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661 LIBERTÉ. NOTION, DIVISION ET ESSENCE DE LA LIBERTE

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tence, et le problème moral de la responsabilité qui lui est connexe. Pour terminer, on s’occupera de la liberté en tant qu’elle est le droit d’agir ou de ne pas agir, en d’autres termes de la liberté morale. Laissant de côté la question des libertés civiles et politiques, on discutera seulement le problème que soulèvent la liberté de conscience et la liberté des cultes.

D’où cette division de l’article :
I. Notion, division et essence de la liberté. —
II. Liberté physique ou naturelle : libre arbitre (col. 663).—
III. Problèmes théologiques que soulève l’existence de la liberté (col. 669). -
IV. Liberté et responsabilité (col. 681). —
V. Liberté morale, liberté de conscience, liberté des cultes (col. 684).

I. Notion, division et essence de la liberté. —

Notion générale.


S’il est dans la langue française un nom à tort ou à raison béni, chanté, acclamé dans les circonstances les plus diverses et parfois même les plus contradictoires, c’est assurément celui de liberté : mot magique qui électrise, soulève, transporte, enthousiasme jusqu’au délire, alors même que souvent on ne le comprend pas. — Qu’est-ce donc que la liberté? Être libre, c’est être dégagé de tout lien.

2° Divisions. —

Or, un lien peut se rencontrer dans deux ordres différents, dans l’ordre moral et dans l’ordre physique ; il ne peut enchaîner que de deux manières correspondant à ces deux ordres. Il enchaîne dans l’ordre moral, lorsqu’il impose une obligation à qui peut et doit la recevoir, et se traduit par une loi. Il assujetti ! dans l’ordre physique, quand il est le principe d’une nécessité qui enlève à la créature la possibilité de se déterminer à son choix. L’immunité du premier lien constitue ce que nous appelons la liberté morale ; de l’absence du second résulte la liberté physique. Cette dernière se subdivise en liberté de coaction et en liberté de nécessité.

La liberté de coaction repousse toute violence venanl de l’extérieur et infligée, contre son gré, à celui qui a^it. Le malfaiteur arrêté, solidement garrotté et conduit sous bonne escorte en prison ne jouit pas, et avec raison, de la liberté de coaction.

La liberté de nécessité repose tout entière sur l’immunité de tout principe intrinsèque à l’agent et le déterminant, par une sorte de fatalité, à agir toujours en dehors de son choix. Cette liberté, qui n’est qu’une propriété de la volonté, peut être considérée à un triple point de vue : au point de vue de Vacle même de la volonté, au point de vue de son objet, enfin au point de vue de la fin dernière. Il est. en effet, loisible à la volonté de poser un acte ou de s’en distraire ; c’est la liberté de contradiction qui permet de vouloir ou de ne pas vouloir. Entre les différents objets qui lui sont proposés, la olonté peut fixer son choix et marquer ses préférences ; c’est la liberté de spécification. Enfin, relativement à la fin dernière, la volonté créée a le pouvoir de se porter a ce qui l’y conduit, comme aussi de se déterminer a ce qui l’en éloigne ; c’est la liberté de nmtrariété. Libéria » voluntatis, dit saint Thomas, m tribus constderabitur ; scilicei quantum ad actum, in quantum potest Vellt vrt non rcllr ; rt iju<mtuu ml Objet tuni. in quantum jxiti < ! pcIIc hoc vel illud. et cius opposilum : rt quantum ad nrdmem fini », in quantum potest bonum vel malum, lie veritate, q. xxii. a. fi. cf. P. de Mandata, Instltutlonet phlloBophtcte, Rome, 1892, t. IV, p, tl 59. Triple manifestation d’une seule et même propriété dont l’essence tout enlière se rencontre éminemment dans la première, a savoir, la liberté de contradiction qui. comme nous l’avons dit, laisse a la olonté le choix entre le vouloir et le non vouloir. i h effet, quelqu’un est vraiment libre lorsqu’il est le maître et la 'anse de son acte. Or, celui qui peut r entn deux contradictoires, quel que soit l’objet m choix, demeure le maître < t la cause de son

Mais c’est précisément en cela que consiste la liberté de contradiction. Donc elle seule est essentielle à la liberté de nécessité, car la liberté de spécification n’est le plus souvent qu’une de ses variétés.

Dans son sens philosophique, la liberté se confond avec le libre arbitre qui, d’après saint Thomas, consiste dans le pouvoir de choisir, c’est-à-dire de préférer une chose à une autre. Le libre arbitre ne se distingue pas réellement, comme puissance ou faculté, de la volonté, pas plus, du reste, que la raison ne se distingue réellement de l’intelligence ; car la faculté qui entend ou connaît dans l’homme est la même faculté que celle qui raisonne. En d’autres termes, vouloir et choisir appartiennent à une seule et même puissance, comme connaître et raisonner sont deux actes d’une seule et même faculté. Ainsi, de même que l’intelligence perçoit les premiers principes et que la raison en déduit les conséquences, ainsi la volonté se dirige nécessairement vers sa dernière fin, qui est le bonheur, tandis que le libre arbitre, s’appliquant aux moyens, peut choisir tel ou tel de ces moyens, tel ou tel bien non nécessaire, et c’est en cela qu’il est maître de ses actes.

Essence de la liberté.


Ce choix que fait l’homme ne doit pas être l’effet d’un caprice ; c’est un acte de la volonté raisonnable, acte qui, par conséquent, doit être conforme à la saine raison. S’il s’en écarte, il ne saurait être un acte parfait de la volonté libre, pas plus que le sophisme n’est un acte parfait de la faculté de raisonner. La nature tend au vrai et au bien, et de même que le jugement erroné n’est pas une qualité mais un défaut de la nature raisonnable, ainsi l'élection vicieuse n’est pas une qualité, mais un défaut de la nature libre. Ce serait donc se tromper que de faire consister la nature de la liberté ou du libre arbitre dans le pouvoir de choisir entre le bien et le mal. Le libre arbitre est une propriété de la volonté faite pour le bien ; donc il répugne que le mal, comme mal, soit l’objet de son inclination. Si donc la volonté embrasse le mal, c’est par suite de l’imperfection du sujet dans lequel elle réside, sujet faillible par son esprit, et dont le corps suscite des tendances qui ne sont pas conformes aux tendances de la raison. Vouloir le mal, d’après saint Thomas, n’est pas plus la liberté ou une partie de la liberté, que l’action de boiter ne vient de la puissance motrice, encore que cette puissance soit requise pour que l’on boite en fait. Donc la liberté de contrariété n’appartient pas à l’essence de la liberté de nécessite. Le pouvoir de faire le mal est un indice de la liberté : il n’entre nullement dans la constitution de son essence, pas plus que la maladie ne fait partie de l’essence de la santé. H sec potestas, dit saint Thomas, est illius tantum solius in quo natura deficere potest. Nam ubi non est dejectus in apprehendendo et conjerendo, non potest esse VOluntas midi in lus qu : v snnt ad finem, sirut palet in bcatis. Et pro tanto dicitur. quod vclle malum nec est Ubertas, nec pars libertatis, quamvis sil quoddam libertalis signum. De veritate, q. xxii, a. fi.

Il en résulte cette affirmation, qui n’est paradoxale qu’en apparence, qu’empêcher quelqu’un de mal faire. ce n’est point lui enlever sa liberté, c’est au contraire le sauver de l’esclavage, selon cet te parole du Sauveur : i Quiconque commet le péché est esclave du péché. Joa., viii, .'il. C’est l’impuissance de mal faire qui assure le triomphe de la vraie liberté.

I.a liberté est réglée ou non réglée, suivant qu’on agit ou qu’on D’agil pas d’après la droite raison. Dr. ce qui est réi_'lé est hou. ce qui est lion est rai. Donc. la liberté Vraie est celle qui choisit une chose cou tonne a la raison, et la liberté fausse celle qui choisit une chose contraire à la raison. Kl comme le rai et l'être se confondent, solvant cet exlome Verutn et tnt cow » ertuntur, la libellé vraie est la liberté même, dont la liberté fausse n’est que la fiction et le masque. De la