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LAXISME. HISTOIRE DE LA QUERELLE DU LAXISME


dans cet ouvrage. Mais antérieurement avait été condamnées, en 1C46, les Selectæ et praclicæ dispulationes de rébus in adminislratione sacramentorum, præserlim eacharistiæ et pœnitentiæ passim occurentibus du prêtre séculier espagnol Jean Sanchez, qu’il ne faut pas confondre avec le jésuite Thomas Sanctiez. L’an 1654, trois ouvrages de casuistique composés par des théatins étaient encore condamnés : celui de Marc Vidal, intitulé Arca vitalis, Venise, 1650 ; les Quæsliones morales et légales d’Angelo Maria Verriceli, Venise, 1653 ; la Sacra moralis doclrina de Zacharia Pasqualigo, Venise, 1650. Si les dominicains alors tout puissants au Saint-Office censuraient très volontiers les ouvrages provenant d’autres familles religieuses, ils se montraient également sévères à l’endroit de ceux des leurs, qui cédaient aux entraînements de la nouvelle casuistique. C’est ainsi que furent déférées à l’Inquisition les Illustriores disquisitiones du dominicain Vincentius Candidus à cause de certaines propositions relâchées. L’ouvrage ne fut pas mis à l’Index, mais désapprouvé par le général de l’ordre. Au même moment le cistercien Caramuel, bien qu’il fût consulteur de l’Inquisition, était lui aussi mis en cause. On recula il est vrai, devant la condamnation de la Theologia moralis fundamentalis, parue à Francfort en 1651 et à Rome en 1656, mais on suggéra des corrections importantes. Plus tard François Verde, chanoine de Naples, ayant défendu plusieurs des positions de Caramuel, verra mettre à l’Index en 1664 ses Théologies fundamentalis Caramuelis posiliones setectse novitatis singularitalis et improbabilitatis frustra appellatæ, Lyon, 1662 ; en même temps était condamné YApologema pro antiquissima et universalissima doclrina de probabilitate de Caramuel, paru à Lyon en 1663.

Sur ces diverses condamnations voir Reusch, Der Index der verbotenen Bûcher, Bonn, 1885, t. ii, p. 309-319 ; p. 501 sq.

Durant les années suivantes, les polémiques pour ou contre la « nouvelle morale » ont suscité de très nombreux ouvrages, non plus traités doctrinaux, mais écrits de circonstances. Plusieurs d’entre eux seront condamnés à Rome. Il n’est pas inutile de faire remarquer que la censure de livres de ce genre ne donne pas les mêmes indications que celle d’ouvrages composés ex pro/esso sur une matière déterminée. Ce que l’autorité suprême condamne, ce peut être le fond même du livre, ou au contraire la forme polémique qu’il a prise. La censure peut vouloir tout simplement attirer l’attention sur le caractère inutile et dangereux de luttes qui étalent aux yeux du grand public des problèmes dont la solution demande un peu plus de mystère. Sous ie bénéfice de ces remarques, il n’est pas inutile d’observer que Rome s’est efforcée, lors du déchaînement de la querelle du laxisme, de tenir la balance égale entre les adversaires. La Théologie morale des jésuites figure dans l’Index de 1681, aussi bien que les Provinciales. (On a fait remarquer cependant que la traduction latine de Nicole n’a jamais été censurée. Reuscb, ibid., p. 487.) D’autre part les plus célèbres parmi les réponses qui furent faites aux Petites lettres furent également condamnées. Ce fut le cas de l’Apologie du P. Pirot, frappée par un décret spécial de l’Inquisition le 21 août 1653. Ce fut le cas de deux ouvrages du P. Honoré Fabri, Y Apologelicus doctrinæ moralis socielatis Jesu, condamné en 1672 et les Noise in notas W, Wendrockii ad Ludovici Montaltii litteras tt in disquisitiones Pauli Irenœi, publiées sous le pseudonyme de Strubrock, et censurées en 1678. On est plus étonné de la condamnation des Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe publiées sous le voile de l’anonyme par le P. Daniel en 1694 et dont la traduction latine fut censurée par l’Inquisition en 1703.

Quant à la sentence qui frappa YOpusculum de

Guimenius (Mathieu de Moya), nous avons dit plus haut, col. 56, à quel imbroglio elle avait donné lieu. Alexandre VII n’avait cassé le jugement de la Sorbonne sur YOpusculum que pour des raisons étrangères à la querelle du laxisme. Personnellementil était indigné du livre. Suivant le cardinal de Retz, il avait déclaré qu’il ferait voir à toute la chrétienté qu’il n’y avait personne au monde plus éloigné que lui de la défense de cet ignorant et de ce scélérat. Chantelauze, Le Cardinal de Retz, p. 311. Plusieurs des propositions condamnées en 1665 (les n. 2, 9, 19, 25, 26) sont directement empruntées a la censure de Paris. Le pape aurait voulu condamner spécialement le livre ; diverses influences empêchèrent cet éclat et l’opuscule fut seulement mis à l’Index par décret du 10 avril 1666. D’ailleurs l’Inquisition allait reprendre l’affaire et. le 12 septembre 1675, elle condamnait à nouveau l’ouvrage. Mais on était au plus fort de la réaction contre la morale relâchée ; ces mesures ne semblaient pas suffire. Innocent XI, le 25 septembre 1680, signait un bref où il rappelait les deux condamnations antérieures et regrettait que, ce nonobstant, « plusieurs personnes oublieuses de leur propre salut continuassent à retenir ce livre et à mettre en pratique quelques-unes de ses maximes. » Il infligeait donc à Yopuscule une nouvelle condamnation, interdisait d’une manière formelle de l’imprimer, le copier, le lire, le retenir, et d’en user, et cela à tous les chrétiens de quelque dignité qu’ils fussent, sous peine d’excommunication à encourir ipso facto, sans autre déclaration, et spécialement réservée au souverain pontife. Quiconque posséderait ce livre, devrait, sitôt connue la sentence pontificale, le remettre entre les mains des ordinaires ou des inquisiteurs, lesquels prendraient soin de le livrer au feu ». Texte latin dans Duplessis d’Argentré, t. m b, p. 353.

Moya se soumit très humblement à cette condamnation par une lettre adressée au pape. Vainement d’ailleurs offrit-il de rééditer son œuvre en signalant les censures dont avaient été l’objet diverses propositions. Il n’y fut pas autorisé, et les Selectæ quæstiones ex præcipuis theologiæ moralis tractatibus, qu’il avait fait paraître à Madrid en 1670, furent également mises à l’Index par décret du Il mars 1704. Sommervogel, op. cit., t. v, col. 1355.

2° Les propositions condamnées par Alexandre VII.

— C’est dans le cadre des controverses passionnées qu’avait suscitées la « morale des nouveaux casuistes » qu’il faut replacer les propositions condamnées en 1665 et 1666 par le pape Alexandre VII. Voir ci-dessus col. 58, et pour le détail des censures, t. i, col. 730-747.

3° Les propositions condamnées par Innoncent IX.

— 1. Origines. — Les précisions que nous avons données ci-dessus sur la campagne menée par la Faculté de théologie de Louvain contre la morale relâchée expliquent très suffisamment les origines de cette condamnation, sans qu’il faille chercher à cet acte des dessous inavouables. Saisie par l’une des facultés de théologie les plus en vue d’un débat qui dure depuis cinquante ans, la cour romaine se prononce fur lui en toute indépendance et conformément aux règles fondamentales du christianisme le plus authentique. Il serait vraiment odieux de vouloir saisir sous un acte aussi solennel les menées occultes du parti janséniste. Certains apologistes à outrance des casuistes mis en mauvaise posture par le décret d’Innocent XI (on pense ici à l’abbé Maynard et à ceux qui se sont trop facilement inspirés de lui) auraient bien dû réfléchir que la tactique employée par eux est précisément celle qu’ils reprochent, avec tant de raison, aux partisans de l’évêque d’Ypres. Les cinq propositions de YAugustinus sont à prendre dans leur sens obvie, quelles