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LIPSE


Docendi ac ducendi. Parcourez par la pensée les contrées de l’Europe ; vous verrez que ces jugements rigoureux que l’on a exercés ont plutôt ravagé que corrigé les cités, p. 99.

On voudra bien ne pas oublier qu’au moment où il écrit ces pages, Lipse est professeur à l’université calviniste de Leyde ; mais il parle dans l’abstrait, sans se préoccuper de catholicisme, ni de protestantisme, et il semble bien qu’il faille toujours mettre à l’arrière-plan de son argumentation le fameux axiome, Cujus regio, ejus religio, qui a semblé inspirer longtemps sa conduite pratique. Les principes qu’il expose sont valables en terres catholiques comme en terres protestantes.

Pourtant ces paroles, qui, dans l’ensemble sont sages, ne seraient du goût ni de tous les catholiques, ni de tous les protestants. Parmi ces derniers, plusieurs qui avaient souffert pour leurs croyances, s’étaient faits les apôtres de la tolérance absolue. C’était le cas d’un certain Dirck Coornhert, qui riposta aux propositions de Lipse par un opuscule flamand, où, sous forme de dialogue, il plaidait la cause de la liberté de conscience la plus grande : Procès vaut Ketterdoden ende dwang der conscientien, Gouda, 1590. Comment, disait-il, les protestants pourraient-ils réclamer dans les États entièrement protestants des dispositions pénales pour le maintien de l’unité religieuse, et considérer d’autre part comme martyrs les victimes du duc d’Albe ? Sans doute Lipse ajoute qu’il faut maintenir l’unité religieuse quand la religion est bonne ; mais il lui faudrait préciser quelle est la bonne religion.

Cette mise en demeure ne laissait pas de mettre Lipse dans un grand embarras. Dès ce moment, sans doute, il songeait à rentrer dans le catholicisme ; pourtant, s’il se déclarait ouvertement pour celui-ci, sa position à Leyde devenait intenable. Il se tira d’affaire en publiant un livre qui restait, comme le premier, dans le domaine de la théorie : Adversus Dialogistam liber de una religione, in quo tria capila libri 1 V Polilicorum explicantur, Francfort, 1591. (.le citerai d’après cette édition : il a quelques différences notables dans l’édition des œuvres complètes). Reprenant mot par mot les attaques de son adversaire, Lipse ne fait guère en somme que rééditer, mais avec plus d’ampleur, les pensées développées dans la Politique ; et cette fois les arguments ne sont pas empruntés aux seuls auteurs anciens ; les lois des empereurs chrétiens, la législation conciliaire, les citations patristiques viennent tour a tour appuyer le thèse de l’auteur. Qu’on ne prenne pas a la rigueur, dit-il, des termes comme ceux que j’ai employés, t/re » seca, ai-je écrit, mais qui connaît la phraséologie médicale ne manquera pas de voir ici une image, non un conseil à appliquer à la lettre. Quant a la question précise : i Quelle est la religion que doit maintenir le prince ? » Lipse s’en lirait prudemment : Il ne peut s’agir, à coup sur, que de la religion chrétienne : Nulla religio alla nisi unitu Dei tenenda tst, quæ est li.ee ? Christiana. Unde petimus’.'e libris sacris. l’A tenenda ex ritu veteri. it. ]< 16. El que le dialogiste ne se hâte pas de triompher de ces derniers mois, comme si l’auteur de !.i Politique avait voulu par là incriminer les modifications religieuses apportées parla Réforme. Solennellement. Lipse s’adresse aux États généraux de

Hollande a qui le livre est dédié et les adjuie de bien

comprendre < qu’il a dit : Rettnere aniiqua, oui sans doute, mais avec cette restriction : si proha. Et il ajoute : le ne condamne donc point toul changement) il peut avoir des abus a corriger. Qui le fera

ne seront point les particuliers, ni même le prince.

sinon de l’avis de eux que leur vie et leur doctrine

rend aptes a le faire. I.iM a quoi seriraient bien

les conciles : concilia huic rei utiliter reperta et crebrius quam nunc olim usurpala ; quorum proprie hoc munus, videre si quid in doctrina aut disciplina Ecclesiæ. labat et revocare ac reduccre ad veteres suos purosque fontes.

Les États de Hollande lurent ici l’approbation de la Réforme et des divers synodes protestants. A ce moment, au contraire, Lipse pensait déjà aux décrets de Trente. Sa défense contre Coornhert est en somme plus habile que loyale. Ajoutons que le professeur de Leyde ne négligea pas des moyens plus efficaces pour se débarasser d’une opposition gênante, et ne craignit pas de faire appel au bras séculier pour arrêter la diffusion de la réplique de son adversaire.

La conversion de Lipse au catholicisme devait l’amener à modifier quelque peu ses deux ouvrages. Si Coornhert avait attaqué la doctrine de l’auteur comme dure et cruelle, certains milieux catholiques, au contraire, ne la jugeaient pas assez rigoureuse. Lipse apprit au début de 1593 que la Politique avait été mise à l’Index ; le catalogue n’était pas encore imprimé (il ne fut promulgué que le 17 mai 1593) : Lipse écrivit aussitôt à ses amis de Rome, en particulier à Baronius et à Bellarmin.pour conjurer le danger, offrant de modifier, suivant les indications que l’on voudrait bien lui donner les passages fautifs. Sur l’avis de Bellarmin il retoucha donc le c. m du livre IV de la Politique (L’édition approuvée en 1593 ne parut qu’en 1596). Les allusions plus ou moins claires aux procédés inquisitoriaux disparurent ; sans abandonner complètement sa modération première à l’endroit des dissidents tranquilles, Lipse n’osait pas s’inscrire en faux contre le droit du prince à les châtier, et rappelait un mot de saint Prosper sur les avantages que peut avoir la crainte. II concluait : Sed quid tempora, quid etiam pielas poscat, princeps videto, idque de piorum sententia. Tu, o bénigne et miseralor Deus (nam voto et suspirio locum hune claudo) divisa hœc junge et eflice, ut multitudinis credenlium sit cor unum et anima una. Voir le texte dans Œuvres, t. iv, p. 48.

En même temps, Lipse retouchait le De una religione, qui fut approuvé par Henri de Cuyck, chancelier de l’Académie, le 24 août 1593, avec cette remarque : « Tout ce que l’auteur a écrit de la religion unique doit s’entendre, d’après son propre aveu et d’après la suite même de la discussion, de l’Église orthodoxe catholique et romaine. » Afin de catholiciscr ce livre rédigé par le professeur de l’Université calviniste de Leyde, il convenait de modifier quelque peu les affirmations relatives à la vraie et bonne religion. Ainsi fut fait : on lut dorénavant dans la discussion avec Coornherdt ce qui suit : Nulla religio alia nisi uniua Dei tenenda est. Quse hœc est ? Christiana. Unde petimus’.' S libris sacris, idque pro Ecclesiss athotùse sensu, ce que confirmait un texte de Lactance. d’ailleurs fort bien choisi. Et cette petite addition permettait de donner au développement suivant Et tenenda ex ritu veteri un sens pleinement catholique, bien que l’apostrophe aux États généraux n’en ait pas disparu.

On n’indiquera ici que les ouvrages Indispensables pour

une première orientation. Les biographies anciennes de l.ipse, tontes faite-, du punit île vue si rictement catholique, sont rassemblées en tête du t. i des Œuvres :.hisli Ltpst

V, (.’., opéra omnta postremum ab (pra aucfa ei recertifia, « - « lit. d’Anvers, i » % : t T. i. vol. in-f°. - - Mon og r a phie complète avec une assez copieuse bibliographie par t.. Rjsrsch, dans Biogmpiue nationale lit Belgique, t. xii, Bruxelles, 1892, col. 239-288, qui vise a une Impartialité de bon alol ; voir aussi C.Halm, dam Vllegemetne DeuUtht Biographie, t.xviii, Leipzig, 1888, p. 741 748. Du même : t/eoer dis lechthell iiir dem Jiisius Llpaii chrtebenen Heden, dans 1rs

Stttungsbertchls de l’Académie de Munich, 1882, fuse. 2.