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LIGARIDKS PAISIOS. VIE


ment visiter son arehidiocèse de Gaza, et en passant par Alep et Chio, son pays natal. C’est en "Valachic qu’en 165fi le trouve Macaire, patriarche d’Antioche, revenant de Moscovie. Travels of Macarius, t. i, p. 342. Durant ce séjour en Roumanie ou le précédent, il composa des écrits pour convertir les protestants. En 1657, sur la recommandation de Souchanov, il reçoit du patriarche de Moscou, Nicon, l’invitation de se rendre auprès de lui. Le patriarche fondait de grands espoirs sur les lumières de Ligaridès et sur son appui dans l’œuvre qu’il avait entreprise de corriger les livres liturgiques slaves. Ligaridès ne répondit pas à cette invitation. Il n’alla en Russie que quatre ans plus tard, quand la situation de Nicon était très embarrassée, et ce ne fut que pour l’embarrasser davantage. Il n’avait probablement d’autre but en s’y rendant, d’après une de ses lettres, que d’y recueillir de l’argent avec plus d’abondance et de facilité. Il y fut reçu par le tsar Alexis comme un arbitre et un prophète, mais c’était un arbitre qui tranchait toujours en faveur du pouvoir, un prophète dont la voix était toujours agréable aux grands. Il avait dans l’arsenal de ses connaissances et la fertilité de son esprit de quoi rendre tous les services pour lesquels on l’aurait grassement rétribué. Il profita en outre de sa faveur auprès du tsar pour lui soutirer, par des moyens souvent malhonnêtes, le plus d’argent qu’il put. Il faut lire dans Kapterev, Caractère des relations de la Russie avec l’Orient orthodoxe au XVIe et au XVIIe siècles (en russe), Moscou, 1885, p. 181 sq, passage traduit dans Legrand, op cit., p. 25-36, le récit de ses multiples escroqueries. Il joignait à cela le commerce très rémunérateur des zibelines.

A son arrivée en Russie, Ligaridès fut aussitôt sollicité par Nicon qui espérait trouver en lui un appui contre le concile qui l’avait condamné en 1660. Le métropolite de Gaza répondit que Nicon n’avait pas le droit de blâmer ce concile, encore moins le tsar qui exerçait une légitime surveillance sur l’Église et à qui il devait d’ailleurs d’être devenu métropolite, puis patriarche. Nicon, se voyant sans aucun appui en Orient, en appela alors au jugement du pape de Rome, en se fondant sur les canons du concile de Sardique. Un conseil se réunit au palais pour délibérer sur cet appel. Ligaridès, convoqué, prouva, à grands renforts de témoignages des historiens grecs, que les Russes avaient reçu le christianisme de Ryzance et avaient toujours été sous sa juridiction, d’où il concluait que l’appel à Rome ne pouvait être légitime. Dès lors, Ligaridès devint l’oracle des boyards. L’un d’eux, Streschnev, parent du tsar, lui adressa par écrit trente questions concernant Nicon. Le métropolite grec y répondit. Questions et réponses furent répandues dans le public. Elles visaient dans l’ensemble à légitimer la tenue du concile malgré le patriarche, au nom de l’égalité des évêques, et à déclarer le tsar libre de convoquer le concile, à l’imitation de Constantin et des autres empereurs grecs, libre aussi d’accorder des privilèges, comme de les retirer, à qui il veut d’entre les évêques. Il fallait cependant sortir de l’imbroglio où l’on se trouvait depuis plusieurs années. Ligaridès proposa et persuada au tsar de convoquer un concile où prendraient part les quatre patriarches orientaux. Par ordre du souverain, il rédigea lui-même les lettres d’invitation à Nectaire de Jérusalem et à Denys de Constantinople. Ces deux patriarches décidèrent de ne pas aller en Russie et se contentèrent de signer et de faire signer aux deux autres patriarches un tomos qui déclarait d’une manière générale qu’un patriarche pouvait être jugé par un concile régulièrement assemblé. Nicon finit par signer son abdication en 1665, mais en même temps, instruit par un certain Agathangèle, grec, il informait le tsar des antécédents et de la

situation anticanonique de Ligaridès. Celui, en effet, que l’on regardait comme l’arbitre des questions religieuses de Russie, avait reçu une éducation toute latine, et de plus se trouvait dans une situation tout à fait irrégulière vis-à-vis de son propre patriarche, et agissait en Russie au nom de l’Église grecque sans en avoir reçu aucun mandat. De fait, Ligaridès, peu après sa consécration épiscopale, avait été interdit’par son propre consécrateur pour des lettres écrites de Chio où celui-ci se trouvait quelque peu maltraité, puis par le successeur de Païsios, Nectaire, pour avoir négligé de lui faire son obédience à son élévation au patriarcat. En Moldavie, notre personnage s’était fait fabriquer de fausses lettres par un certain Léontis et c’est avec elles qu’il s’était fait recevoir à Moscou. Accusé par Nicon, Ligaridès nia effrontément. Il offrit même de se soumettre à un tribunal d’évêques russes pour être jugé, bien que, disait-il, il relevât du patriarcat de Jérusalem. Le tribunal se tint. Le témoin Agathangèle fut produit et soutint énergiquement son accusation. Malgré cela, le rusé Païsios réussit à convaincre les évêques russes de son innocence. Sur ces entrefaites, on apprend que deux patriarches orientaux, Macaire d’Antioche et Païsios d’Alexandrie, sont en route pour Moscou. Ligaridès rêva-t-il alors de présider le concile qui allait bientôt s’ouvrir ? On le croirait, car, dans une lettre du 15 décembre 1665, il informe Alexis qu’il vient de recevoir par l’intermédiaire d’Etienne, envoyé de Denys de Constantinople, une lettre de ce patriarche qui l’établit son représentant en Russie. En même temps, il demande au tsar son congé, sans doute parce qu’il sait que le souverain ne peut se passer de lui. Ce dernier, voulant en avoir le coeur net, dépêche à Constantinople même un homme de confiance. Le résultat de l’enquête est que la pièce dont se prévaut Ligaridès n’est qu’un faux fabriqué par Etienne. Que fait notre prélat ? Il accuse tout simplement Etienne de l’avoir trompé. Soit naïveté, soit besoin de ses services, le tsar Alexis garda auprès de lui l’étrange métropolite. Les patriarches d’Alexandrie et d’Antioche arrivèrent à Moscou, le 13 octobre 1666. Le jugement de Nicon commença le 7 novembre et comprit en tout huit sessions. Ligaridès dressa l’acte d’accusation et fut l’âme de toute l’assemblée. Le patriarche moscovite fut condamné et déposé le 12 décembre (8e session), tandis que l’orthodoxie de l’ancien élève des jésuites était lavée de tout soupçon. Ligaridès avait eu aussi la pensée de faire approuver par le concile un écrit composé à la demande du sieur de LLienthal pour exposer la croyance des Grecs et des Moscovites touchant l’eucharistie. Mais cet opuscule un peu long n’ayant été achevé que le 2 novembre, le temps manqua pour le traduire du latin en grec, et du grec en slave. La situation de l’archevêque de Gaza était alors solidement établie. « Sans l’ignorance de la langue du païs, écrivait de lui M. de Pomponne le 10 septembre 1C66, il aurait esté eleu patriarche en la place de celuy qui a esté déposé. » Legrand, op. cit„ t. ii, p. 250. Le 28 mars 1668, le roi de Pologne, Casimir s’adressa à lui dans une lettre pour l’inviter à travailler à la réunion de l’Église russe à l’Église catholique. Le 20 juin 1668, sur l’instance du nonce apostolique de Pologne, le P. Scierecki lui écrit pareillement pour l’engager à confirmer les deux patriarches d’Orient, ainsi que le tsar lui-même, dans leurs sentiments favorables au sujet de cette réunion. Theiner, Monuments historiques de la Russie, p. 53 et 60. Mais le temps approchait où le prestige de Ligaridès allait décliner et lui-même se trouver dans l’impossible de prêter le concours qu’on lui demandait. Le 29 juillet 1668, arrivait soudain à Moscou une lettre de Nectaire de Jérusalem, dans laquelle ce patriarche informait le tsar que son