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655 LIBÈRE. HISTOIRE SOMMAIRE DE LA Ql ESTION DE LIBÈRE 656

dans l’ordre chronologique nous permettra de marquer les étapes de la « question du pape Libère ». Nous ne signalerons d’ailleurs que les travaux les plus représentatifs.

Travaux anciens.

Nous les répartirons en deux

groupes, ceux des partisans et ceux des adversaires de l’infaillibilité pontificale.

1. Partisans de l’infaillibilité.

Au début, les critiques qui s’occupent de la question n’hésitent pas à reconnaître la faute de Libère, fout en s’efïorçanL de montrer que celui-ci n’a pas été proprement hérétique et que, d’ailleurs, sa faute ne met en cause que l’homme et non le pontife. Au cours du xviiie siècle, on constate une tendance de plus en plus accentuée à innocenter plus ou moins complètement le pape. — Baronius, Annales eccl., représente au mieux le premier de ces états d’esprit. Dans les deux premières éditions il traite l’ensemble de la question à l’année 357. Il connaît alors les trois lettres Prodei fico, Qui ascio, Non doceo par les collections canoniques, et il en accepte l’authenticité. Outre les textes d’Athanase, de Jérôme et des divers historiens, il connaît le Libellus precum avec ce qu’il appelle sa préface. Ces documents lui permettent d'écrire une histoire suffisamment cohérente. Malheureusement il ne se défie pas assez, au moins en dernière analyse, des légendes féliciennes. Le crédit qu’il a fini par accorder, un peu malgré lui, à ces textes que semblaient confirmer des découvertes archéologiques l’amène à des hypothèses compliquées. A partir de 1598, il connaît par les Fragmenta historica que vient de publier Nicolas le Fèvre la lettre Studens paci ; il la discute à l’année 352, et en rejette l’authenticité dans la troisième édition, parce qu’il croit cette lettre écrite en 352. Il ne distingue pas bien non plus la deuxième et la troisième formule de Sirmium, que Pagi arrivera à bien débrouiller. Au point de vue théologico-canonique, et par suite de la confiance trop grande qu’il accorde aux documents féliciens, il résout ainsi la question des deux papes Libère et Félix IL La « chute de Libère » a, par le fait même, dépouillé lefaillidu souverain pontificat ; dès lors Félix devient légitime, voir an. 357, n. 44 et 45 ; après la mort de Félix et la pénitence de Libère, celuici redevient pape de droit aussi bien que de fait, voir n. 58. — Sensiblement à la même date, et sans doute en dépendance de Baronius, Bellarmin résout le problème des deux papes de la même manière. De romano pontifice, 1 : IV, c. ix, édit. Vives, t. ii, p. 94-98. C’est aussi la solution adoptée par le cardinal du Perron, Réplique à la réponse du sérénissime roi de la GrandeBretagne, Paris, 1620, p. 106-107. — Les travaux d’ordre général des érudits du xvii c siècle font progresser les connaissances sur le cas de Libère ; Petau dans son édit. des Œuvres d'Épiphane, 1682, t. ii, p. 316, a une dissertation sur les conciles de Sirmium et d’Ancyre, il distingue les trois formules de Sirmium : « Si Libère, ce qui est possible, a capitulé, il n’a pu signer que la deuxième formule, celle qu’Osius a souscrite. » Il est intéressant de suivre les variations des bollandistes qui.au début, reconnaissent la culpabilité de Libère et à la fin aboutissent à l’innocenter. Au t. i d’avril, Anvers, 1675, dans la Dissertatio prævia de veteribus calalogis pontiftcum romanorum, p. xxxi, les auteurs (Henschius et Papebroch) imaginent Libère démissionnant à son départ pour l’exil, sauvegardant ainsi la légitimité de Félix. Dans le Propylée de mai, Anvers, 1685, le Conatus chronologico-historicus de Papebroch, p. 56*, s’efforce de ménager à la fois Félix et Libère. Le même Papebroch, au 2 mai, dans la Vie de S. Athanase, admet la culpabilité de Libère, la légitimité de Félix, et reconnaît, quoique avec des restrictions, le caractère authentique de la lettre Studens paci. Act. Sanct., mai, t. i, Anvers, 1680, Vie d’Athanase, n. 223-231, 251. Boschius persévère sensiblement dans

les mêmes idées, t. vu de juillet, An vers, 1731. Au 23 juillet, il tente une réhabilitation en règle de l’antipape Félix, laquelle s’appuie sur une critique sans sérénité du Libellus precum, qualifié du titre de fœtens cloaca : il complique encore, à la suite de Bianchini, l’hypothèse relative aux rapports de Libère et de Félix. .Même tendance dans la notice du prêtre Kusèbe, au 1 I août. Act. Sanct., août, t. m. Anvers, 1738, p. 166, 167..Mais Stilting, au t. vi de septembre, Anvers, 1757, inaugure la réhabilitation en règle de Libère, au 23 septembre, p. 572-632. La tactique est la même qui sera reprise par les auteurs modernes : démontrer que les Fragmenta historica ne méritent aucune confiance, rejeter l’authenticité des quatre lettres, prouver que les renseignements d’Athanase sont des interpolations, que Jérôme a été influencé par les faux mis en circulation sous le nom de Libère, que la préface du Libellus precum ne mérite aucune créance, bref établir que Libère n’a rien souscrit et qu’il n’est pour rien dans la troisième formule de Sirmium, malgré l’affirmation si explicite de Sozomène. Le cas de Félix est résolu, lui aussi, tout au rebours des solutions antérieures. Félix fut à coup sûr un intrus, mais, puisque la tradition le donne comme martyr, il faut bien qu'à un moment ou à l’autre il ait fini par reconnaître Libère, par prononcer la condamnation de Constance et des ariens, ce qui a pu lui valoir le martyre. La démonstration est conduite avec fougue et maltraite tous les « hypercritiques » qu’elle rencontre en chemin. C’est l’arsenal où peuvent se ravitailler tous les défenseurs de Libère.

Il n’est guère possible de dire jusqu'à quel point cette dissertation de Stilting a été influencée par quelques travaux antérieurs orientés dans le même sens : Livin de Meyer, Causam Liberii et concilii Ariminensis non favere sed obesse causse protestaniium, Louvain, 1719 ; P. Corgne, Dissertation critique et historique sur le pape Libère dans laquelle on fait voir qu’il n’est jamais tombé, Paris, 1726, revue et publiée en 1736. par le célèbre Languet de la Villeneuve de Gergy ; F. A. Zaccaria, Dz’sserta/i’o de commentitio Liberii lapsu, publiée pour la première fois dans l'édition, donnée par l’auteur, des Dogmata theologica de Petau, 1757.

2. Adversaires de l’infaillibilité.

Protestants d’une part, gallicans de toutes nuances de l’autre ne pouvaient que tirer parti du cas de Libère. Le protestant D. Blondel, Traité historique de la primauté en l'Église. Genève, 1641, examine la question, p. 110 sq., p. 480 sq. et conclut que Libère a certainement souscrit la deuxième formule de Sirmium. Dans le même sens, Jacobus Gothofredus, Disserlationes in Philostorgum, 1642, soutient le point de vue de l'écrivain arien ; Matthieu de Larroque, Dissertatio duplex, I. De Pholino hæretico efusque multiplici damnaiione ; IL De Liberio pontifice romano. Genève, 1670, tourne la chute de Libère contre l’infaillibilité du siège apostolique et del'Église en général. — Beaucoup, plus indépendant s des questions confessionnelles, se montrent les critiques français de la fin du xviie siècle. Tillemont, Mémoires, t. vi, Les ariens, art. 48, 67. 69, etc., et note 55 ; t. mil S. Athanase, art. 64 et note 68. s’il n’est pas tendre pour Libère, a du moins le très grand mérite d’avoir débarrassé la question des difficultés que créait la légende félicienne. Tillemont accepte l’authenticité des quatre lettres, mais est d’avis que Studens paci, composée en 352, n’a pas été envoyée à ce moment : faute d’avoir bien distingué les diverses formules de Sirmium, il ne sait trop à quel symbole Libère a donné sa signature. Ellies du Pin, Nouvelle Bibliothèque des auteurs ecclésiastiques, t. ii, p. 75. rejette Studens paci. mais croit, avec Petau. que Libère a souscrit à la deuxième formule de Sirmium. — Moins prudent. Bossuet, dans la De/ensio declarationis cleri gallicani,