Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/353

Cette page n’a pas encore été corrigée

691

    1. LIBERTÉ MORALE##


LIBERTÉ MORALE. DE CONSCIENCE, DES CULTES

la force OU la violence ù embrasser la vérité ou à donner assentiment au bien à rencontre de sa conviction intime et a sa volonté. Le savant cardinal Giuseppe l’risco, Principi di jilosofia del diritlo, c. viii, Libéria di coscienza, établit ce droit dans une page magistrale que nous citons intégralement : < L’intelligence de l’homme, dit-il, est appelée par son essence intime à la connaissance du vrai, comme la volonté à la possession du bien ; mais la première ne peut adhérer au vrai sans le connaître, comme la seconde ne peut embrasser le bien sans son libre consentement. Or, aucune force ou autorité créée ne saurait contraindre l’intelligence et la volonté d’autrui à adhérer à une doctrine, fût-elle vraie ; et l’usage qu’on ferait de la force pour obtenir ce résultat serait une véritable absurdité. Et, en effet, l’intelligence se convainc à l’aide de preuves, et la volonté s’incline vers la vérité qui subjugue l’esprit… ; la force est toujours un moyen incompétent et disproportionné pour l’obtention de ces deux effets…. Ledroit de la vraie liberté de conscience est le droit de la supériorité des forces morales de l’esprit sur la force brutale, et par suite ce droit est naturel et inviolable, comme est naturelle et inviolable la dignité de ces mêmes forces. Non seulement l’État, mais l’Église catholique elle-même ne peut violer ce droit en contraignant par la force d’adhérer à une doctrine vraie. Dans la foi catholique, c’est vraiment l’infaillible témoignage de Dieu qui est le principe objectif de l’obligation de notre assentiment ; mais notre raison individuelle, sous l’influence de la lumière de la grâce, doit connaître ce témoignage infaillible, et c’est nous-mêmes qui devons donner notre assentiment, c’est nous-mêmes qui devons être certains de ce témoignage. Croire, dit saint Thomas, est un acte de la volonté, Sum. theol., II » -II æ, q. x, a. 8, et la volonté ne consent que lorsque l’intelligence est éclairée. De même qu’une vérité ne peut être objet de notre science proprement dite, si elle n’est évidente à notre raison, ainsi il ne suffit pas pour croire une vérité qu’elle soit affirmée par une autorité infaillible ; il faut que nous connaissions cette autorité infaillible. La différence consiste seulement en ce que, dans la science, le motif objectif de notre assentiment est l’évidence même de la vérité, et le motif subjectif est la raison individuelle qui perçoit cette évidence, tandis que, dans la foi, le motif objectif de notre assentiment est la révélation ou l’autorité de Dieu, et le motif subjectif est notre raison elle-même, qui, par l’évidence des preuves, connaît ce même témoignage infaillible et la règle de la foi dont cette règle détermine l’objet. Et c’est pourquoi, si l’homme n’a pas cette connaissance, ou s’il en a une opposée, il est contraire à la nature même de la foi de le contraindre par la force à croire. Aussi l’apostolat par l’épée, qui a été l’apostolat du Coran, n’a jamais été celui de l’Évangile. »

d) La liberté légitime de conscience consiste enfin et surtout dans le droit à accomplir, sans aucun empêchement ni entrave, nos devoirs d’esprit et de cœur envers Dieu. « On peut, dit l’encyclique, Libertas præslaniissinuim, entendre la liberté de conscience en ce sens que l’homme a dans l’État le droit de suivre, d’après la conscience de son devoir, la volonté de Dieu, et d’accomplir ses préceptes sans que rien ne puisse l’en empêcher. Cette liberté, la vraie liberté, la liberté digne des enfants de Dieu, qui protège si glorieusement la dignité de la personne humaine, est au-dessus de toute violence et de toute oppression, elle a toujours été l’objet des vœux de l’Église et de sa particulière affection. C’est cette liberté que les apôtres ont revendiquée avec tant de constance, que les apologistes ont défendue dans leurs écrits, qu’une foule innombrable de martyrs ont consacrée de leur sang. Et ils ont eu raison, car la grande et très juste puissance de Dieu sur les

hommes el, d’autre part, le grand et le suprême devoir des hommes envers Dieu trouvent l’un et l’autre dans cette liberté chrétienne un éclatant témoignage.

Elle n’a rien de commun avec des dispositions

factieuses et révoltées, et, d’aucune façon, il ne faudrait se la figurer comme réfractaire à l’obéissance due à la puissance publique ; car ordonner et exiger l’obéissance aux commandements n’est un droit de la puissance humaine qu’autant qu’elle n’est pas en désaccord avec la puissance divine et qu’elle se renferme dans les limites que Dieu lui a marquées. Or, quand elle donne un ordre ouvertement en désaccord avec la volonté divine, elle s’écarte alors loin de ces limites et se met du même coup en conflit avec l’autorité divine : il est donc juste alors de ne pas obéir, i

4. Liberté de conscience synonyme de libre pensée. — La liberté de conscience, telle que la proclament les incrédules, n’est point la liberté dont nous venons de parler. Ce qu’ils entendent par liberté de conscience, c’est le droit de penser et de juger, non pas conformément à la vérité objective, mais comme il leur plaît, en sorte que, à leurs yeux, la liberté de conscience n’est autre chose que l’indépendance ou l’autonomie de la pensée humaine. L’homme, disent-ils, ne relève que de lui-même dans ses actes et, par conséquent, dans ses pensées comme dans ses paroles.

a) Libre pensée absolue. — Les partisans de la liberté de conscience absolue, illimitée, veulent que la pensée et la conscience soient libres, sous prétexte que la raison humaine est sa propre loi ù elle-même : erreur fondamentale qui est condamnée dans ces deux propositions du Syllabus :

3. Humana ratio, nullo La raison humaine, sans prorsus Dei respectu habito, avoir à tenir de Dieu aucun unicus est veri et falsi, boni compte, est la règle unique du et niali arbiter, sibi ipsi est vrai et du faux, du bien et du lex et naturalibus suis virimal ; elles est à elle-même sa bus ad hominem ac populoloi, elle suffit par ses propres rum bonum curandum suffiforces à procurer le bien des cit. individus et des peuples.

4. Omnes religionis veriToutes les vérités relitates ex nativa humant gieuses dérivent d’une force rationis vi dérivant ; bine innée de la raison humaine ; ratio est princeps norma qua aussi la raison est-elle la homo cognitionem omnium norme première par quoi cujuscumque generis verital’homme peut et doit acquétum assequi possit ac débet, rir la connaissance des vérités Denzinger-Ban., n. 1703, de tous ordres.

1704.

Le droit à cette liberté ne saurait exister. En effet, si la liberté de pensée ou de conscience était absolue ou illimitée, il s’ensuivrait que la raison humaine serait indépendante dans sa pensée et dans ses jugements et, conséquemment, dans son existence aussi bien que dans son essence. Or cela répugne absolument, car la raison humaine est la faculté d’un esprit créé qui. précisément parce qu’il est créé, ne peut pas être sa propre loi. De deux choses l’une : ou il faut nier que la raison humaine soit créée, limitée, ou il faut dire qu’elle ne saurait être la règle radicale et première de ses opérations. — Le vrai est réellement distinct de la raison humaine ; car le vrai étant tout ce qui peut être connu, l’être, en tant qu’il est l’objet de l’intelligence ne peut être renfermé dans une raison finie. Donc la règle de la raison est réellement distincte de cette faculté. Voilà pourquoi la pensée de l’homme est vraie, si elle est conforme à la vérité des choses qu’il pense. Seule, la raison divine est sa règle à elle-même, parce qu’elle est la vérité absolue et la loi suprême de tout êtreetde toute vraie connaissance. Si la raison humaine était essentiellement sa propre loi, si la vérité et le bien moral appartenaient à son essence, cette raison serait évidemment infaillible. Or, l’expérience de chaque jour nous apprend que telle n’est point notre ra’son ; bien