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    1. LIBERTÉ MORALE##


LIBERTÉ MORALE, DE CONSCIENCE. DES CULTES

sont faites pour s’aider et se prêter un mutuel secours. D’un coté, la raison démontre les fondements de la foi, et, munie des lumières de celle-ci, elle cultive la science des choses divines. De l’autre la foi délivre et défend la raison d’une foule d’erreurs, et elle l’enrichit de connaissances nombreuses.

Une grave illusion de certains partisans de la liberté relatiue de conscience, entendue dans le sens illégitime dont nous venons de parler, consiste à se persuader qu’il leur est loisible de se replacer intellectuellement, tant est grande l’opinion qu’ils se font des droits de leur raison, dans un état de doute absolu, à l’effet de former de nouveau leur conviction sur la vérité ou la fausseté du christianisme et de ses enseignements. — Or, c’est là une erreur profonde, fertile en conséquences désastreuses, comme il est facile de s’en rendre compte. On oublie que, à cet égard, tout autre est la condition de ceux qui, ayant reçu le don céleste de la foi, adhèrent à la vérité catholique, et la condition des infortunés qui, par le malheur de leur naissance ou par d’autres causes, se trouvent engagés dans une religion fausse. Ceux-ci, en effet, peuvent et doivent douter de la vérité de leur croyance et de la sûreté de leur voie. Les arguments extérieurs d’une part, la lumière et les mouvements intimes de la grâce de l’autre, les excitent à ce doute qui est pour eux un commencement de délivrance et un premier pas vers la pure clarté du salut. Dès que le doute devient sérieux, il les oblige à un examen plus sérieux encore ; et ils doivent à Dieu, ils se doivent à eux-mêmes de chercher et de prier jusqu’à ce qu’ils aient trouvé, et, dès qu’ils ont trouvé, ils sont tenus de changer leur croyance. — Le’catholique, au contraire, né de Dieu et de l’Église, assisté par la grâce intérieure de l’un et par le magistère extérieur de l’autre, n’a jamais et ne saurait avoir aucune raison valable de changer sa croyance, ou même de suspendre son adhésion totale soit à l’ensemble des vérités révélées, soit à quelqu’une d’entre elles, sous prétexte qu’il veut en obtenir d’abord la démonstration rationnelle et la conviction scientifique. Dans le domaine de la foi, les investigations de l’esprit permises, conseillées, parfois même commandées au chrétien, ne peuvent jamais prendre pour point de départ un doute réel. Concil. Vat., De fide, c. iii, Denzinger, n. 179-1. Et le concile appuie par un anathème cet important point de doctrine : « Si quelqu’un dit que la condition des fidèles ne diffère pas de la condition de ceux qui ne sont pas encore parvenus à l’unique véritable religion : de telle sorte que les catholiques, après avoir embrassé la foi sous la conduite de l’Église, puissent suspendre leur assentiment et remettre cette foi en doute jusqu’à ce qu’ils aient acquis la démonstration scientifique de la crédibilité et de la vérité, de la foi, qu’il soit anathème… » Can.de fide cath., 3. De fide, can. 6, Denz., n. 1815.

Mais n’y a-t-il pas là, chez les fidèles, une sorte de dépression et un véritable servage de la raison ? Nullement. Dans l’acte de foi, en effet, indépendamment de la certitude des motifs de crédibilité, la cause qui détermine l’adhésion de la volonté et de l’intelligence n’est autre que la vérité première elle-même, c’est-à-dire Dieu, souverainement véridique. Or, la véracité divine offre plus de garantie que la lumière de l’intellect humain : c’est pourquoi, quant à la fermeté de l’adhésion, la foi s’appuie sur une plus grande certitude que n’est la certitude de la science et de la compréhension intellectuelle. Donc revenir au doute, en vue de parvenir scientifiquement à la vérité, ne serait pas un mouvement de progrès, mais de recul.

c) Liberté de pensée par rapport à l’ordre surnaturel.

— D’autres, enfin, poussant la liberté relative de conscience jusqu’à ses extrêmes limites, vont jusqu’à nier l’obligation d’entrer dans l’ordre surnaturel. Ils

rougiraient de tout ce qui les abaisserait au-dessous de leur nature, mais ils déclarent, en même temps, n’avoir aucun attrait pour ce qui tend à les élever au-dessus ; ils veulent rester hommes. Il est de l’essence de tout privilège de pouvoir être refusé. Et puisque tout cet ordre surnaturel, tout cet ensemble de la révélation est un don de Dieu, gratuitement surajouté par sa libéralité et sa bonté aux lois et aux destinées de leur nature, ils s’en tiendront à leur condition première ; après une vie honnête, vertueuse, le seul bonheur éternel auquel ils aspirent est la récompense naturelle des vertus naturelles. Dans une page d’une rare éloquence, le cardinal Pie critique vivement cette prétention orgueilleuse d’une liberté follement éprise d’elle-même, prétention qui ne va à rien moins qu’à méconnaître le souverain domaine de Dieu sur sa créature. « En effet, dit l’illustre évêque de Poitiers, on ne prouvera jamais que Dieu, après avoir tiré l’homme du néant, après l’avoir doué d’une nature excellente, n’ait pas conservé le droit de perfectionner son ouvrage, de l’élever à une destinée plus excellente encore et plus noble que celle qui était inhérente à sa condition native. Au contraire, les mêmes faits qui établissent d’une façon irréfragable que Dieu s’est mis en rapport direct et immédiat avec l’homme par la révélation, les mêmes faits qui nous obligent d’admettre la divinité des saintes Écritures et l’existence de l’ordre surnaturel, nous forcent aussi de reconnaître l’obligation où nous sommes d’entrer dans cet ordre de grâce et de gloire, sous pe % ine des châtiments les plus justes et les plus sévères. En nous assignant une vocation surnaturelle, Dieu a fait acte d’amour, mais il a fait acte aussi d’autorité. Il a donné, mais en donnant il veut qu’on accepte. Son bienfait nous devient un devoir. Le souverain Maître n’entend pas être refusé. Si l’argile n’a pas le droit de dire au potier : « Pourquoi fais-tu de moi un vase d’ignominie ? » Rom., ix, 20, elle est infiniment moins autorisée encore à lui dire : « Pourquoi fais-tu de moi un vase d’honneur ? » Quoi donc ! ouvrage rebelle, vous vous plaignez de ce que celui qui vous a pétri de ses mains, qui a tout droit sur vous, use de son droit suprême pour assigner à votre obscurité une place brillante au delà des astres ? Humble esclave de celui qui vous a donné l’être, vous vous plaignez de ce qu’il vous tire de la poussière pour vous ranger parmi les princes des cieux ! Le souverain domaine que Dieu peut exercer sur vous à son gré, vous trouvez mauvais qu’il l’exerce par la bonté ! Phénomène monstrueux de l’ordre moral, vous êtes indocile au bienfait, révolté contre l’amour ! Eh bien, le domair.é imprescriptible de Dieu s’exercera sur vous par la justice. Malheureux mendiant du chemin, le roi vous avait invité aux noces de son Fils", au banquet éternel de la gloire : c’était à vous de vous y acheminer et de vous revêtir de la robe nuptiale de la grâce pour être admis ; vous vous êtes présenté sans cet ornement prescrit : il n’y aura point de place pour vous, même dans un coin de la salle, même à la seconde table ; vous serez chassé dehors, jeté dans les ténèbres extérieures, là où il y aura des pleurs et des désespoirs. Matth., xxii, 12, 13. Le même Dieu qui, dans l’ordre de la nature, par une suite de transformations physiques. fait passer incessamment les êtres inférieurs d’un règne plus infime à un règne plus élevé, avait voulu, par une transformation surnaturelle, vous faire monter jusqu’à la participation, jusqu’à l’assimilation de votre être créé à sa nature infinie. Substance ingrate, vous vous êtes refusé à cette affinité glorieuse, vous serez relégué parmi les rebuts et les déjections du monde de la gloire : portion résistante du métal placé dans le creuset, vous ne vous êtes pas laissé convertir en l’or pur des élus, vous serez jeté parmi les scories et les