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    1. LIBERTÉ MORALE##


LIBERTÉ MORALE, DE CONSCIENCE, DES CULTES

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c) Revendiquer le droit ou la faculté morale d’exercer le culte qui plaît, c’est nier qu’il existe une seule religion véritable établie par Dieu, et dont Dieu impose la pratique. Or, on le démontre surabondamment ailleurs, des preuves péremptoires militent en faveur de la religion catholique, comme de la seule religion voulue par Dieu ; et ainsi les hommes qui doivent l’embrasser ne peuvent avoir le droit d’en professer une autre. C’est donc à juste titre que Pie IX a condamné dans le Syllabus les deux propositions suivantes :

Il est loisible à chaque

homme d’embrasser et de

professer la religion qu’il

aura tenue pour vraie en sui vant les lumières de sa rai son.

Les hommes peuvent trou ver dans l’exercice de n’im porte quelle religion la voie

du salut éternel et y parve nir.

15. Liberum cuique homi ni est eam amplecti ac pro (iteri religionem quam ratio nis lumine quis ductus veram

putaverit.

16. Homines in cujusvis

religioni cultu viam alterna 1

salutis reperire seternamque

salutem assequi possunt.

Denzinger, n. 1715, 1710.

Déjà, dans l’allocution consistoriale du 9 juin 1862, Pie IX s’élevait contre ceux qui « osent malicieusement faire dériver toutes les vérités de la religion de la force native de la raison humaine, et attribuent à chaque, homme une sorte de droit primordial en vertu duquel il peut librement penser et parler de la religion, et rendre à Dieu l’honneur et le culte qu’il estime le meilleur, suivant son caprice. » Voir Les Actes pontificaux cités dans l’Encyclique et le Syllabus du 8 décembre 1864, suivis de divers autres documents, Paris, 1865, p. 400.

d) Aucun homme, nous l’avons vii, n’a devant Dieu le droit ou la faculté morale d’adhérer intérieurement à une religion fausse ; en conséquence il ne saurait avoir le droit d’exercer extérieurement les pratiques de cette religion. D’autre part, tout homme, ayant le devoir d’adhérer intérieurement et extérieurement au catholicisme, a le droit d’exercer librement son culte conformément aux règles de l’Église.

Toutefois, faisons observer ici que l’acte de foi catholique doit être un acte libre qui ne peut être extorqué par la violence. Il en résulte que le devoir d’être catholique, imposé par Dieu, ne crée au profit de personne le droit de forcer un adulte non baptisé à devenir membre de la société chrétienne. En d’autres termes, tout homme usant de sa raison a le droit de n’être contraint, ni par l’Église, ni par l’État, ni par un particulier ou une société, quelconque, à recevoir le baptême. Les enfants que l’on baptise avant l’âge de raison, suivant une discipline qui fut toujours en usage à quelque Segré dans l’Église, deviennent, il est vrai, membres de l’Église sans leur consentement formel ; il en est d’eux comme des enfants qui, par leur naissance dans un pays, deviennent citoyens de ce pays. Une fois honorés du baptême et devenus fils adoptifs de Dieu, les chrétiens ne peuvent se soustraire plus tard aux obligations que leur impose l’état surnaturt’l auquel ils ont été élevés par un bienfait spécial de la Providence, état d’ailleurs obligatoire pour tous les hommes. Et de même que l’enfant, né dans telle contrée, ne peut plus tard se prétendre exempt des lois qui régissent cette contrée et sous l’empire desquelles il a pu vivre en sécurité, de même l’enfant incorporé par son baptême à Jésus-Christ et à son Église, ne saurait s’affranchir, devenu grand, des lois divines et ecclésiastiques, qui ont pour but de maintenir et de conserver la vie surnaturelle, dont il a reçu l’incomparable don.

e) Aucun souverain ne peut, dans aucun cas, et sous aucun prétexte, établir ou sanctionner la liberté des cultes en tant qu’elle serait un droit propre à chaque homme, qui doive être proclamé et affirmé dans toute

société bien constitua-. Grégoire XVI qualifie de délire cette opinion erronée, que Pie IX condamne, à son tour, dans l’encyclique Quanta cura, du 8 décembre 1861. Ex qua omnino fulsa social is reyiminis idea liaud timent erroneum illam opinionem, catholicæ Ecclesiaanimarumque saluti maxime exitialem, a rec. mem. Gregorio XVI prædecessore Nostro deliramentum appellatam (encycl. Mirari), nimirum… libertutem conscientia et cultuum esse proprium cujuscumque hominis jus, quod lege proclamari et asseri débet in omni recte constituta societatc. Denzinger, n. 1690. Car la liberté des cultes, entendue en ce sens, est contraire à la foi et réprouvée par la raison elle-même. Celle-ci, en eilet, ne saurait admettre que l’homme ait le droit naturel, c’est-à-dire la faculté morale, d’exercer toute espèce de culte, même le culte des idoles, avec ses abominations, ou le culte qui prescrirait des sacrifices humains.

/) Tout souverain est tenu, en théorie, de protéger la vraie religion, dans la mesure de son pouvoir, suivant les exigences des temps et des lieux, de faire en sorte que les adhérents à cette religion ne soient pas troublés dans l’exercice de leur culte ni induits en erreur.

Dès là qu’on admet en effet que le but de l’État n’est pas seulement d’assurer la défense commune et de garantir les intérêts temporels de la société, on devra reconnaître aussi qu’il est tenu d’embrasser et de professer une religion déterminée, aux prescriptions de laquelle il doit conformer ses actes sociaux. Dieu, en effet, étant la fin de la société comme de l’individu, finis autem humanse vitæ et societalis est Deus, S. Thomas, Sum. Theol., P-II 86, q. c, a. 6., tous les chefs et membres d’une société ont des obligations envers Dieu, non seulement comme personnes privées, mais encore comme personnes publiques, et sont, par conséquent, tenus de rendre socialement à Dieu le culte qui lui est dû. La fin dernière de la société se confond.jusqu’à un certain point, avec la fin dernière de l’individu. Dès lors que le dépositaire du pouvoir (un ou collectif) est chargé de procurer la paix temporelle et de permettre aux citoyens de bien vivre, comme l’enseigne saint Thomas, De regimine principum, t. I, c. i, il est par là même obligé de s’inspirer de la religion pour obtenir ce double résultat. Or, la religion dont il doit s’inspirer est la religion véritable, révélée par Dieu, voulue de Dieu, à savoir, la religion catholique. De même, en effet, que chaque individu est tenu d’atteindre sa fin dernière en se conformant aux prescriptions du catholicisme, de même les détenteurs du pouvoir civil, chargés de diriger les citoyens de façon à ce qu’ils ne soient pas détournés de leur fin et même qu’ils puissent plus facilement l’atteindre, doivent aussi tenir compte de ces mêmes prescriptions dans leurs actes sociaux.

Dans l’encyclique Immortale Dei, Léon XIII expose cette doctrine avec une clarté et une précision qui ne laissent rien à désirer : « Si la nature et la raison, dit-il. imposent à chacun l’obligation d’honorer Dieu d’un culte saint et sacré, parce que nous dépendons de sa puissance et que, issus de lui, nous devons retourner à lui, elles astreignent à la même loi la société civile. Les hommes, en effet, unis par les liens d’une société commun

  • , ne dépendent pas moins de Dieu que pris isolément :

autant au moins que l’individu, la société doit rendre grâce à Dieu, dont elle tient l’existence, la conservation et la multitude innombrable de ses biens. C’est pourquoi, de même qu’il n’est permis à personne de négliger ses devoirs epvers Dieu, et que le plus grand de tous les devoirs est d’embrasser d’esprit et de cœur la religion, non pas celle que chacun préfère, mais celle que Dieu a prescrite et que des preuves certaines et indubitables établissent comme la seule vraie entre toutes, ainsi les sociétés politiques ne peuvent sans crime se conduire comme si Dieu n’existait en aucune manière, ou se passer de la religion comme étrangère