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    1. LIBERTÉ##


LIBERTÉ. PROBLÈMES THÉOLOGIQUES

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ment sur le bien des créatures, mais toujours d’une façon dépendante de celui du Créateur. C’est là son objet secondaire. Deus, principaliter vult se, et, volendo se vult omnia alla… Sicul uno actu intelligit se et alia, in quantum essentia sua est exemplar omnium, ita uno actu vult se et alia in quantum sua bonilas est ratio omnis bonilalis. S. Thomas, Sum. contra Genl., t. I, c. LXXV-LXXVl.

A raison de son objet, la volonté de Dieu se divise en volonté antécédente ou conditionnelle et en volonté conséquente ou absolue. La première a pour objet une chose en tant qu’elle est considérée en soi, antérieurement aux circonstances qui peuvent en empêcher la réalisation parfaite, exemple : le salut de tous les hommes. La seconde se porte sur la même chose, mais considérée, cette fois, avec toutes les circonstances et particularités qui en assureront la complète exécution, exemple : le salut à raison des mérites.

Tout ce que Dieu veut d’une façon absolue doit nécessairement s’accomplir ; autrement sa toute-puissance se trouverait en défaut, ce qu’il répugne évidemment d’admettre. Or, parmi les objets de la volonté divine, il en est qui ne sont pas atteints ; ainsi, Dieu veut le salut de tous les hommes, et, en fait, plusieurs hommes sont damnés. Donc, entre la volonté absolue et conséquente, il faut reconnaître en Dieu une volonté conditionnelle et antécédente. C’est ce que saint Jean Damascène enseignait déjà avec une remarquable précision : « Il faut bien se pénétrer de ceci : Dieu, d’une volonté première et antécédente, veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à son royaume. Car il ne nous a pas créés pour nous punir, mais, étant bon lui-même, pour que nous participions à sa bonté. Pourtant il veut punir les pécheurs parce qu’il est juste. Dès lors, cette première volonté est dite antécédente, ou volonté de bon plaisir ; et la cause en est en lui-même. La seconde est appelée conséquente, ou de permission, et finalement c’est nous qui lui donnons naissance et cela doublement : en tant que cette volonté divineest pour nous un avertissement, en tant aussi qu’elle part de la réprobation pour aboutir au châtiment absolu. » De ftd. orth., . II, c. xxix, P. G., t.xciv, col. 968-969. Cette doctrine du Damascène a fourni le point de départ des développements ultérieurs de la scolastique latine.

Cette distinction étant posée, voici comme l’on peut mettre en forme le problème de l’accord de la liberté humaine et des décrets divins.

Tout ce que Dieu veut d’une façon absolue doit nécessairement arriver : c’est-à-dire, doit nécessairement arriver de la manière connue par la science de simple intelligence qui est la règle des décrets divins, nous raccordons ; d’une autre manière, nous le nions. En effet, la volonté divine, quand par son décret elle t ransfère les choses de iyi al de pure possibilité à celui d’existence réelle, veut ces choses comme elles sont connues par la science de simple intelligence qui est la rèe-le des décrets divins. Or, dans la science de simple Intell ertalns effets sont représentés comme nécessaires parce qu’ils procèdent de causes nécessaires I parfaitement déterminées ; d’autres, an contraire. considérés comme libres, en tant qu’ils procèdent de causes jouissant du domaine sur leurs actes. Par conséquent, la volonté divine se porte sur les uns et les autres, d’une manière correspondant à celle science. qui eut i’réalisation nécessaire des premiers et l’exécution libl des seconds.

Saint Thomas expose magistralement celle distinc tion dans ses Qutesttonet quodlibetales, quodl. xi. Que la volonté divine aie certitude et n’impose point cependant de nécessité, voici comme on peut illquer. La volonté de Dieu est la cause parfaite 1 1 efficace de toutes i hoses, cai tout ie que Dieu veut. r>i< r. m nu oi ( Mien. il le fait. Cette perfection et cette souveraine efficace apparaît en ceci, que non seulement il meut et cause les choses, mais encore leur donne tel ou tel mode d’être cause à leur tour, en ce sens qu’il a assigné à chaque être le mode déterminé dont il produirait ses effets. Dès lors, puisqu’il a lui-même voulu que certains faits fussent absolument nécessaires et d’autres contingents, il a aussi établi certaines causes capables d’être des causes contingentes, d’autres au contraire qui produisent nécessairement leurs effets. Ainsi a-t-il voulu que tel ou tel effet non seulement fût, mais fût de telle ou telle manière, contingente ou nécessaire. Par exemple, il a voulu que Pierre courût, mais qu’il courût de manière contingente ; semblablement, il a voulu sauver tel homme, mais de manière que celui-ci ne perdît pas son libre arbitre. »

5° Le libre arbitre et la prédestination. — Cette question

sera reprise a’ec toute son ampleur à l’art. Phkdestination ; qu’il suffise de rappeler ici les points de doctrine relatifs à cette importante question.

1. Providence et Prédestination. —

Saint Thomas définit la Providence divine : Ratio ordinis rerum in finem, in mente divina præexislens. Sum. theol., I", q. xxii, a. 1. Ce monde n’est pas un amas incohérent de substances sans relations les unes avec les autres, sans direction vers une fin déterminée ; c’est un ensemble où chaque chose a sa place et concourt, en gravitant vers sa perfection propre, à la perfection du tout. Voir la place de chaque chose, lui assigner ses fins particulières, ordonner toutes les fins particulières, vers une fin générale, disposer, décréter, appliquer les moyens par lesquels toutes les fins sont atteintes, c’est faire acte de providence, c’est gouverner. Que cet acte providentiel soit nécessaire à une œuvre de Dieu, quelle qu’elle soit, c’est ce qu’il est impossible de nier, sans nier l’œuvre et Dieu lui-même. L’œuvre, en effet, ne subsistera pas sans ordre, l’ordre ne subsistera pas sans qu’il ait été conçu et mis en acte par le créateur même de l’œuvre. Si nous regardons le monde, si nous suivons ses mouvements et écoutons ses voix, nous serons bientôt convaincus que le plan de l’ordre qui se manifeste en toutes choses préexiste dans une intelligence supérieure, qu’une raison divine trône au sommet des existences et les dispose harmonieusement, qu’un art éternel règle tout ici-bas, qu’une volonté maîtresse administre sagement le vaste, ensemble des êtres. Bref, l’existence de la Providence divine est une vérité hors de conteste.

Or, la prédestination n’est qu’une partie, qu’un office de la Providence divine. Celle-ci embrasse dans son empire tous les êtres sans exception ; la prédestination n’a pour objet que les hommes. Encore ne comprendt -elle que ceux qui doivent arriver au (ici. car il est une autre partie de la Providence pour ceux qui s’ecaitent volontairement de leur fin dernière, et c’est la réprobation. <>n peut le dire, ce sont là deux extrêmes absolument opposés : la prédestination conduit la créature raisonnable a sa fin dernière, à celle qu’elle doit al teindre : la réprobation constate sa défection malheureuse, mais volontaire. Dieu veut la première et y travaille : voilà pourquoi elle est justement appel) e une prescience et une préparation. raison de la faute dont elle est le chàliment inévitable, Dieu ne saurait vouloir ni opérer la réprobation, il la permet seulement : et c’est pourquoi on la nomme une prescience ei une permission, c’est a dire, la permission de la défection finale de la créature raisonnable. Voir S. Thomas. De vrril.. q. m. a. 1.

2. Existence <lr lu prédestination. l a prédestination existe, à savoir, cp dessein que Dieu a formé de toute éternité de conduire certaines créatures raison nables au salut éternel. En effet, Dieu procure à un certain nombre de créatures raisonnables lei