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    1. LIBERTÉ MORALE##


LIBERTÉ MORALE, DE CONSCIENCE, DES CULTES

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au contraire, elle est sujette essentiellement à l’erreur, par là même qu’elle est finie. Donc la raison humaine ne peut être la règle suprême de ses opérations. S’il était permis à chacun de penser ce qu’il veut, il devrait lui être également permis de penser qu’il peut légitimement conformer ses actes à ses pensées, c’est-à-dire faire tout ce qu’il veut. La liberté d’agir à sa guise est la conséquence logique de la liberté de penser à sa guise. Or, il est facile de s’en rendre compte, cette conséquence entraînerait toute espèce de désordres. Donc il est faux que la pensée soit libre dans ce sens absolu et illimité. L’homme est tenu de bien penser afin de bien dire et de bien agir : tel est l’ordre voulu par la raison, la justice et la vérité, par Dieu lui-même.

b) Libre pensée relative. — D’autres vont moins loin e( refusent d’être les partisans d’une liberté de conscience indépendante des règles du vrai et du juste ; ils prétendent seulement que c’est uniquement à la raison humaine qu’il appartient de reconnaître ces règles et de les apprécier. D’après eux, tout homme a le droit d’être respecté dans ses convictions. Repoussant la liberté absolue de conscience, ils admettent seulement la liberté relative de conscience, c’est-à-dire le droit de n’avoir que notre raison pour règle de nos jugements pratiques en matière morale et religieuse, sans que nous ayons à tenir compte de l’autorité du Christ et de l’Église. C’est la thèse brillamment soutenue par Jules Simon dans son ouvrage, La liberté de conscience, Paris, 1859.

Bile est de tous points erronée. En elïet, s’il est une vérité pratique qui s’impose à l’esprit, c’est que Dieu étant le créateur de l’homme et par conséquent son maître, l’homme est, selon toute l’étendue de son être, dans une entière dépendance envers lui. Et ce que la raison nous crie non moins fortement, c’est qu’étant elle-même une créature, puisqu’elle n’est autre chose que la faculté divinement donnée à notre âme de connaître la vérité, elle est, par sa nature même, la sujette de cette vérité : de telle sorte que, s’il plaît à la vérité incréée, qui est Dieu, de se révéler à l’homme d’une manière plus excellente, et dans des proportions plus considérables qu’elle ne l’a fait en le créant, l’homme, sous peine de trahir et sa raison et sa conscience, doit soumettre à Dieu qui lui parle son intelligence et sa volonté, c’est-à-dire, il lui doit pleine croyance et pleine obéissance. Aussi le concile du Vatican dit-il anathème à qui prétendrait que la raison est tellement indépendante que la foi ne puisse lui être commandée de Dieu. Si quis dixerit, rationcm humaii’im iln independentem esse, ut /ides ei </ Dm imperari non possit, anathemasit. Canonesde fl.de cathol., 3. De flde. can. l. Denzinger-Ban., m 18lo.

Le moyen qui doit permettre à tous de juger où est la vraie foi, d’y soumettre leur esprit et leur errur, ci d’persévérer jusqu’à la liii, c’est l’Église, Dieu, par son unique et bien-aime tils Jésus, a fondé l’Église ici bas, et il l’a enrichie de tels dons, gratifiée de tels privilèges, illustrée de tels caractères, que tout le monde (| vi. lit la oir et la reconnaître pour la dienne et la maîtresse unique du dépôt de la révélation. la seule Église catholique, en effet, appartient

le trésor Immense et merveilleux des faits divins, des miracles surtout et des prophéties, qui portent jusqu’à l’évidence la crédibilité des mystères qu’elle propose, des dogmes qu’elle enseigne, des grâces qu’elle dispense. des promesses qu’elle fait. Munie d’arguments divins iKmr prouver tout ce qu’elle avance. l’Église est encore sa preuve a elle même ; el quiconque la voudra étudier de bonne foi, el dans son origine, ei dans son re.el dans cette Immutabilité qu’elle conserve en

traversant tout ce qui change, sera forcé de convenir

qu’elle est elle-même un grand motif de crédibilité, i i

qu’elle porte avec elle l’irréfragable témoignage de sa divine légation.

Dès là qu’il existe deux ordres distincts de connaissances, et que ces deux ordres se rencontrent en fait dans le même sujet, c’est-à-dire dans l’homme croyant et raisonnable, il s’ensuit qu’il y a des rapports mutuels entre l’un et l’autre de ces ordres. Les deux ordres dont il s’agit sont distincts non seulement par leur principe, mais par leur objet : leur principe, puisque le principe de la connaissance naturelle est la raison humaine, et que la foi divine est celui de la connaissance surnaturelle ; leur objet, puisque dans l’un nous atteignons seulement les vérités de l’ordre qui nous est propre, et que dans l’autre nous commençons de saisir des secrets naturellement cachés à toutes les créatures, des secrets que, par conséquent, Dieu seul peut nous apprendre. Voir concile du Vatican, Constitutio de flde catholica, c. i, De fide et ratione, Denzinger-Ban., n. 1795. Les vérités de la foi ont un caractère essentiellement transcendant. Non seulement elles ont cette transcendance en elles-mêmes, en ce sens que, si Dieu ne les révélait à la raison créée, elles lui demeureraient tout à fait inconnues et seraient pour elles comme n’existant pas. Mais, même après que Dieu nous lésa dites, et qu’étant entrées en nous par la foi, elles font réellement partie du trésor de nos connaissances, elles n’y sont jamais cependant qu’à l’état de vérités reçues par témoignage. Le christianisme est si essentiellement la religion du mystère qu’il renie comme siens ceux qui voudraient les contester. Concil. Vatic, Can. de flde calhol., 4. De flde et ratione, can. 1, Denz., n. 1816.

Mais en même temps que la foi surpasse la raison si nécessairement et de si haut, il va de soi qu’elle ne peut jamais lui être contraire, et qu’entre ces deux lumières venues du même foyer, qui est Dieu, il ne saurait y avoir de dissension véritable. Dieu ne se nie pas lui-même, et la vérité ne se donne point de démenti. 11 s’ensuit que, si entre les vérités révélées, c’est-à-dire les dogmes de la foi ou les enseignements de l’Eglise, et les données de la raison ou de la science, il semble y avoir contradiction, ce n’est et ce ne peut être jamais qu’une apparence. Et la cause principale de cette apparente contradiction est, ou bien que l’on prend pour vérité de foi et doctrine de l’Église ce que l’Église n’enseigne pas réellement, ou qu’on l’entend et qu’on l’expose autrement qu’elle ; ou bien, c’est qu’on prend pour une vérité de raison ce qui n’est qu’une opinion particulière et une fausse vue de l’esprit. Aussi l’Église définit-elle que toute assertion contraire à la vérité révélée est absolument fausse : Omnan igitur assertionem verilati illuminatæ fldei contrariant omnino falsam esse deflnimus. Denzinger, n. 1797, cf. n. 738.

En effet, la foi étant d’une nature plus élevée que la raison, la grande règle de la subordination des ordres exige que, dans le cas de conflit, le dernier mot appai tienne à la première, Par cela seul que Dieu a institué’une autorité divine sur la terre, et qu’il lui a donné le mandat de garder Intégralement le dépôt de la foi, il lui a conféré « le droit et impose le devoir de déclarer fausse et de proscrire toute doctrine qui, usurpant le nom de science ou de philosophie, s’élève contre les dires de Dieu, contredit les vérités de fol et Infirme : i un point de vue quelconque les dogmes catholiques. " Tout chrétien donc placé en face d’opinions vraiment contraires a une doctrine de foi. et surtout en face d’opinions réprouvées de l’Église, ne peut, sans pn., rication, soutenir que Ces opinions soient des conclu sions légitimes de la seiencc : niais il est tenu île n’Voit que’I' I opinions fardées d’une fausse apparence rité.i Ibid..n. I

Enfin, ce n’est pas assez de dire « pie la foi et la rai son ne peuvent jamais se trouver in désaccord et ni

sont pas naturellement hostiles La vérité est qu’elles