Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/343

Cette page n’a pas encore été corrigée

671

    1. LIBERTÉ##


LIBERTÉ. PROBLÈMES THÉOLOGIQUES

672

des choses en Dieu seul, mais considéré dans son intelligence et finalement dans son essence. La possibilité interne des choses dépend donc formellement de l’intelligence de Dieu, mais elle a sa source dans son essence. S’il est question de la possibilité externe ries choses, nous affirmons avec saint Thomas qu’elle relève également de Dieu, mais de Dieu considéré dans sa toute-puissance, car tout ce qui ne répugne pas à l’existence peut exister, s’il y a une cause active qui ait la faculté d’étendre sa vertu à tout ce qui est susceptible de participer à l’existence de quelque manière. Or, une telle cause ne saurait être que l’Être dont l’existence s’identifie avec l’essence, l’Être subsistant en Dieu. Donc, les choses ont en Dieu seul leur possibilité tant interne qu’externe. Avant d’être réalisés, s’ils doivent l’être, les possibles n’ont d’existence que dans l’essence divine. C’est là que Dieu les voit et les connaît.

b) Les futuribles. —

On entend par futuribles ou futurs conditionnels des choses qui n’ont jamais été, qui n’existent pas et qui n’arriveront jamais, mais qui auraient pu se trouver dans le passé, qui pourraient exister actuellement ou qui pourraient arriver un jour, si telle condition était posée. Que cette connaissance des futuribles se rencontre en Dieu, c’est une vérité qui ne saurait être contestée et qui est, du reste, affirmée, dans la sainte Écriture. Pour l’établir, les théologiens, depuis fort longtemps, ont fait état de deux passages empruntés l’un à l’Ancien, l’autre au Nouveau Testament.

On lit, I Reg, xxiii, 9-13, que David, retiré dans la ville de Ceila et ayant appris que Saùl se préparait à venir l’y assiéger, interrogea le Seigneur : « Seigneur Dieu d’Israël, votre serviteur a entendu dire que Saïd se prépare à venir à Ceila pour détruire cette ville à cause de moi. Les habitants de Ceila me livreront-ils entre ses mains ? Et Saùl y viendra-t-il comme votre serviteur l’a entendu dire ? Seigneur Dieu d’Israël, faites-le connaître à votre serviteur. » Le Seigneur répondit : Saùl viendra. David dit encore : « Les habitants de Ceila me livreront-ils avec mes hommes entre les mains de Saùl ? » Le Seigneur répondit : Ils te livreront. David s’en alla donc avec ses hommes, qui étaient environ six cents ; et, étant partis de Ceila, ils erraient çà et là sans savoir où s’arrêter. Or Saùl, ayant appris que David s’était retiré de Ceila, ne parla plus d’y aller.

D’autre part, d’après Matth.. xi, 21, Notre-Seigneur maudit Corozaïn et Bethsaïda, deux bourgades situées non loin de Capharnaùm, sur la rive occidentale du lac de Tibériade. Les rapprochant de Tyr et de Sidon. il déclare que ces deux grandes cités païennes, profondément corrompues, se seraient converties, si elles avaient été aussi favorisées qu’elles sous le rapport spirituel. « Malheur à toi, Corozaïn ; malheur à toi, Bethsaïda ; car. si les miracles qui ont été faits au milieu de vous avaient été faits dans Tyr et dans Sidon, il y a longtemps qu’elles auraient fait pénitence dans le sac et la cendre. »

Sans vouloir entrer ici dans la fameuse querelle engagée entre thomistes et molinistes au sujet de la manière dont Dieu connaît ces futuribles, disons seulement qu’il les connaît comme il connaît tous les possibles, c’est-à-dire en lui-même, d’une façon immédiate et suivant l’être dont ils jouiraient, si la condition dont dépend leur existence était vérifiée. L’intelligence divine, en contemplant et en pénétrant jusque dans ses plus intimes profondeurs la divine essence, embrasse du même regard tous les modes possibles de sa ressemblance infinie. Par où il arrive que le regard de Dieu se porte d’abord sur son essence et, dans cette essence même, il atteint d’une façon aussi directe qu’immédiate les possibles avec toutes leurs variétés.

c) Les futurs libres. —

Si nous parlons maintenant des futurs libres absolus, Dieu les connaît comme il connaît toutes choses, et, en particulier, les futuribles. Le futur libre absolu n’est, en effet, que le futurible transféré à l’ordre d’existence avec le caractère de contingence et de liberté prévu dans cet état. Par conséquent, la science du futur libre absolu n’est autre que la science du futur conditionnel a laquelle est joint un décret de Dieu relativement à son existence. Cela même qui était connu par Dieu comme pouvant exister, il le connaît comme devant réellement exister à un moment donné. Mais ici une remarque essentielle s’impose. Dieu connaît les futurs libres absolus non pas comme futurs, mais comme présents. En effet, s’il les connaissait comme futurs, il ne les connaîtrait que comme devant arriver un jour. Donc, en ce moment, il ne les aurait pas présents devant lui, il les connaîtrait seulement dans leurs causes. Mais s’il les connaît dans leurs causes et si sa connaissance est certaine et non pas simplement conjecturale, c’est que ces événements y sont déjà contenus et en sortiront nécessairement. Les savants qui annoncent plusieurs années à l’avance une éclipse de lune, par exemple, déterminent d’une façon mathématique l’époque précise où la terre se trouvant entre le soleil et la lune, celle-ci, traversant l’ombre projetée par la terre et ne recevant pas la lumière du soleil, cesse, pendant quelques instants, d’être visible soit partiellement, soit même totalement. Mais ce phénomène dépend de causes fixes et invariables qui le produisent d’une manière aussi infaillible que nécessaire, et il suffît d’étudier ces causes pourvoir que le phénomène y est réellement contenu et qu’il ne saurait manquer d’en sortir. C’est l’exemple du futur absolu mais nécessaire.

Les actes libres ou futurs contingents n’étant et ne pouvant pas être ainsi contenus dans leurs causes, Dieu les connaît non pas comme futurs, mais comme présents. Du moment que Dieu les connaît ainsi, ils ne peuvent certes pas ne pas exister, mais cette nécessité ne nuit en rien à leur liberté, car c’est une nécessité purement concomitante. C’est, en effet, le propre de la nécessité concomitante, de ne jamais entraver la contingence de l’acte, car une chose, du moment qu’elle est, ne peut pas ne pas être : Omne quod est. dum est, necesse est esse ! Exemple : Un professeur enseigne à des élèves qui l’écoutent assis. S’il ouvre les yeux et qu’il les regarde, il les voit assis et il ne peut pas ne pas les voir assis. Il y a évidemment là une véritable nécessité, mais c’est une nécessité purement concomitante, c’est-à-dire une nécessité qui accompagne la position même de l’acte contingent. Cette nécessité où se trouve le professeur de voir ses élèves tels qu’ilsse présententdevantlui entrave-t-elle. à quelque degré, la liberté de leur posture ? Il serait ridicule de le prétendre. Eh bien ! la connaissance certaine et infaillible que Dieu possède de nos actes libres ne porte pas plus d’atteinte à leur contingence.

Notons, pour terminer, que, à raison de son objet secondaire, on a justement divisé la science de Dieu en science de vision et en science de simple intelligence. La science de vision a pour objet tout ce qui a été. tout ce qui existe et tout ce qui doit arriver un jour. Les possibles sont l’objet de la science de simple intelligence ; on sait que Molina réserve le nom de science moyenne à la connaissance des futuribles. Ce n’est pas ici le lieu de discuter la justesse de cette distinction.

Le libre arbitre et les décrets de la volonté divine.


Ici encore un simple rappel des doctrines théologiques suffira, sinon pour résoudre, du moins pour mettre au point ce problème délicat.

La volonté suit l’intelligence, et en Dieu elle a le même degré de perfection absolue. Elle a pour objet nécessaire et premier le bien divin : elle se porte libre-