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LIEUX THÉOLOGIQUES. ÉLABORATION PRÉALABLE


un jugement assuré, tant sur Ja valeur des argumente qu’il emploie pour résoudre telle question posée, que sur la valeur de certitude des conclusions auxquelles mènent ces arguments.

a) A l’entendre, le critère de la valeur des arguments se trouve dans l’élaboration générale des lieux théologiques, 1. II-XI, dont nous avons déjà, avec Cano, signalé le rôle pour l’Invention ; et ainsi cet inventaire a une double portée : préparer et faciliter l’invention effective des arguments aptes à résoudre sur le terrain une question posée, et renseigner le théologien sur la valeur des arguments qu’il emploie à cette fin. Entendons Cano nous le dire : Theologi porro fudicium tune rnihi videor instruxissc, cum locorum theologicorum l’im et naturam expressi. Nempee decem partibus in quas loci theologici amplitudinein potestatemque divisi, quænam earum parlium firma argumenta contincrent, quæ pcro infirma patefeci. De locis, t. XII, c. xi.

Quiconque, en effet, aura parcouru les dix livres consacrés a l’élaboration des dix lieux théologiques, s’apercevra que ce n’est pas ici, comme dans la Dialectique d’Aristote, une simple énumération, mais un ensemble de principes etdcrègles, permettant d’apprécier, du point de vue de la révélation, tout argument qui postule son entrée dans l’argumentation théologique, sa nature et sa force probante, vim et naturam.

Cano, d’ailleurs, nous fait saisir sur le vif les services que rend au jugement du théologien cette critique théologique préliminaire. L’hérétique, dit-il, ne trouve pas moins d’arguments dans les lieux théologiques que le théologien. Ses arguments sont sans doute aléatoires, faibles et fallacieux. Encore faut-il, en connaissance de cause, pouvoir les discerner des arguments certains, forts, consistants. En outre, dans un même lieu théologique, tous les arguments n’ont pas la même fermeté. Si un lieu est en soi d’efficacité inférieure, tous les arguments que l’on y rencontre n’ont dis nécessairement cette infériorité. Des saintes Lettres on peut tirer des arguments qui ne sont que probables, du sens mystique, par exemple, ou d’un sens insuffisamment défini. Cf. A. Gardeil, La réforme de la th< : nlogie catholique. Les procèdes exégétiques de stiint Thomas. Revue thomiste, 1903, p. 436-441. Par contre, l’histoire humaine, si faible, imbecilla, soit-clle, peut fournir des arguments certains. Et donc, conclut Cano, quand bien même nous utiliserons l’art et les préceptes par lesquels les arguments sont tirés des lieux théologiques’invention), adhuc judicium deeslut explorentur. Quod si nulla fudieii ratio, nullum discrimen accesserit, I r/niilrm argumentandi facilis et prompta erit, sed nulla in prelio lamen, nisi apud eos qui rrs numéro œstimare salent non pondère. PerfeclllS autem absolutusque theologus non modo variae lacis argumenta rongeret sed dlssenlientia W consent ientia, certaque et incerta net. Ibld. Et, c’est cette différenciation, ajoute-t-il, nue j’ai menée à bien dans les livres précédant celui-ci, II’.

On voit désormais où se rencontrera le critère par lequel Cano assurera le jugement de son i béologien, en ee fjni concei ne la valeur « les arguments qui lui paraissent a oudre une question.

b) pour instruire ce même jugement en ce qui con déterminations ou conclusions qui ressor gunients, Cano institue la théorie des

logiques qui peuvent affecter tanl les ques ques. Il voil dans ces

"Ut ; i l.i fois des ! certains pour

lier les questions de foi et des arguments 1res

ins pour que lis conclusions de la t néologie soient

appe : t par suite, tl estime que, par sa théorie

I. XII, c. vi-x, jointe à l’élaboration critique

II-XI, il a suffisamment pourvu : i la formation

du Jugement théologique, tant en ce qui regarde l.i

valeur des preuves qu’en ce qui regarde la valeur des conclusions. Cumque etiam veritatu mcatholicarum notæ esedem sint, — et certissima signa ut quæstiones fidei discernantur, — et argumenta quoque certissima ut conclusioneslheologiæ probentur, non aliud mini negotiis dandum credidi in dijudicandis argumentis quæ dogmala noslra probarent, quam paulo ante t. XII, c. vi-x, fuit in nolis edendis quæ nostras veriiates insignirent De locis, t. XII, c. xi.

4° Le théologien est désormais complètement outillé. Il est muni tant de la Pars inneniendi que de la Pars judicandi, comme dit Agricola, qui font le dialecticien consommé. Il n’a plus qu’à descendre sur le terrain pratique et à mettre en œuvre toutes ses ressources. Cano, nous l’avons dit, le suivra sur ce terrain avec ses règles de méthode. Sequitur ut disseramus, id quod prœsenlis est negotii, quibus rebus possimus cum, quem e locis Theologiæ volumus, adipisci usum argumenlundi. Ibid. Cano consacre à ces préceptes toute la fin du c. xi, exposé merveilleux, non plus de la théorie de la méthode, mais de sa tactique vivante, où l’on voit s’entre-croiser en acte la part de l’invention et la part du jugement. Qu’on en juge par cet extrait :

Cognilis ac tractai is locis, quæstioncm quam versare cupit in locos theologiæ conjiciat (Invention). Cum autem illam per omnes deduxerit… judicio adhibilo, pervidendum, utramne quæslionis parlent ducta argumenta probent (Jugement). Conjecta ilaque per omnes locos quæstione (Invention), in utramque partem disputel, sed tamen ad exlremum finiat quid nerum et quid contra falsum (Jugement). Loc. th., t. XII, c. xi, 2° pricceplio.

5° Nous sommes ainsi conduits à diviser le traité des lieux théologiques en quatre sections, dont la première, Élaboration préalable, théorique et critique, des lieux théologiques, infra, sect. vi, sert tout à la fois à former l’Invention et le Jugement théologiques ; la seconde. Questions théologiques, infra, seel. vii, a pour but de diriger l’Invention ; la troisième, Notes théologiques, infra, sect. viii, sert à former le Jugement ; la quatrième, Utilisation des lieux théologiques, infra, sect. ix, donne les préceptes pour trouver dans les lieux théologiques déjà élaborés, des argument s propres à résoudre une question théologique dont le genre est connu, pour juger en connaissance de cause ces arguments, et qualifier la conclusion obtenue par leur intermédiaire.

VI. Élaboration préalable des lieux théolof. ii ot s. — Avec Cano, 1. II-XI, nous allons d’abord soumettre chacun des dix lieux théologiques à une élaboration critique, j’entends d’une critique théologique, destinée à permettre au théologien <c discerner tant la valeur d’espèce de ce lieu, que la valeur, pour l’argumentation de chacune de ses parties, de ses aspect s. voire même la valeur de chacun des groupes de propositions qu’il contient.

Nous suivons l’ordre de rénumération des lieux théologiques de Cano.

1° Premier lieu théologique : L’Écriture sainte, I. II. — Selon Cano. quatre questions intéressent le jugement du théologien, qui se propose d’utiliser l’Ecriture sainte comme lieu théologique : l’inerrancc de l’Ecriture sainte. la canonicilé des Livres sain t8, la aleurdes versions et éditions du texte, l’extension de l’Inspiration du texle sacré à ses parties, purlieulas. Sur chacune de ces questions. Cano avance des principes ou règles, qui formulent les exigences de la foi. Le donné révélé de l’Écriture, élaboré par ces principes, se préseniei’. i désormais comme un donné théologiquement

Critiqué, aple dans toutes ses parties, a fournir des Is, dont la valeur est d’avance Inventoriée et fixée, de manière à pouvoir, en connaissance de cause, amorcer une argumentation théologique. On remarquera que, pour résoudre chacune des quatre