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    1. LIBÈRE##


LIBÈRE. LA « CHUTE » OU LA « CAPITULATION

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trer l’inauthenticilé des lettres libériennes ; ils n’apportent aucune preuve qu’une interpolation se soit produite dans l’œuvre d’Athanase ; surtout ils ne tiennent nul compte de l’attribution à Hilaire des fragmenta historica ou plus exactement des livres Adversus V aient em et Ursacium dont l’origine hilarienne semble hors de conteste. Or, c’est ici le point capital.

Car en l’état actuel de l’hypothèse, ce ne sont pas les ariens que l’on t’ait responsables du faux. Comme le dit très bien le P. Feder, quel but aurait poursuivi l’arien falsificateur des lettres’? Dans les milieux arianisants d’Antioche, on avait fait courir le bruit que Libère avait souscrit, comme Osius, la formule anoméenne de 357. Tant qu’à imputer une défaillance au pape, ne fallait-il pas aller jusqu’au bout et lui attribuer clairement la signature de ce formulaire ? Au lieu de cela, le faussaire lui fait donner sa signature à un symbole qui se réclame de Basile d’Ancyre, le plus redoutable adversaire des anoméens. — Les ariens étant exclus, il reste, à l’extrême droite des catholiques, les lucifériens, qui, paraît-il, n’ont pas toujours reculé devant les falsifications littéraires. Mais il n’y a de parti luciférien qu’après 362 ; les fausses lettres libériennes n’ont donc pu être fabriquées qu’après cette date ; et nous voici amenés à supposer deux interpolations dans les œuvres d’Athanase, à contester l’attribution à Hilaire des fragments historiques, à faire de l’auteur de la pièce n. 1 de la Colleclio Avellana (qui n’a rien de commun avec le Libellus precum, pièce n. 2, certainement luciférienne) un écrivain défavorable à Libère, alors que, nous l’avons dit plus haut, il est nettement antifélicien, et plutôt favorable au pape dépossédé. Décidément, cette solution du problème manque d’élégance et s’alourdit de multiples démonstrations qui ne satisfont pas toutes l’esprit. Retenons la réponse la plus simple : admettons l’authenticité du témoignage d’Athanase, l’attribution à Hilaire des Fragmenta, l’authenticité des lettres libériennes qui en découle ; convenons que Jérôme, présent à Rome en 358, a pu savoir quelque chose des raisons qui ont permis au pape de rentrer dans sa capitale ; qu’il a pu savoir à Aquilée quelque chose du rôle joué par Fortunatien. Tout cela est fort bien lié. d’une grande simplicité et d’une belle élégance. C’est la solution qui paraît réunir le maximum de vraisemblance.

2. Nature exacte des concessions faites par le pape Libère. — Admise l’authenticité des lettres libériennes, la qnestion est relativement facile à résoudre. De son aveu même, Libère a souscrit deux choses : l’abandon d’Athanase, d’une part, et de l’autre un symbole de foi.

La première concession, l’abandon d’Athanase, ne tirerait pas de soi à conséquence. Dans le procès fait à l’évêque d’Alexandrie, les griefs d’ordre personnel et administratif étaient, à première vue, la chose essentielle. Que Libère, sur ce point, se soit déj ugé, cela pourrait n’avoir, en soi, rien de bien compromettant. Le seul reproche qu’on soit en droit de faire au pape, c’est d’avoir abandonné Athanase après s’être bien rendu compte, comme il l’avait reconnu lui-même, que les ennemis de l’évêque d’Alexandrie ne cherchaient à abattre en lui que le défenseur du consubstantiel nicéen. Ainsi, l’excommunication de l’Alexandrin avait comme contre-partie la reconnaissance de toute la faction qui, depuis vingt ans, poursuivait par tous les moyens la revision du symbole de Nicée. Et ceci était infiniment plus grave. Il est vrai que l’ensemble de l’épiscopat auquel se rallie finalement Libère représente une’singulière bigarrure d’opinions. Seule, la profession de foi qu’il a signée nous renseignera sur la portée exacte des concessions dont l’abandon d’Athanase n’était que le symbole.

Quelle est donc cette fides qwe Sirmio a pluribus fratribus et coepiscopis nostris traclata, exposila et suscepta est, qui, suivant la lettre Pro deifico, a été présentée par Démophile de Bérée à la signature de Libère, et que celui-ci a souscrite libenti animo comme étant vraiment catholique ? Il ne peut y avoir d’hésitation qu’entre la première formule de Sirmium (351) et la deuxième (357). La troisième, celle de 358, est certainement exclue par sa date, car, nous le dirons tout a l’heure, la « capitulation » de Libère doit se placer en 357, et nous verrons par ailleurs qu’en 358 il sera appelé à collaborer à la troisième formule dans des conditions qui lui font le plus grand honneur.

Les critiques du xviie siècle étaient encore très partagés sur la question. Voir Tillemont, Mémoires, t. vi, p. 419 et 771. Et, chose intéressante à signaler, on voit le jésuite Petau être d’accord avec le protestant Blondel et le gallican Ellies Du Pin, pour imputer à Libère la signature du formulaire de 357, c’est-à-dire du symbole de foi anoméen. Tillemont lui-même reste hésitant : « Après tout, dit-il, je ne vois rien qui nous empêche absolument de diminuer un peu la faute de Libère, mais il est peut-être plus sûr de demeurer dans le doute. » Loc. cit., p. 771.

Une appréciation plus exacte du texte narratif qui suit la lettre Pro deifico permet, semble-t-il, de trancher la controverse d’une manière définitive. Après avoir cité la lettre du pape, Hilaire, pour bien marquer le caractère de la concession faite par celui-ci, ajoute : « Or voici les noms de ceux qui avaient rédigé ce formulaire. » Suivent vingt-deux noms d’évêques. Dans plusieurs mss., la liste se termine par ces mots : requirenclum omnes hæretici ; que je comprends : « on peut vérifier : tous sont des hérétiques. Mais il ne paraît pas que cette remarque soit de la main d’Hilaire. et le P. Feder la considère comme analogue aux exclamations indignées qui interrompent la seconde partie de la lettre. Mais ceci n’a qu’une importance restreinte. L’essentiel est d’identifier les noms, ce qui est facile pour un certain nombre. Cf. Feder, Studien zu Hilarius, n. Bischofsnamen und Bischofsitze bei Hilarius. Relevons seulement les premiers : Narcisse (de Néronias), Théodore (d’Héraclée), Basile (d’Ancyre), Eudoxe (de Germanicie) Démophile (de Bérée), Cécropius (de Nicomédie), Silvain (de Tarse), enfin les deux inévitables, Valens et l’rsace, qui sont à tous les conciles de cette époque. Or, on sait que Théodore d’Héraclée était mort en 355 ; sa seule mention exclut donc le deuxième symbole rédigé en 357 ; tl’autrepart, la présence de Basile d’Ancyre nous est un sûr garant qu’il ne peut s’agir de la réunion anoméenne de 357. La seule difficulté que l’on ait pu produire, dans le passé, est tirée du fait qu’Hilaire, dans le texte narratif qualifie de perfidia un symbole dont il démontre ailleurs qu’il peut recevoir une explication orthodoxe. Nous avons répondu plus haut à cette difficulté, voir col. 649.

La première formule de Sirmium peut, en effet, être considérée à un double point de vue. En soi, elle vise Photin de Sirmium et. derrière lui, Marcel d’Ancyre. Le premier est indéfendable ; le second, bien que réhabilité à Sardique, sera lâché un jour par Athanase lui-même. Pour le moment, en 351. en condamnant ces personnages, on pensait bien atteindre Athanase. l’ami de Marcel, et Vhomoousios nicéen. considéré comme susceptible d’une interprétation sabellianisante. Le texte de 351 ne fait d’ailleurs que reproduire la quatrième formule du synode d’Antioche. dit In encœniis, de 341, où l’on ne voulait pas de bien à Athanase. Textes dans Hahn, Bibliothek der Symbole. 3e édit.. § 160 et 156. Tous deux rentrent dans cette série de formulaires eusébiens que l’on proposa, durant vingt ans, de substituer au Symbole de Nicée. et d’où