Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/375

Cette page n’a pas encore été corrigée
735
736
LIEUX THÉOLOGIQUES. LES NOTES TU ÉOLOGIQUES


se divisent, selon Cano, en deux groupes. Il y a d’abord celles qui conviennent aux vérités formellement révélées, sive primatta sive secundaria. Ce sont les vérités de foi catholique. Elles se subdivisent, selon qu’elles proviennent de l’Écriture ou des Traditions apostoliques. Viennent ensuite celles qui qualifient les vérités déduites des premières, nécessairement, c’est-à-dire de telle sorte que la concession de celles-ci entraîne la concession des premières, que la négation des conclusions, au contrai re, en I raine la négation des vérités révélées. Les conclusions se subdivisent à leur tour, selon que leur mineure est de foi ou de raison. Elles sont de foi mais non absolument, non simpliciter. Sur ce point, il y aura intérêt à commenter Cano par les idées récemment mises au clair par le P. Marin-Sola dans son ouvrage, L’évolution homogène du dogme catholique, Fribourg, 1924, où l’on verra que les seules conclusions qui vraiment relèvent de la foi, sont les conclusions à connexion d’ordre métaphysique. Encore n’en relèvent-elles que médiatement à titre de vérités définissables, non définies, avantlasentence del’Église. Cf. Marin-Sola, op. cit., c. vii, sect. v, La vraie pensée de Melchior Cano sur la définibilité de la conclusion théologique, édit. française, t. ii, p. 444-409. — Les notes négatives sont la note d’hérésie, c. vu et vin et les notes erronea, sapiens hæresim, piarum aurium of/ensiva, lemeraria, scandalosa, c. x. Cano abrège ainsi le catalogue des notes donné par Torquemada, Summa eccles., t. IV, part. II, c. ix, qu’il cite et trouve trop compliqué, ibid., c. vi. Nous laissons aux spécialistes l’appréciation des notes de Cano : ce que nous cherchons à exposer, c’est sa méthode.

3° Par quel procédé Cano obtient-il ses notes ? — Pas autrement qu’en recourant aux jugements critiques qu’il a formulés sur les lieux théologiques, dans l’élaboration qu’il en fait du livre II au livre XI, cf. supra, sect. vi. Et c’est ici que l’on voit comment les jugements généraux, contenus dans cette partie de son œuvre, engendrent des jugements sur les propositions utilisées dans l’argumentation, jugements qui, formulés par les notes, se répercuteront à leur tour sur le jugement final des conclusions théologiques et les qualifieront théologiquement.

Ne pouvant entrer dans le détail, nous choisirons deux exemples. — 1. Il s’agit de qualifier comme vérité de foi catholique un texte obscur de l’Écriture, car de rébus perspicuis nihil prsecipi oportet, c. vr. Voici la règle 4e de Cano : Consentions eadem sanctorum omnium conspiransque scripturarum intelligentia, ipsissima est fidci catholica veritas. C’est ici, comme le constate aussitôt Cano, un résumé de sa conclusion 5, du t. VII, c. v, cf. supra, col. 723. — 2. Dans la règle 1, Cano poussait jusqu’à la conclusion théologique elle-même, l’influence de sa critique générale des lieux : Cum Scriptura : sensus fueril obscurus, tune Ecclesiæ intelligentia eadem est germana Scripturæ intelligentia, ex qua habebitur, crepet licet hæreticus, et catholiae veritatis insigne certum, et ad probandas theologise conclusions certi hujus, quem exquirimus, argument ! delcctus. ibid., c. vi, 1° p r œceptio. Au fond, pour Cano, les règles de la qualification ne sont autre chose qu’une adaptation et parfois une transcription des résultats critiques de l’invention générale des dix lieux théologiques.

4° Cano n’a pas cru devoir descendre des préceptes à la pratique et nous montrer le théologien en acte de qualifier ses conclusions et ses arguments à l’aide des règles contenues tant dans son inventaire général des Lieux, 1. II-XI. que dans sa théorie des Notes : Non aliud mihi neqofii dandum credidi in dijudicandis argumentis quæ dogmata nostra probarent quam datum paulo anle fuit, c. vi-vm et x, in iis nalis edendis, quie noslras veritales insiqnirent. Pars ergo illa fudicandi nec post ea guæ diximus, admonilione ac præceptis indiget, nec

propria ad locorum tructutum pertinet quem hic liber noster sua inscriptione pollicetur, t. XII, c. xi. Il estime que la qualification in actu exercito des propositions, n’est plus œuvre de méthode, mais de pratique, et qu’avec les préceptes qu’il a donnés, c’est au théologien de se tirer d’allaire. Il le fera, d’abord en mettant en bonne forme logique ses arguments, prenant garde, comme le conseille le P. Marin-Sola, op. cit., c. ii, sect. v, de n’employer que des arguments a connexion métaphysico-inclusive, s’il veut aboutir à la science théologique et non, à des conclusions de système. Après cela, embrassant d’un dernier regard toute son argumentation, avec tous ses éléments qualifiés par leurs notes, il ne lui restera plus qu’à définir en connaissance de cause la vérité théologique de sa conclusion, c’est-à-dire à la déterminer avec sa qualification propre : Ad extremum, finiat quid verum, et quid, contra, falsum. Doceat vero primum quid fides Clvisti de ea queslione leneat quibusque idoneis ac certis testimoniis id quod tenet évinçât ; deinde quid aut prsescribat aut doceat ratio, t. XII, c. xi, 3° præceptio. C’est cette détermination autorisée des conclusions que l’on trouve chez les grands théologiens, à l’issue de longues /lisputaliones, exprimée en ces termes : Dico, Dico resolulorie, Determinando dico, respondeo dicendum. C’est le point culminant, l’acte suprême du labeur théologique, je dirais : son acte pur, par comparaison avec les jugements qui le préparent et le fondent, et qui demeurent en puissance prégnante de ce sublime moment, où, en pleine connaissance de cause, le théologien conclut, et qualifie ses conclusions. C’est la gloire de Cano d’avoir dressé la méthode pour arriver avec sécurité et une facilité relative à prononcer des jugements de cette sorte.

Si Cano n’a pas composé de Praxis ad usum theologorum, pour guider l’exercice personnel du jugement théologique interne, il a cependant esquissé une méthode pour les jugements théologiques du for externe, à l’usage des juges de la foi dans le c. ix de son 1. XII : Régulas très ad quas fidei exle.rna judicia dirigenda sunt. C’est un recueil de conseils pratiques aux inquisiteur ?, qui se ressent de l’époque, et qui ne saurait avoir qu’un intérêt rétrospectif pour la plupart des théologiens. Maissaprésencemanifestela pleine conscience qu’avait Cano de tout ce nous venons de dire, à savoir que la qualification théologique des conclusions est l’aboutissant suprême et la fin dernière du labeur théologique comme tel, en même temps que la pierre de touche "du théologien consommé, perfectus et absolutus theologus, qui, à l’imitation du parfait dialecticien, doit être instruit tum ad inveniendum tum ad judicandujm, t. XII, c. xi, début.

IX. L’utilisation des lieux théologiques. — Si Cano, pour les raisons que l’on vient de lire, s’est refusé à faire descendre jusque sur le terrain pratique l’utilisation de ses lieux théologiques en ce qui concerne la formation du jugement, il ne pouvait faire de même pour l’invention des arguments. C’tût été rompre avec les usages de ses maîtres en dialectique, Cicéron et Agricola, voire même, quoi qu’il en ait dit, avec Aristote, et c’eût été aller contre son but de formation du parfait dialecticien de la théologie. La partie de son douzième livre : De locorum usu, qui concerne vraiment l’usage des lieux théologiques, sera donc consacrée uniquement à l’Invention.

Dans ce but. Cano établit d’abord les préceptes que dirigent la théologien dans l’exercice de l’invention des arguments sur le terrain même de l’argumentation, en présence d’une question posée et débattue. Il donne ensuite trois exemples de l’application de ces préceptes, c. xii-xrv, sur lesquels nous n’insisterons pas. vu qu’ils appartiennent expressément à la théologie proprement dite.