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    1. LIBERTÉ##


LIBERTÉ. PROBLÈMES THÉOLOGIQ1 ES

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éternelles du ciel. Or, la raison de ce que Dieu accomplit dans le temps existe éternellement en lui. Donc éternellement existe en Dieu le dessein de conduire un certain nombre de créatures raisonnables à la vie éternelle, et ce dessein de sa divine bonté n’est autre que la prédestination des saints.

Cette vérité appartient à la foi catholique et est expressément attestée par de nombreux témoignages de la sainte Écriture, en particulier, par celui de l’apôtre saint Paul, Rom., viii, 29-30 : Quos uulem prsedestinavit, hos et vocavit ; et quos vocavil, hos et justificauit ; quos uutem juslificavil, illos et glorificavil.

A côté de la prédestination il y a la réprobation, à savoir, la prescience et la permission qui sont en Dieu de la détection d’un certain nombre dans l’œuvre de leur salut éternel. Cum ad divinam providenliam, dit saint Thomas, pertinent aliquos permittere a vita œterna deficere, ad eam pertinet etiam aliquos consequenter reprobare. Sum. theol., I a, q. xxiii, a. 3. En elïet, nous devons rencontrer de toute éternité en Dieu la prescience et la volonté permissive de tout ce qu’il permet d’arriver dans le temps. Or, Dieu permet que quelques-uns s’excluent de la vie éternelle par suite de leur permanence finale dans l’état du péché. Donc, éternellement, nous devons trouver en Dieu la prescience et la permission de cette défection suprême, et c’est la réprobation. Mais ce serait tomber dans une erreur monstrueuse que de supposer en Dieu une réprobation quelconque positive et antécédente : ce serait faire de Dieu un être cruel qui, par pur caprice, contraindrait quelques-uns à commettre le péché afin de pouvoir ensuite les tourmenter éternellement.

3. Nature de la prédestination. —

Dans la prédestinalion, enseigne saint Thomas, il faut considérer trois choses dont les deux premières sont présupposées à la prédestination elle-même, à savoir la prescience de Dieu et sa dilection, c’est-à-dire la volonté qu’il a de sauver celui qui est prédestiné. Vient, en troisième lieu, la prédestination qui n’est autre chose que la direction vers la fin voulue par Dieu à l’être aimé. Qusest. quodlibet, quodl. xi, a. 3.

Entendue au sens rigoureux du mol, la prédestination présuppose la science de Dieu et sa volonté salvifique. Il suit de là que, de la part de Dieu, nous pou-vous concevoir comme trois actes dans ce mystère dont l’intelligence parfaite nous échappera toujours. Le premier acte est celui de la simple intelligence (qui dans le système moliniste inclut la science moyenne elle-même). Dans cet acte, tous les mondes possibles sont présents à l’intelligence divine avec leurs merveilleuses organisations, leurs splendeurs, leurs harmonies, avec la fin qui correspond à chacun d’entre eux. Suit le second acte, dans lequel la volonté divine se porte sur la fin qu’elle sait devoir obtenir dans un de ces inondes éternellement présents devant elle, et cette fin, elle la veut d’une manière absolue. Cette fin vers laquelle tout devra converger, soit directement, soit indirectement, sera, par exemple, le salut d’un nombre déterminé d’hommes qui, dans d’autres hypothèses, eussent été damnés. Cet acte, qui relève de la volonté de Dieu, est, par excellence, un acte d’amour et constitue à proprement parler l’élection. Enfin, conséquemment à ce choix ou à la solution de cette fin. Dieu décrète l’existence de ce monde auquel répond la fin qu’il veut obtenir. Et c’est l’acte de la prédestination auquel correspond celui de la réprobation. En effet, parce que dans ce monde dont il a décrété l’existence à raison du but plein de grandeur et de miséricorde qu’il se propose d’atteindre, il se trouve que des créatures raisonnables parviendront aux joies éternelles du ciel tandis que d’autres, par leur seule faute, en demeureront exclues, il se résout à favoriser en tout le salut éternel des premières et à permettre le malheureux sort des secondes. De l’adjonction de ce décret, il résulte qu’il y a en Dieu, pour un certain nombre, prescience et préparation de la vocation, de la justification et, conséquemment, de la glorification, — et c’est là la prédestination ; pour d’autres, prescience et permission de la défection finale, — et c’est là la réprobation.

De cette doctrine découlent deux corollaires importants, qu’il suffira de rappeler ici, réservant pour l’art. Prédestination de les appuyer de preuves :

a) La prédestination présuppose l’élection gratuite à la gloire.

b) Le décret par lequel Dieu prédestine les élus est nécessairement certain et absolument immuable. Il est nécessairement certain, car Dieu ne peut ignorer ce qui arrivera, ni être trompé dans les prévisions de sa sagesse, ni être frustré du but qu’il a déterminé dans sa toute-puissante volonté. Si non esset infallibilis prœdestinationis effectus, dit le cardinal Billot, falleretur divina præscientia et frustraretur absoluta Dei voluntas ; quorum utrumque est omnino impossibile. De Deo uno et trino, th. xxxiii, p. 293. Ce même décret est immuable comme tous les décrets de la volonté divine. Pour que le décret de la prédestination fût changé, il faudrait que Dieu cessât de vouloir ce qu’il aurait une fois décrété. Or il ne le pourrait sans que sa volonté, de favorable qu’elle était, ne devînt contraire à l’objet de son décret, ou sans que sa science ne découvrît dans cet objet ce qu’elle n’avait pas aperçu de prime abord. Les deux suppositions sont impossibles en Dieu dont les affections ne sont pas changeantes comme les nôtres, et dont la science ne saurait rien acquérir.

4. Prédestination et libre arbitre. —

Nécessairement certain et absolument immuable, le décret par lequel Dieu prédestine les élus ne viole en rien l’intégrité du libre arbitre. En effet, la nécessité qui affecte le résultat de ce décret est une nécessité qui suit l’infaillibilité de la science divine, de cette science qui pénètre et embrasse tous les futurs contingents, non pas comme futurs mais comme présents. Or, nous l’avons établi, une nécessité de cette sorte ne saurait jamais enlever la contingence de l’acte ni en diminuer la liberté, car elle est purement concomitante.

Il est donc établi que Dieu a, par un décret porté avant la création du monde, c’est-à-dire de toute éternité, prévu et préparé les moyens par lesquels il conduirait les hommes (nous ne parlons que des créatures humaines en ce moment) et selon lequel eux-mêmes arriveraient à l’éternelle félicité, sans que. d’une part, la certitude et l’immutabilité du décret, , l’efficacité infaillible des moyens préparés aux futurs élus nuisent en rien à leur liberté qui demeure entière sous l’action de Dieu ; et sans que, d’autre part, les faiblesses humaines, les défaillances toujours possibles, et, en fait, trop fréquentes de la liberté humaine puissent faire manquer les prévisions de Dieu qui sait tirer le bien du mal et faire concourir au salut des élus tout, même leurs péchés, dit saint Augustin.

Mais le décret de la prédestination est un livre fermé pour nous. De là cette conséquence toute naturelle que nous ne devons pas, pour agir, nous fonder sur cette connaissance qui nous échappe absolument : nous ne devons concevoir à ce sujet ni inquiétudes vaines, ni assurances chimériques, mais user des moyens de salut que Dieu a mis à la disposition de tous, et par lesquels seront infailliblement sauvés tous ceux qui les emploient.

Mais, dit-on. de deux choses l’une : ou je suis prédestiné, ou je ne le suis pas. Si je suis prédestiné, quoi que je fasse je serai sauvé ; donc je puis en toute sécurité me livrer à toutes les douceurs de la vie. Si je ne suis pas prédestiné quoi que je fasse je serai damné..