonnête, comme un mariage entre la mère et le fils, peut-être aussi, — ce qui cependant n’est pas aussi clair — quand cet acte, s’il était valide, léserait inévitablement et d’une façon irréparable le droit d’autrui.

b. La loi positive, même civile, peut déclarer invalides des actes, valides devant le droit naturel, comme les contrats faits par des mineurs, faits avec une certaine crainte, ou manquant des formes légales. La société civile a le droit de régler dans son for ce qui est nécessaire pour procurer le bien publie, elle peut donc restreindre les droits privés et la liberté de chacun et elle doit avoir des moyens pour y arriver. Il peut donc être nécessaire que l’acte soit déclaré invalide en conscience et avant la sentence du juge.

c..Mais la loi peut prévoir que l’acte soit invalide ipso facto et en conscience, pour protéger les mineurs, les faibles, pour diminuer le nombre des procès ; elle peut prévoir que l’acte valide peut être annulé par la sentence du juge, à laquelle il faudra se soumettre en conscience, etc. Les cas particuliers doivent

étudiés en détail.

Remarquons seulement que l’invalidation d’un acte est materia odiosa, par conséquent on ne doit point présumer facilement que la loi le déclare nul Ipso fado et en conscience, il faut en être certain : on pourrait donc considérer comme valide un testament qui ne serait pas revêtu de toutes les formes légales et entrer en possession de l’héritage, quitte a le rendre après la sentence du juge.

b) Loi » pénales. On peut se poser deua questions : Est-on obligé de subir la peine prévue pat la

l.xiste 1 il des lois purement pénales.’a. Que la loi civile puisse imposer des peines à ceux qui la violent, nul ne le conteste. Cette peine obliget-elle ? Est-on obligé de s’y soumettre en conscience ? Avant ou après la sentence du juge ? — Il faut d’abord distinguer les peines qui supposent une faute en conscience, un vrai péché, et les fautes juridiques où il y a accident, non péché. Tout le monde admet que la peine imposée pour une faute simplement juridique comme un homicide tout à fait involontaire n’oblige jamais avant la sentence du juge. Après la sentence du juge, la conscience peut être engagée selon les cas.

Quand il s’agit de fautes commises en conscience, il faut distinguer les peines privatives qui ne demandent aucun acte positif et consistent dans la suppression d’un droit, d’un privilège, et les peines actives pour lesquelles une action est requise : exil, mise en prison, etc. Les peines privatives peuvent être portées ipso facto comme la suspense pour les clercs. Le clerc doit s’abstenir avant toute sentence des fonctions dont il est suspendu.

La loi civile ne semble pas connaître cette peine ipso facto ; elle prive bien des droits d’électeur, etc., mais c’est toujours après la sentence du juge. Une fois la sentence portée, on ne peut plus en conscience user de ses droits.

Les peines appelées actives n’obligent jamais avant la sentence du juge : on n’est pas obligé de se constituer prisonnier. Celui qui a volé, dit saint Thomas, antequam sit condemnalus per judicem non tenetur reslituere plus quam accepit, sed poslquam est condemnatus tenetur peenam solvere. II’-II 30, q. lxii, a. 3. Et en effet, les lois doivent être proportionnées à la condition, à la fragilité humaine, elles ne peuvent demander des actes héroïques comme est celui de se livrer au juge pour être condamné à mort, à la confiscation des biens, etc. Aucun coupable n’aura le courage de le faire et l’opinion commune ne le lui demande pas. Les ministres de la justice doivent le rechercher, le condamner, … il n’est pas tenu de se soumettre à la peine avant la sentence du juge. Si même il a pu échapper à la prison, se sauver, il est difficile de dire qu’en se sauvant il ait commis un péché.

b. Existe-t-il des lois purement pénales ? Y a-t-il dans la société civile des lois qui n’obligent pas en conscience, des lois qui se présentent sous cette forme : Ou bien vous accomplirez ou éviterez tel acte, ou bien vous subirez telle peine, vous paierez telle amende, disjonctive ; vous pouvez choisir l’un ou l’autre ?

Nous disons : dans la société civile, car, dans l’Église, aucune loi ne peut être considérée comme purement pénale, rien ne permet de le supposer. Si les règles des religieux n’obligent pas directement sous peine de péché, il est habituel cependant qu’on n’y manque pas sérieusement sans qu’il y ait faute de paresse, d’orgueil, etc. Ou du moins, ces règles obligent, et cela en conscience, à subir humblement les réprimandes, à accepter les punitions infligées par l’autorité régulière. Saint Thomas ne semble pas connaître les lois purement pénales au sens que nous disons ; il n’hésite pas à considérer comme déri 1 de la loi éternelle * toutes les lois (proportionnellement tous les préceptes) qui ne sont pas injustes en raison de leur fin, de leur auteur, de leur forme. I a -II a’, q. xevi, a. 1. Avec lui. les anciens docteurs nommaient loi pénale toute loi munie d’une sanction répressive et, au temps de Suarez, l’expression de loi purement pénale semblait nouvelle ou puérile, (icuse et inutile à plusieurs moralistes de grand

renom comme Navarre. siius, Annula, "c legibus,

I. Y, C. iv, 2. Ce n’est donc pas sans difficultés que la notion a été acceptée et, aujourd’hui encore, dej théologiens de valeur trouvent que les moralistes…