Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/445

Cette page n’a pas encore été corrigée

87 ;

LOIS. LA LOI ÉTERNELLE

Irumentuliler comme les richesses et autres biens extérieurs. On peut même supposer qu’une loi procure le bien commun indépendamment de la volonté du législateur ; elle est cependant une loi.

3. Ab eo qui curam habet communitatis.

Comme la loi existe pour le bien commun, c’est à celui qui a la charge de la multitude ou à la multitude elle-même de procurer ce bien commun, car en tout, dit saint Thomas, il appartient de diriger les choses vers leur fin à celui dont c’est la fin propre, ibid., a. 3 ; mais, puisque la loi doit conduire à la vertu et, par conséquent, contrarier les penchants mauvais de la nature humaine, il faut qu’elle ait une force coaclive. Or le particulier ne peut pas l’exercer, la multitude ne peut le faire que par son représentant, donc Dieu seul peut faire des lois et, avec lui, ceux à qui il a confié la puissance de régir la société.

4. Promulgata.

Il faut que la loi soit intimée aux inférieurs par le législateur, puisque l’obligation morale qui en résulte provient de la volonté efficace du législateur d’obliger ses sujets et que la volonté ne peut être efficace si elle n’est pas exprimée par un moyen suffisant. On discute la question de savoir si la promulgation est de l’essence de la loi, en sorte que la loi ne puisse se concevoir tant qu’elle n’est que dans la volonté non manifestée du législateur. Billuart, diss. i, a. 3, dit qu’il y a plutôt là une question de mots et qu’on peut considérer la loi in actu primo non promulguée encore, mais apte en elle-même à diriger et obliger sans obliger encore, ou in aclu secundo promulguée, et alors elle oblige et dirige en fait. On doit au moins la considérer comme une condition absolue de la valeur de la loi, car la loi est « la règle et la mesure des actes ». Ia-IIæ, q. xc, a. 4. Il faut donc que cette mesure soit appliquée à l’acte ; elle ne peut l’être que par la promulgation : Leges instiluuntur cum promulgantur. Codex juris canonici, can. 8.

Ce qui ne veut pas dire que, pour avoir force de loi, elle doive être connue, il suffit qu’elle’pui’sse être connue. Celui qui l’ignore sans qu’il y ait de sa faute ne pèche pas s’il y manque ; mais, comme en droit civil, nul n’est censé ignorer la loi, il pourra être condamné et obligé, même en conscience, à accomplir la peine, et cela pour le bien commun. S’il s’agit d’une loi qui invalide un acte, l’ignorance invincible ne pourra empêcher que l’acte ne soit nul, v. g. un mariage clandestin. Une loi qu’on ignore a donc quelque valeur.

Diverses espèces de loi.

On peut distinguer les

lois : 1. D’après leur origine. — La loi est éternelle, existant de toute éternité ou temporelle, faite dans le temps. Elle est naturelle, si l’obligation qu’elle impose dépend de la nature des choses, positive, si cette obligation dépend de la volonté positive et libre du législateur. La loi positive est divine si elle est portée directement par Dieu, ou humaine, portée par l’homme au nom de Dieu, ecclésiastique ou civile. Le schéma suivant rendra les distinctions plus claires :

Loi

éternelle,

in potentia.

temporelle,

appliquée in actu

aux êtres inanimés ou sensibles aux êtres libres

divine

humaine

naturelle, positive, ecclésiastique, civile.

Les autres divisions appartiennent à la science juridique, non à la théologie.

>.. D’après leurs effets. — Les lois commandent, défendent ou permettent, enfin elles punissent. Et en

efïet, dit saint Thomas, Ia-IIse, q. X ai, a. 2, il y a trois différences dans les actes humains : 1. les uns sont bons en eux-mêmes, comme les actes de vertu, et la loi les commande ; 2. d’autres sont mauvais en eux-mêmes, ce sont les actes vicieux, la loi les défend ; 3. d’autres sont indifférents par eux-mêmes, la loi les permet ; 4. comme la loi doit se faire obéir, il faut qu’elle inspire la crainte, son effet est aussi de punir. » 3. D’après la forme sous laquelle elles sont énoncées. — La loi est négative quand elle défend ; elle le fait, comme on dit, Scmper et pro semper, toujours et sans dispense possible ; il est toujours défendu de mentir ; elle est affirmative quand elle ordonne un acte, elle peut souffrir dispense. La loi négative est prohibante quand elle se contente de défendre l’acte en lui gardant sa validité (mariage après vœu simple) ; prohibante el irritante à la fois quand l’acte contraire est déclaré nul (mariage après vœu solennel).

II. La loi éternelle.

Notion.

S’il n’y a

de loi que celle qui est conforme à la raison divine : tota communitas universi gubernatur ratione divina, dit Saint Thomas, Ia-IIa ?, q. X a, a. 1, il faut admettre une loi qui existe de toute éternité, quia ratio divina nihil concipit ex tempore, sed habet seternum conceptum. .. inde est, quod hujusmodi legem oportet dicere seternam. Avec lui, nous pouvons définir la loi éternelle : Ratio divinse sapientiæ secundum quod est directiva omnium actuum et motionum. Ibid. Saint Augustin avait déjà dit dans le même sens : Lex seterna est ratio divina vel voluntas Dei ordinem naturalem conservari jubens et perlurbari vetans. Contra Faustum, . XXII, c. xxvii, P. L., t. xlii, col. 418. Cicéron, en montrant que les lois ne viennent pas des hommes, mais de Dieu, la définit aussi très bien : JEternum quiddam quod universum mundum regeret, imperandi prohibendique sapientia. Ita principem illam et ultimam mentem esse dicebant omnia ratione aut agentis aut vetantis Dei ex quo illa lex quam dii humano generi dederunt recte est laudata… Erat enim ratio profecta a rerum natura… Orla est aulern simul cum mente divina. Quamobrem lex vera atque princeps apta ad jubendum et ad vetandum ratio est recta Summi Jovis. De legibus, t. II, c. iv. C’est elle que décrit à grands traits la sainte Écriture sous le nom de raison et de sagesse divine quand elle dit : « Lorsque Dieu posa les fondements de la terre, j’étais à l’œuvre auprès de lui. » Prov., ix, 29. « La sagesse atteint avec force d’une extrémité du monde à l’autre et dispose tout avec douceur. » Sap., vin, 1. Lire aussi à ce point de vue : Job, xxxviii, xxxix ; Prov., vth-ix ; Sap., vi-xii ; dans le psaume cxvin, il est davantage question de la loi divine positive. Cf. Corluy, La sagesse dans l’Ancien Testament, Congrès scient, catholique, 1888, t. i, p. 61-91.

Dieu voulant créer des êtres, les uns matériels ou sensibles, les autres doués de raison, a dû vouloir aussi, en raison de son infinie sagesse, que chacun d’eux fût dirigé vers la fin suprême de la création par des actes conformes à sa nature. Cette volonté, restée en puissance jusqu’à la création effective, et devenue volonté absolue le jour où les êtres ont été créés, règle l’ordre de la nature nécessitée à agir, l’homme y est soumis comme les autres êtres dans sa partie matérielle et sensible.

En raison de sa sainteté infinie, Dieu aime d’un amour parfait la liberté humaine bien réglée et constituant par des actes conformes à sa fin la glorification de ses attributs. Cet amour et cette sainteté devaient naturellement produire en Dieu la volonté réelle, efficace et immuable, de voir inviolablement gardé l’ordre moral qui règle la liberté humaine, pour que l’être raisonnable fasse lui-même sa félicité ou son malheur, en poursuivant ou ne poursuivant pas sa fin véritable. Cette volonté éternelle et efficace de voir