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LIBÈRE. LA « CHUTE o OU LA « CAPITULATION


seigne sur les origines du symbole de Sirmium, qualifié par Libère au cours de la lettre de fides catholica et que le texte appelle tout crûment une perfidia. Il ne faut pas se hâter, nous l’avons dit plus haut, col. 639, de traduire perfidia, sans plus, par hérésie : c’est tout au moins quelque chose qui n’est pas conforme à l’orthodoxie scrupuleuse. Cette remarque a son importance. Nous dirons en elïet qu’il est certain, d’après la liste ici donnée des auteurs de la formule incriminée, qu’il ne peut s’agir que de la première formule de Sirmium, de 35t. Or, dansle Desynodis, Hilaire a proposé de ce texte une interprétation orthodoxe. C. xxxviii sq., P. L., t. x, col. 509 sq. Comment, a-t-on dit, Hilaire peut-il qualifier en 360 de perfidia une profession de foi qu’il s’ellorce en 358 de ramener à l’orthodoxie ? On en a conclu à l’inauthenticité du texte narratif, et dès lors de l’épître qu’il encadre. — C’est aller un peu vite en besogne. Rien que l’énoncé de ces deux dates, 358, 360, aurait dû taire réfléchir les critiques. En 358, au plus lort de la réaction homœousienne contre les arianisants trop compromis, Hilaire, avec infiniment de raison, s’efforce d’éviter tout ce qui pourrait compromettre les bonnes relations avec Basile d’Ancyre. Il met l’accent sur tout ce qui peut unir, il glisse sur ce qui peut diviser. En 360, après les tristes événements de Rimini, Séleucie, Niké et Constantinople, dans l’état d’exaspération dont témoigne VAdversus Constanlium, il peut juger sévèrement la formule de 351, l’appeler une trahison, perfidia ; elle l’est en un sens, puisqu’elle consacre l’abandon de l’homoousios nicéen ; elle l’est surtout parce qu’elle est le premier anneau de cette chaîne de capitulations successives qui aboutiront à l’arianisme officiel de Rimini-Séleucie. Et qu’un pape, qui s’est montré d’abord le ferme défenseur de l’orthodoxie, puisse appeler fides catholica un document suspect par ses origines, suspect par son contenu, voilà qui est bien fait pour justifier le mot d’Hilaire : l’erfidiam quam dicit J.iberius catholicam, lu surit qui conscripserunt.

La lettre Pro deifico ne présente par ailleurs aucune trace d’inauthenticité ; son contenu se raccorde bien, tant aux renseignements fournis par Athanase, .Jérôme, la Collectio Anellana, qu’aux données des autres lettres. Nous la considérons donc comme un document émané de la plume du pape Libère. Nous aurons seulement à préciser plus loin l’exacte portée des concessions dont elle fournit le témoignage.

b. !.n lettre Qw BCJO vos. Feder, p. 1 7* >-l 72. adressée aux évêqueS illyriens Ursace (de Singidunum), Valens (de Murs.n. Germinius (de Sirmium), se meut exactement sur le même plan que la précédente. Celle-ci n’avait pas opéré immédiatement tout l’effel attendu. S’adressanl aux trois évêques qui étaient le plus en faveur ; i la cour de Sirmium. le malheureux pape les supplie d’intercéder pour lui auprès de l’empereur. Dans l’entourage du souverain, on avait trouvés ans doute que le pape avait mis du temps à signifier aux orientaux son abandon d’At hanase. Son retard, dit la lettre, s’explique par les négociât ions qu’il a d’abord

VOUlu mener pour faire rappeler d’exil et les légats

qu’il avait jadis envoyés A la cour (A Milan sans doute

les évéques déportés à ce moment-là. Expli ns confuses et embarrassées, a ton dit. Il

ce n’est pas d’ordinaire sur le mode triomphal que l’on

palinodie. Et si l’on admet une capitulation

de l Ibère, au début de 357, on comprend assez tout le

que le pauvre pape se donne pour apporter un lanl d< cohérence A une conduite qui n’en pri’aleltre’Soji doi i o enfin, feder. p. 172-1 73, rentre

très i.ien dans la série des événements que nous « mn ir ailleurs. Elle est adressée ; i ce même

ouc dont |adl collusions de

celui-ci à Arles, Libère avait désapprouvé la conduite -Cf. Jafïé, n. 210. Après lui avoir brièvement rappelé les peines qu’il soutire, le pape croit devoir lui indiquer en peu de mots qu’il a pris enfin son parti d’abandonner Athanase et d’entrer en communion avec les orientaux. Maintenant qu’il est en paix avec tout le monde, il n’a plus qu’un désir, celui de rentrer à Rome. Que Vincent réunisse les évoques de Campanie, les mette au courant de tout et leur suggère d’adresser une pétition à l’empereur, de quo possim et ego de tristitia liberari. On n’a rien objecté de sérieux contre l’authenticité de ce document ; il est pauvre de style et lamentable de fond. N’est-ce pas vraiment ce qui convenait en la circonstance’? Par ailleurs, Sozomène parle d’une ambassade d’occidentaux qui, en 358, arriva à Sirmium. Ne serait-ce pas celle dont Libère dans sa lettre suggérait l’envoi’?

En résumé, l’examen interne des quatre lettres expressément attribuées par Hilaire au pape en exil ne révèle rien qui soit de nature à les faire considérer comme apocryphes, puisque dans l’ensemble les événements qu’elles rapportent nous sont relatés par ailleurs en des documents qui semblent bien n’en pas dépendre. D’autre part, la comparaison stylistique de ces pièces avec d’autres lettres certainement libériennes, loin de leur être défavorable accuse une très nette parenté d’expressions. Voirie détail dans Feder, Sludien : u Hilarius von Poitiers, i, p. 175-178. L’hypothèse la plus simple, la plus vraisemblable, consiste donc à les regarder comme émanées de la plume du pape Libère.

Il est vrai que, dès le XVIIIe siècle, l’on a imaginé une hypothèse toute différente. Si elle pouvait se démontrer, elle innocenterait définitivement le pape. Elle procède exactement à l’inverse de la marche que nous avons suivie. Nous avons commencé par recueillir dans les écrivains contemporains de Libère la preuve que ce pontife eut. à un moment donné, un instant de faiblesse : et. pour établir ce point, nous n’avons fait aucun état des lettres libériennes et du texte narratif qui les encadre. Les auteurs dont nous parlons, Hefele, M. Saltet..Mgr Batiffol, à la suite de Stilting dans les Acta Sanctorum, au 24 septembre, commencent par démontrer (ou par admettre comme démontrée’) l’inauthenticité des lettres. Ces pièces sont des faux qui, pour en avoir imposé de très bonne heure aux catholiques, n’en valent pas mieux pour cela. Fabriquées pour faire croire A une capitulation du pape, les quatre lettres ont été connues de.lérôme qui leur a emprunté sa notice sur la chute de Libère (Chronique) et sur le rôle de Fortunatien (Dr vir. M.) ; elles ont été recueillies sans méfiance par l’excerpteur des Fragmenta historien, lequel n’a rien à faire avec Hilaire. Tout ceci est postérieur de plus de vingt ans aux événements et ne saurait aller à (’encontre des témoignages qui sont favorables à Libère. Reste, il est vrai, la déposition si explicite nii’nn lit dans 1’/ / istoria niiunonmi d’At hanase et dans [’Apologie du même auteur. Mais tout tend A prouver qu’il s’agit là d’Interpolations introduites dans les œuvres primitives qui n’en portaient pas trace. E1 pour ce qui est de la pièce n. I de la

Collectio Avellana, œuvre de parti et du parti même

qui est vraisemblablement responsable de la mise en circulation des faux libériens, son témoignage est à tenir pour non avenu : il se confond en réalité BVCC celui des lettres mêmes dont le cai.i’l’ie, q>ocrplic

démontré. En résumé, Libère est un calomnie, et la démonsf ration qu’on lent <ic résumer, n’a d’aut re but que de le réhabiliter pleinement

Nous ne pouvons soiv l ater dans le détail

une hypothèse qui paraît actuellement en recul manifeste. Les divers auteurs qui l’ont successivement perfectionnée n’ont pas réussi, nous semble ! il. A démon