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793 LITURGIE. HISTOIRE, ÉVOLUTION LITURGIQUE, CLASSIFICATION 794

peuples, etc., 2e édit., Amsterdam, 1733-1736, 4 vol. ; J.-B. Thiers, Traité des superstitions qui regardent tous les sacrements, selon l’Écriture sainte, les décrets des conciles et les sentiments des Pères, etc., 4e édit., Avignon, 1777, 4 vol.

Nous avons montré de plus <jue le culte a ses origines les plus profondes dans l’Evangile, que le Christ lui-même n’a pas condamné les pratiques du culte extérieur, qu’il s’est soumis aux diverses prescriptions du culte juif ; il reçoit le baptême de Jean, il impose les mains aux malades, il bénit les pains en rendant grâces, il chasse les démons par des exorcismes, etc. Nous avons montré aussi que les pratiques essentielles de la liturgie sont d’origine apostolique et dans quel sens il faut entendre l’évolution des rites. Nous ne reprendrons pas ici cette démonstration.

En somme, toute la question ici est celle de la tradition. La liturgie tout entière repose sur la tradition, elle en est l’expression et le témoignage. Si l’on rejette l’existence de la tradition, on est amené logiquement à rejeter la liturgie, comme dénuée d’autorité. Existet-il en dehors de l’Écriture une tradition qui remonte au Christ et aux apôtres ? Toute la règle de foi est-elle contenue dans l’Écriture, ou bien y a-t-il des règles et des traditions que le Christ et les apôtres ont instituées et que l’Église se fait un devoir de suivre ? Cette question sera traitée à fond au mot Tradition. Mais, dès à présent, nous pouvons dire que la thèse protestante est indéfendable surtout aujourd’hui. Il serait plus facile de prouver que l’Écriture n’est qu’une des formes par lesquelles s’est exprimée la tradition, que de nier l’existence d’une tradition. Ici, le théologien est sur un terrain solide, la liturgie lui fournit des armes. Il y a des institutions comme celle du dimanche, des rites de la messe et du baptême, et d’autres sacrements, que la plupart des protestants admettent avec nous, dont l’existence se trouve confirmée par le témoignage de toutes les liturgies, et qui ne reposent que sur une tradition liturgique. Saint Basile disait déjà de son temps : Ex asservatis in Ecclesia dogmatibus et prsedicationibus alia quidem habemuse doctrina scripto prodita, alia vero nobis in mysterio tradila recepimus ex traditione apostolorum, quorum utraque vim eamdem habent ad pietatem, nec iis quisquam contradicet. … Invocationis verba cum conficitur panis eucharistise et poculum benedictionis, quis sanctorum in scripto nobis reliquil ?… Bcnedicimus autem et aquam baptismatis et nleum unctionis, immo ipsum etiam qui baptismum accipit ; ex quibus scriptisTD ? Spiritu sancto, c. xxvii, n. 66, P. G., t. xxxii, col. 188. Ce texte admirable, qui est à méditer tout entier, s’appuie, on le voit, surtout sur l’argument liturgique.

3° Mais il ne suffirait pas de répondre à ces objections. Il faudrait encore étudier la liturgie dans ses rites, dans ses formules, dans ses fêtes, pour montrer Yefficacité du culte chrétien sur la formation de l’âme et sa sanctification ; la pureté de la piété qu’elle inspire ; enfin la beauté de ses différentes manifestations. Tous ces sujets ont été traités avec plus ou moins de succès par lei apologistes chrétiens. Il est inutile de rappeler ici l’influence qu’a exercée au commencement « lu xixe siècle le i, énie du christianisme de Chateaubrland qui s est efforcé presque uniquement de célébrer la beauté et les harmonies du culte chrétien. Nous avons nous même traité ce sujet de [’esthétique de la liturgie dans les Origines liturgiques, loc. cit., p. S sq.

POUT l’Importance de la liturgie, dans la vie (Im

tienne, il noui suiiira de renvoer t [’Année liturgique de dom Guérangei et aie dissertation de dont Pestu

itholique, Essai de sgnthèsr, Maredsous, 1913. Nous ne croyons pat utile de nous arrétei davantage ici sur cet aspect apologétique de lalitu

Du reste, quelques-unes des questions soulevées ci-dessus se représenteront au cours de cet article.

IV. Histoire, évolution liturgique, classification. — Une autre question qui se pose dès le début, c’est celle de l’histoire et de la classification des liturgies. Les familles liturgiques sont fort nombreuses. On entend parler de liturgie romaine, liturgie gallicane, liturgies celtiques, liturgie mozarabe, liturgies byzantine, syriaque, copte, éthiopienne, etc. De telle sorte que le théologien, qui aborde ce sujet pour la première fois, se trouve débordé et comme submergé au milieu d’une telle accumulation de matériaux. Il faudrait quelques phares sur ces rivages pour diriger son esquif.

Cette division des liturgies est la conséquence des tendances nationales et séparatistes qui se firent jour du ive au vie siècle. La liturgie chrétienne est une à l’origine, et l’on peut même dire qu’elle reste une malgré ces divisions. Mais quelques distinctions sont nécessaires et voici la classification que nous proposons.

1° Avant le ive siècle, on peut dire que les distinctions liturgiques ne se sont pas encore affirmées et la division en familles liturgiques n’existe pas.

2° Du iv « au viiie siècle, les différences liturgiques s’accentuent et les liturgies s’organisent d’après les différences nationales et surtout d’après les circonscriptions ecclésiastiques.

3° Du ixe au xie siècle, l’Orient demeure dans un état à peu près stationnaire, tandis qu’en Occident s’affirme, sous l’influence de Rome, une tendance à l’unification.

4° Du XIe au xvie siècle, la prépondérance de la liturgie romaine s’est établie, tout en laissant une large place aux divergences locales.

5° Du xvie au xxe siècle, l’unité romaine, établie dans l’Église, est combattue par quelques tendances séparatistes. Création de liturgies nouvelles et sans traditions chez les protestants, les hérétiques, les schismatiques et les gallicans.

Il ne faut voir ici que les grandes lignes d’une classification commode et, si quelques faits ne rentrent pas dans ce cadre, c’est le plus pratique et, croyons-nous, celui qui répond le mieux à la réalité.

Nous devons maintenant reprendre cette division par le détail pour en donner les caractères généraux.

1° Avant le IVe siècle. — On dit généralement qu’avant le ive siècle l’unité liturgique a régné, et que la liturgie, durant cette période, se caractérise par la simplicité des rites. C’est vrai en général, mais il faut s’entendre sur la portée de ces termes. Il est exact que les divisions en familles liturgiques n’existent pas encore, mais cela ne veut pas dire que la liturgie fût partout uniforme. Jamais, en un sens, il n’y eut plus de variété, car jamais il n’y eut plus de liberté dans la forme de la prière. C’est la période del’improvisalion. Saint Paul nous a décrit l’aspect de ces premières communautés chrétiennes où le prophète, le didascale, le glossolale, prennent successivement la parole. La DidacM nous dit qu’il faut laisser au prophète la liberté d’improviser. Saint Justin, Tertullien et plusieurs autres écrivains anciens nous parlent en termes analogues de cette liberté d’improvisation. On Improvise non seulement des hymnes et des cantiques, mais encore l’anaphorc ou prière eucharistique et les autres prières. Si l’on compare la rédaction des anaphores et autres prières antiques qui nous ont été conservées dans Clément de Home, la Didachè, saint Ilippolyte, Sérapion, les Clémentines, les cles de I Immas. il.. on trouve les plus grandes divergences dans la forme. On peut dire que chaque I ïgllse, à peu près. Organise s’in service liturgique comme bOD lui semble.

Il n’en est pas moins vrai « pie la liturgie présente d. i ce moment, autant qu’où peut s’en rendre compte,