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LIBERTÉ ET RESPONSABILITE


trouve dans la prescience et Vélection de Dieu. Entre toutes les grâces dont il dispose pour mettre en mouvement le vouloir créé, même le plus rebelle, Dieu choisit celle qu’il sait devoir, eu égard à toutes les circonstances, emporter le consentement libre de la volonté. Dans le cas de la grâce efficace, l’appel divin est si complètement adapté aux conditions présentes de l’homme auquel il s’adresse, qu’infailliblement cet homme répondra : « Présent. » Mais (et c’est ici que le molinisme semble oublier que le gouvernement divin touche à tous les ressorts de toutes les activités), c’est finalement la libre détermination de l’homme qui confère à la grâce divine son efficacité : Dieu attend, si l’on nous passe cet anthropomorphisme, ne serait-ce que pendant une fraction inappréciable de temps, le libre consentement de la volonté humaine. La liberté est sauvegardée, mais ne serait-ce pas au prix de la souveraine indépendance divine ?

En définitive, le problème de l’accord du libre arbitre et de la grâce efficace est insoluble. Nous sommes ici dans le mystère qui enveloppera toujours les relations du fini et de l’infini. L’essentiel est d’affirmer d’une part la souveraine indépendance divine dans le gouvernement du monde, de l’autre la liberté laissée à l’homme dans l’affaire de son salut. Ces deux affirmations se développent en somme sur deux plans parallèles. Vouloir découvrir leur point de rencontre est une entreprise chimérique. Pour exciter en nous une curiosité plus grande que d’autres dogmes de notre foi, ce mystère n’est ni plus ni moins difficile à accepter

Le libre arbitre et le concours divin.

"Voir Conhiiiis

divin, t. iii, col. 781-796, et spécialement, col. 787 : La coopération divine et le péché.

IV. Liberté et responsabilité.

D’une manière générale, la responsabilité consiste en ce que l’on doit Imputer certains actes, avec leurs conséquences, à celui qui les exerce, parce qu’il en est la cause véritable, c’est-à-dire intelligente et libre. Sans liberté, pas de responsabilité morale ; car c’est par le libre arbitre que l’on est vraiment le maître de ses actes. D’où l’on voit le lien étroit qui existe entre la question de la liberté et celle de la responsabilité : au point de vue moral, elles sont indissolublement unies.

Notion de la responsabilité.

La responsabilité

est le caractère d’un être qui doit rendre compte de ses actes et en recevoir le prix. Littré en donne cette définition : Responsabilité, obligation de répondre, d’être garant de certains actes. » On peut encore la définir : La nécessité morale de subir les conséquences de ses actions libres, si elles sont mauvaises, on d’en bénéficier, si elles sont bonnes.

Au mot ruponsablt correspond le mot imputable. I es deux ternies ont le même sens, mais ils s’appliquent différemment. La personne est responsable, es’t imputable. D’après Littré. est dit imputable ce qui peut être mis au compte moral de l’homme.

Pour que l’acte soit imputable, il faut qu’il soit fait

connaissance et liberté. L’acte qui présente ce

douille caractère s’appelle acte Immain, par opposition

ictei de In vie organique, comme la respiration,

BUS actes de la vie animale, tels que les réflexes et les

purement Instinctifs, et aux actes de l’homme

raisonnable, mais non libre, par exemple, l’amour

-lire du bonheur. Ions les actes qui SOnl privés

de l’un ou fie l’autre de ces deux éléments, el à pins

forte raison des deux, à savoir, de connaissance et de

liberté, ne sont pis des actes humaine ; ils « ml puie Bient dr l’homme. Voir ACTE HUMAIN t l

dit i i< i I’- probli me ni’me de i IPONSAHUTÉ, et <le, e qni

I tant non. Il impoiie teulemenl

de signaler les causes qui, en influant sur la liberté, influent aussi sur la responsabilité.

Conditions de la responsabilité.

Les conditions

de la responsabilité sont l’intelligence et la liberté, Un acte n’est imputable, on n’en est responsable, on n’en a le mérite ou le démérite que si on a compris ce qu’on a fait, et si on l’a posé librement. — Comprendre ce qu’on fait, c’est apprécier la valeur morale de l’acte, sa qualité bonne ou mauvaise, sa conformité ou sa nonconformité avec la loi, ce qui suppose un certain degré ou développement d’intelligence et d’éducation. Plus un homme est éclairé moralement, plus il est responsable ; voilà pourquoi l’indulgence est de mise pour un homme qui n’a qu’une intelligence bornée, qui n’a reçu aucune éducation. — Agir librement, c’est avoir la possibilité d’agir ou de s’abstenir. Nous l’avons établi plus haut, le pouvoir de choisir entre deux contradictoires appartient à l’essence du libre arbitre. L’on est plus ou moins responsable selon que l’on est plus ou moins maître de sa volonté, que l’on se possède plus ou moins soi-même. La liberté implique l’intelligence. La liberté de la volonté ne vient pas de la possibilité-d’agir sans raison, - mais de la puissance indéfinie de la raison à concevoir presque toujours de nouvelles raisons contraires ou différentes, de façon à pouvoir presque toujours agir autrement. La liberté a donc sa racine dans la raison même, c’est-à-dire dans la puissance de l’esprit à trouver toujours des raisons d’agir comme il lui plaît. Par conséquent, là où l’intelligence fait défaut, la liberté n’existe pas. L’être qui ne sait pas ce qu’il fait ne fait pas ce qu’il veut ; il ne s’appartient pas. Le jour où l’homme perd la raison, il cesse d’être libre, c’est-à-dire qu’il ne se possède plus lui-même. Il est, pour ainsi dire, enlevé à lui-même, comme l’exprime fort bien le nom d’aliénation mentale (aliéné, de aliénas sui, étranger à soi-même). L’n fou, cédant à une impulsion irrésistible, commet un crime : il est irresponsable ; on ne peut pas lui imputer l’acte que son bras a commis, car sa volonté y est restée étrangère. On ne le traite pas en criminel, mais en malade ; on le met dans l’impossibilité de nuire, et on cherche à le guérir. Revient-il à la santé, le mal qu’il a fait lui cause des regrets, mais non des remords. Il en est ainsi de tout homme qui a été la cause involontaire d’un mal quelconque ou qui, malgré toute sa bonne volonté, n’a pas pu accomplir un bien auquel il était tenu.

Conséquences.

De ce que l’intelligence et la

liberté sont les conditions nécessaires de la responsabilité, il s’ensuit que tout ce qui détruit ou diminue l’intelligence et la liberté supprime ou diminue la responsabilité. De là, quand il s’agit du mal, la distinction des circonstances atténuantes, qui diminuent la responsabilité : par exemple, l’ignorance. l’Inadvertance, la concupiscence, la crainte, la violence, l’habitude, et des circonstances aggravantes, qui l’augmentent : par exemple, la préméditation, la pleine possession de soi-même.

Aussi admettons-nous diverses mesures de responsabilité suivant que l’on juge un enfant, un homme mûr ou un vieillard, un homme qui agit par lui-même ou celui qui ne le fait que par suite de conseils on d’ordres donnés, un homme instruit ou un rustre sans éducation, un homme sain d’esprit et en pleine posses lion il’- ses facultés Intellectuelles et morales, ou bien

un halluciné, un maniaque, un homme en proie à une émotion violente ou sous l’influence de l’ivresse : dans . deux derniers cas. il peut même échapper à toute Dnsabillté an moins directe.

On voit par là combien il est difficile d’apprécier d’une manière exacte le degl’de responsabilité moi air

fie chaque homme. C’eal pourquoi l’histoire, la Justice

humaine et l’opinion doivent souvent se tromper et