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855 LOCKE. SYSTÈME DE PHILOS. RELIGIEUSE : DOMAIM. DU NATUREL 856

C’est pourquoi la nécessité de se déterminer pour ou contre l’immatérialité de l’âme n’est pas si grande que certaines gens trop passionnées pour leurs propres sentiments ont voulu le persuader. » Essai, t. IV, c. iii, § (i. Voir : nissi Lettre à l’tvéque de Worcester d ; ms Œuvres, Londres, 1759, t. i, p. 361.

2. Les esprits.

Ce que l’on vient dire de l’âme humaine s’applique aux esprits en général. Nous en avons bien une idée et, partant, nous les connaissons de quelque façon. Mais n’ayant pas à leur sujet une « connaissance sensitive », la seule qui pourrait nous donner la certitude, nous n’avons aucun moyen de connaître leur existence. « Et par conséquent, sur l’existence des esprits aussi bien que sur plusieurs autres choses, nous devons nous contenter de l’évidence de la foi. » Essai, t. IV, c. xi, § 12.

Celle-ci nous donne tout au moins une probabilité. « Quiconque n’aura pas la vanité ridicule de s’élever au-dessus de tout ce qui est sorti de la main du Créateur, mais considérera l’immensité de ce prodigieux édifice qu’en nomme le monde, et la grande variété qui paiait dans cette petite et si peu considérable partie où il se trouve placé… sera porté à croire que, dans d’autres habitations de cet univers, il peuty avoir d’autres êtrçs intelligents dont les facultés lui sont aussi peu connues que les sens et l’entendement de l’homme sont connues à un ver caché dans le fond d’un cabinet. Une telle variété et une telle excellence dans les ouvrages de Dieu conviennent à la sagesse et à la puissance de ce grand ouvrier. » Essai, t. II, c. ii, § 3. Dans tous les cas, il n’est ni inconcevable ni déraisonnable d’admettre « qu’il puisse y avoir plusieurs espèces d’esprits », bien que nous n’ayons aucune idée des propriétés qui les distinguent. Essai, t. III, c. vi, § 12. Mais, « quelque véritable qu’il puisse être que tous les esprits intelligents que Dieu ait jamais créés continuent encore d’exister, celane saurait pourtant jamais faire partie de nos connaissances certaines. » Essai, t. IV, c. xi, § 12. Voir aussi t. IV, c. ni, § 17, § 27 etl. I, c. iii, § 9.

Dans son Traité sur l’éducation, § 196, Locke insiste sur l’importance capitale de l’enseignement concernant les esprits. « Si nous n’admettons pas des esprits, notre philosophie sera imparfaite et défectueuse dans l’une de ses plus considérables parties, puisque par là nous serons privés de la contemplation des êtres les plus excellents et les plus puissants que Dieu ait créés. » Cette connaissance doit précéder l’étude de la physique, afin de prévenir le danger de dénier l’existence à tout être différent de la matière et qui ne frappe pas incessamment nos sens comme celle-ci. Ibid., §198.

3. Existence et nature de Dieu. — Si la raison est incapable de nous donner la certitude au sujet de l’existence des esprits créés, il n’en est pas de même pour ce qui concerne l’existence de Dieu. Et c’est ici « un point si fondamental et d’une si haute importance que toute la religion et la véritable morale en dépendent ». Essai, t. IV, c. x, § 7.

A cet égard Dieu n’a « pas négligé les hommes, quoiqu’il n’ait pas imprimé dans leur âme ces idées et ces caractères originaux de connaissance (idées innées), parce qu’il leur a donné d’ailleurs des facultés qui suffisent pour leur faire découvrir toutes les choses nécessaires à un être tel que l’homme, par rapport à sa véritable destination. Et je me fais fort, ajoutc-t-il, de montrer qu’un homme peut, sans le secours d’aucuns principes innés, parvenir à la connaissance d’un Dieu et des autres choses qu’il lui importe de connaître s’il fait un bon usage de ses facultés naturelles ». Essai, t. I, c. ni, § 12. Voir aussi § 9 ; § 27.

L’existence de Dieu est même la vérité la plus aisée à découvrir par la raison ; « son évidence égale… celle

des démonstrations mathématiques. Essai, t. IV, ex, § 1. Elle déliasse en certitude la connaissance de l’existence des choses hors de nous. Ibid., § C. Car celle-ci est une « connaissance sensitive », alors que celle-là est une « connaissance démonstrative. Comme telle, elle exige que l’esprit s’applique à tirer l’existence de Dieu « de quelque partie incontestable de nos connaissances par une déduction régulière-… Ibid., § 1. Voir aussi t. I, c. iii, § 10.

Pour point de départ, on pourra prends rou bien « la réflexion sur nous-mêmes et sur la connaissance indubitable que nous avons de notre propre existence », ibid., § 1 ; § 7, ou bien « la considération de ce monde et des causes de tout ce qu’il contient ». Essai, t. I, cm, § 11 ; t. IV, ex, §7.

Au fond, tous les arguments en faveur de l’existence de Dieu ont leur valeur, sans même en excepter l’argument ontologique.’Locke regrette seulement qu’on attache une si grande importance à ce dernier, alors que l’idée de Dieu, qui en forme le point de départ, est loin de se rencontrer chez tous les hommes et avec le même contenu. Voir Essai, t. I, c. iii, § 13. Locke se rallie à l’enseignement classique de saint Paul, Rom., i, 20.

Par ces considérations et surtout parla connaissance « que nous avons de nous-mêmes et de ce que nous trouvons infailliblement dans notre propre nature », nous pouvons conclure à la nature spirituelle de l’Être premier et tout-puissant. « Car il est aussi impossible de concevoir que la simple matière non pensante produise jamais un être intelligent qui pense, qu’il est impossible de concevoir que le néant pût de lui-même produire la matière. » Essai, t. IV, c. x, § 10. Et en considérant bien cette idée d’un Être très puissant et très intelligent, « il sera aisé d’en déduire tous les autres attributs que nous devons reconnaître dans cet Être éternel. » Essai, t. IV, c. x, § 6.

Il en résulte que notre idée de Dieu ne diffère que par le caractère d’infinité de celle que nous avons des esprits. « Autant que je puisse concevoir la chose, fait observer Locke, il me semble que, dans nos idées, nous ne mettons aucune différence entre Dieu et les esprits par aucun nombre d’idées simples que nous ayons de l’un et non des autres, excepté celle de l’infinité. Comme toutes les idées particulières d’existence, de connaissance, de volonté, de puissance, de mouvement procèdent des opérations de notre esprit, nous les attribuons toutes à toutes sortes d’esprits avec la seule différence de degré jusqu’au plus haut que nous puissions imaginer et même jusqu’à l’infinité, lorsque nous voulons nous former, en tant qu’il est en notre pouvoir, une idée du Premier Être, qui cependant est toujours infiniment plus éloigné par l’excellence réelle de sa nature, du plus élevé et du plus parfait de tous les êtres créés que le plus excellent homme ou plutôt que l’ange et le séraphin le plus pur est éloigné de la partie la plus contemptible et qui, par conséquent, doit être infiniment au-dessus de ce que notre entendement borné peut concevoir de lui. » Essai. t. III, c. vi, § 12.

3° Application pratique : la morale. — Pour Locke, comme peur la scolastique, la connaissance n’est pas un jeu de l’esprit qui se contente d’élaborer un système théorique ; clic est avant tout un guide dans la vie pratique. C’est pourquoi la théorie de la connaissance s’achève en une morale.

Les idées morales méritent d’être étudiées avec un soin tout particulier, « puisqu’il n’y a aucune partie de nos connaissances sur quoi nous devions être plus soigneux de former des idées déterminées et d’éviter la confusion et l’obscurité, autant qu’il est en notre pouvoir. » Essai. t. II, c. xxviii, § 4.

Ce qui importe ici en premier lieu, c’est de savoir quelles actions sont moralement bonnes et lesquelles