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843 LITURGIE. LES HÉRÉTIQUES ET LES ALTÉRATIONS DE LA LITURGIE 844

Mais c’est en France aux xviie, xviiie, et xixe siècles que la question liturgique a soulevé les plus vives controverses et que le droit liturgique a trouvé occasion de s’affirmer avec le plus de vigueur. Nous ne pouvons que résumer ici en quelques lignes cette dispute. On a vu par l’histoire, dont nous avons donné le sommaire, que les vieilles liturgies gallicanes avaient disparu au temps de Charlemagne et avaient été remplacées par une liturgie romaine adaptée par Alcuin pour nos régions. Cette liturgie avait régné sans conteste jusqu’au xviie siècle, tout en admettant de nombreux usages particuliers. Entre les autres, la liturgie de Lyon était célèbre pour garder avec plus de fidélité d’anciennes traditions.

Sous l’influence du gallicanisme et du jansénisme, quelques évêques au xviie siècle s’arrogèrent le droit de réformer la liturgie de leur diocèse. C’est surtout au xviiie siècle que leur exemple fut suivi dans un grand nombre de diocèses et que les tendances jansénistes s’accusèrent dans la liturgie. Les noms de Mésenguy, Coinard, Coflin, Santeuil même ont laissé de mauvais souvenirs.

La Révolution mit un terme à ces discussions. Mais après le concordat, les divers diocèses reprirent leurs liturgies, et quelques-uns, continuant l’œuvre commencée au xviiie siècle, composèrent de nouveaux missels et de nouveaux bréviaires. La confusion avait atteint une limite qu’on imaginerait difficilement aujourd’hui. Non seulement de diocèse à diocèse, mais souvent encore dans le même diocèse, par suite des circonscriptions nouvelles établies par le concordat, les prêtres avaient des missels et des bréviaires différents ! C’est dans ces conditions que dom Guéranger commença la lutte contre ces abus. Ses divers travaux, et en particulier ses Institutions liturgiques, ont pour but de démontrer que les liturgies néo-gallicanes heurtent de front les plus anciennes traditions liturgiques, que plusieurs contiennent les erreurs gallicanes et jansénistes, et qu’enfin un évêque n’a pas le droit de réformer la liturgie de son diocèse, depuis le concile de Trente, sans l’approbation de Rome. L’attention, d’abord distraite, fut attirée sur la question liturgique. Des polémiques s’engagèrent dans lesquelles prirent part quelques-uns des évêques les pins connus, Mgr d’Astros, Mgr Fayet, Mgr Gousset, Mgr Parisis. L’histoire de la controverse liturgique est l’une des pages les plus instructives de l’histoire de l’Église de France au xixe siècle. Le résultat fut que, peu à peu, tous les diocèses de France revinrent à la liturgie romaine que la plupart avaient abandonnée. Malheureusement cette réforme se fit trop souvent sans discernement, et les diocèses, en même temps qu’ils rejetaient les liturgies sans autorité, par lesquelles on avait remplacé la liturgie romaine, ne s’avisèrent pas de conserver des usages locaux, consacrés par des siècles de possession et qu’ils auraient pu garder légitimement. Un certain nombre de textes et d’usages furent postérieurement autorisés par Rome, mais l’interruption qui suivit le retour à l’uniformité romaine fut fatale à beaucoup, qui ne retrouvèrent jamais leur ancienne popularité.

Dom Guéranger, Institutions liturgiques, 2e édit., Paris, 4 vol. 1880-1885. Les autres ouvrages et articles de dom Guéranger, ayant trait à la controverse ont été édités dans cette 2e édit. Voir ici Guéranger (dom), t. vi, col. 18941898, et aussi dans Dict. d’archéologie, t. vi, col. 1875-1879 ; Abbé J.-Fr. Bergier, Études liturgiques, IIe partie, 4e étude, Histoire de la controverse et de la réforme liturgiques en France au XIXe siècle, in-8°, de 323-lxxxviii p. (La première partie sur le Droit liturgique, Besançon, 1860, se rapporte aussi aux liturgies néo-gallicanes.) Abbé B. de La Tour. Entreprises des hérétiques sur la liturgie, cité ci-dessus.

I ! est un autre aspect qui n’est pas moins intéres sant dans l’histoire des hérésies, c’est l’influence que l’erreur a exercée sur la liturgie par choc en retour. La plus souvent, l’Église oppose dans sa liturgie une formule nouvelle à l’hérésie — le symbole de Nicée-Constantinople est composé pour répondre aux erreurs sur la divinité du Fils et sur le Saint-Esprit ; la doxologie affirme la foi de l’Église en la Trinité ; les oraisons des messes du gélasien et du grégorien, au temps de la Pentecôte semblent écrites selon les décrets des conciles du ve siècle pour répondre aux pélagiens et aux, semi-pélagiens. Que d’autres allusions on trouverait dans la liturgie contre les hérésies de tous les temps !

Enfin, une autre remarque non moins importante, c’est que certaines liturgies des hérétiques, par là même que ceux-ci ont abandonné l’Église, doivent être étudiées avec soin, parce qu’elles n’ont accueilli aucune des modifications ou réformes qui ont été introduitespostérieurement et qu’elles ont gardé Intacte la liturgie qu’elles avaient quand elles se sont séparées de l’Église. Ceci s’applique principalement aux nestoriens dont la liturgie porte des caractères si antiques.

La question de la réconciliation des hérétiques est une question intéressante et très discutée en liturgie, mais que nous n’avons pas à traiter ici. Les formules de la réconciliation des hérétiques, notamment dans le Liber ordinum contiennent une confession de foi, comme le baptême, et des articles sur l’unité de l’Église. Voir notre article Hérétiques dans Diclionn. d’archéol., t. vi, col. 2551-2558.

Bibliographie générale. — Nous ne donnerons pas ici la liste des auteurs que nous avons cités dans le cours de cet article, nous nous contenterons de signaler, par ordre alphabétique, quelques ouvrages d’ensemble.

Arnauld, La perpétuité de la foi sur l’eucharistie, 1669-1672, rééditée souvent. Les ouvrages de Benaudot, d’Allatius, d’Assemani, etc. sont cités ci-dessus, col. 817. Jos. Braun, Liturgisches Handlexikon, Batisbonne, 1922 ; Bona (cardinal), Rerum liturgicarum libri duo, Turin, 1747, édit. Sala ; François Carrière, Fidei catholicæ digestum singula ejus dogmata et ritus Ecclesiæ, etc., Lyon, 1657, in-fol. ; Denzinger, Ritus orienlalium omnium » in administrandis septem sacramentis, Wurzbourg, 1863 ; Gerbert, Principia theologiæ lilurgicæ quoad diuinum officiumDei cultum et sanctorum, Saint-Biaise, 1759 ; [Grancolas], Les anciennes liturgies ou la manière dont on a dit la sainte messe dans chaque siècle, par ***, un vol. in-8°, Paris, 1704 ; du même. Commentaire historique sur le bréviaire romain, Paris, 1727, 2 vol., édité aussi ensuite en latin ; dom Guéranger, Institutions liturgiques, du droit en liturgie, ete ; voir ici t. vi, col. 1894-1898 ; Muratori, De rébus liturgicis dissertatio, dans Liturgia romana vêtus, Venise, 1748, t. i ; Pfaffius, De liiurgiis disquisitio, Tubingue, 1721 ; Jos. Prill, Liturgik, Eine Einfiihrung indas’erstàndnis des kirchl. Gottesdienstes, Bonn, 1921 ; Thalhofer-Eisenhofer, Handbuch der katholischen Liturgik, 2 vol., in-8°, Fribourg-en-B., 1912 ; Pr. Ant. Zaccaria, Bibliotheca ritualis, Borne, 1776 ; le t. I, contient le traité De jure liiurgico ; la dissertation De usu libiorum liturgieorum in rébus theologicis ; De libris ad sacros ulriusque Ecclesiæ orientalis et occidentalis ritus perlinentibus ; De liturgia hæreticorum ; le t. il, contient l’ouvrage de Jean Maldonat.De cœremoniis tractatus, et celui de Zaccaria sur les livres et les auteurs liturgiques. Le même Zaccaria a aussi publié un Thésaurus theolog. dissertationum, Venise, 1762, qui contient, avec la dissertation déjà citée De usu, etc., une autre dissertation De veterumehristianorum inscriptionum usu. Ces dissertations sont rééditées dansMigne, Theologiæ cursus complelus, t. v, p. 207 sq.

La plupart des points qui n’ont pu être que résumés dans notre article sont traités plus en détail dans les articles suivants :

Abjuration, Absolution, Adoration, Alléluia, Aquariens, Arcane, Arménie (Liturgie), Assemani. Assomption, Autel, Azymes, Baptême, Bénédictions, Canon de la Messe, Carême, Catéchèse, Catéciu minat, Cérémonies, Chrême (Saint), Communion, Confirmation, Croix, Culte, Dimanche, Eau bénite. Élévation, Pètes, Epiclèse, Eucharistie, Exorcismes, Ex-