Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/331

Cette page n’a pas encore été corrigée
647
648
LIBLRL. LA « CHUTE » OU LA « CAPITULATION


qui ont été faites pour refuser au pape la paternité des quatre épîtres incriminées sont parties du fait, considéré comme reconnu par tous, de l’inauthenticité de Simiens paci. On a dit : Studens paci est certainement apocryphe ; les trois autres lettres forment bloc avec elle et doivent dès lors être rejetées comme elle.

Or, L. Duchesne et le P. Feder ont montré que les raisons invoquées par tant de critiques depuis le xvii c siècle pour rejeter l’épître Studens paci ne sont pas péremptoires.

Autant que l’on peut restituer la contexture du IIe’livre de l’Adversus Vulentem et Ursacium d’Hilaire auquel notre texte est emprunté, l’ouvrage, destiné à raconter l’histoire des conciles de Rimini-Séleucie, mettait d’abord en évidence l’attitude qu’avait eue le pape Libère à l’endroit d’Athanase, et signalait les gestes qu’il avait faits pour ou contre, l’évêque d’Alexandrie. La lettre Studens paci venait en tête, non pas nécessairement parce qu’elle aurait été écrite au début du pontificat, mais parce qu’elle témoigne de sentiments que Libère aurait manifestés à cette époque. Pour la reconstruction du livre, voir Feder p. 191-192.

La lettre est adressée à tous les évêques de l’Orient. Le pape y explique qu’il a reçu les missives que ces prélats avaient envoyées au pape Jules sur la question d’Athanase. Par désir de la paix et de la concorde des Églises et pour suivre les traditions, il a envoyé à Alexandrie deux légats avec mission d’enjoindre à l’évêque de venir s’expliquer à Rome ; faute de quoi il serait séparé de la communion de cette Église. Les légats, à leur retour, ont annoncé le refus de l’évêque de comparaître. Le pape, dès lors, se rapportant aux termes de la lettre des orientaux, déclare séparer Athanase de la communion de l’Église romaine et vouloir rester en union avec tous les évêques de l’Église catholique. Feder, p. 155.

Il est trop évident que, si cette lettre était censée écrite au début du pontificat de Libère, elle constituerait un grossier anachronisme. Tillemont, qui la suppose authentique et écrite à ce moment même, est obligé d’admettre qu’elle n’a pas été, pour diverses raisons, publiée à cette date, mais plus tard seulement. Qu’on la suppose écrite au commencement de l’année 357, à Bérée, à une époque où Libère, fatigué de son exil, s’efforce de se concilier la bienveillance de l’épiscopat oriental, et tout s’éclaire. La lettre raconte, et en ce point elle est sincère, les hésitations qu’a d’abord manifestéesle pontife romain à l’endroit du cas d’Athanase. Voir ci-dessus col. 632. Elle glisse très vite sur les années qui suivirent immédiatement, et durant lesquelles le pape est resté fidèle à l’évêque d’Alexandrie. Mais enfin, en dernière analyse, denique, Libère se résout à se rallier au sentiment de l’ensemble de l’épiscopat, entendons les orientaux et les occidentaux, cum omnibus vobis et cum. uninersis episcopis Ecclesiæ catholicse.

Et ceci n’est pas une hypothèse désespérée ; elle est immédiatement suggérée par le texte narratif dont Hilaire fait suivre la lettre. Passons sur l’exclamation ironique, sur le sens de laquelle il est bien impossible de se méprendre : « Quid in his lilteris non sanctitatis, quid non ex metu dei ereniens est. O lettre pleine de sainteté et tout inspirée par la crainte de Dieu (par opposition évidemment à la crainte des hommes à laquelle Libère sacrifie) ! » Mais, continue Hilaire, elle n’atteignit pas son but ; les deux évêques Potamius de Lisbonne et Épictète de Centumcelhe (dont on constate par ailleurs la présence simultanée à Sirmium en 357), ne voulurent rien entendre (les deux prélats arianisants et bien en cour ont dû remontrer à l’empereur que les concessions de Libère étaient Insuffisantes). L’évêque Fortunatien, ami du pape, essaya bien d’inté resser à sa cause un certain nombre de collègues ; il n’aboutit à rien. La suite du texte narratif, d’ailleurs fort difficile à comprendre, semble faire allusion à la lettre des quatre-vingts évoques égyptiens, que cite Libère dans sa lettre à Constance, Jaflé, n. 212, Feder, p. 89-93 ; le texte était sans doute destiné àl’introduire. Ainsi entendus, la lettre Studens paci et le texte narratif qui l’accompagne ne présentent aucun critère interne d’inauthenticité. Supposons-la écrite parl.ibère au début de 357, elle énonce simplement le fait qu’à celle date le pape, revenant à ses premières préventions contre la personne d’Athanase, rompt la communion avec lui et entre en rapports avec les évêques qui ont condamné le vieux lutteur. Hélas ! à ce moment, c’est presque l’unanimité de l’épiscopat. En d’autres termes, après une vingtaine de mois d’exil, Libère renonce à la courageuse attitude qu’il avait maintenue jusque-là. Mais, à cette date, cette concession inextremis ne le sauve pas, comme l’indique le texte narratif ; il devra aller plus loin, et c’est une capitulation ultérieure que vont enregistrer les lettres suivantes.

b) Le groupe des trois autres lettres. — Leur authenticité est admise par un grand nombre de critiques catholiques, à commencer par Baronius ; et, pour le dire en passant, je ne comprends pas comment unaa pu écrire : < Les chercheurs catholiques sont Kniger nimes à les considérer comme inauthentiques. Art. Liberius dans Protest. Realenc, t. xi, p. 453, 1. 57. La démonstration de cette authenticité a été faite en ces dernières années par L. Duchesne et le P. Feder d’une façon qui ne laisse rien à désirer.

Toutes trois sont introduites par un texte narratif que nous avons déjà signalé, où Hilaire oppose à la première attitude du pape, si pleine de résolution et de courage, la triste défaillance que le désir de voir cesser son exil finit par lui arracher.

a. La lettre Pro deifico, Feder, p. 168-170, adressée aux évêques orientaux se relie très logiquement à la précédente Studens paci. — Libère, à qui l’on a dû objecter, au reçu de celle-ci, qu’il avait mis quelque délai à se séparer d’Athanase (le denique était venu bien tard M, s’efforce d’expliquer ses atermoiements. Il avait été arrêté par la considération de la sentence rendue par Jules, son prédécesseur. Mais depuis, au jour où il a plu à Dieu, la lumière s’est faite dans son esprit, il a compris la justice de la sentence des orientaux, il s’y est rallié : et il a rédigé une lettre que Fortu natien a portée à la cour.et qui lui a notifié la condamnation d’Athanase. Il répète donc qu’il se sépare de la communion de celui-ci et qu’il veut entrer en relations ecclésiastiques avec tous les évêques d’Orient. Et. pourbien montrer ses sentiments, le pape ajoute qu’il a souscrit une profession de foi arrêtée à Sirmium et que lui a soumise Démophile, évêque de Bérée. Cette profession, il l’a souscrite de tout cœur : hanc ego libenti animo suscepi, in nullo contradixi, consensum accommodai’i, hanc sequor, hœc a me tenetur. La lettre se termine sur une larmoyante requête : que l’on veuille bien faire en sorte que son exil prenne fin et qu’il puisse retourner au siège qui lui a été confié par Dieu.

Le passage où Libère annonce qu’il a signé la profession de foi de Sirmium est, dans le ms., haché d’interruptions où s’exprime la colère de celui qui transcrit cette triste défaillance : anathema libi a me dictum Liberi ; ilerum tibi anathema et tertio, pr.vraricator Liberi. I ! n’y a pas de raisons suffisantes pour considérer ces interruptions comme étant le fait d’Hilaire (l’une d’elles l’exclut formellement : sanctu.s Hilarius illi anathema dicil !) : elles peuvent être le fait d’un copiste postérieur, ou de l’excerpteur qui avait rassemblé ces fragments.

Par contre, on ne peut guère refuser à Hilaire la paternité du texte narratif qui suit. Celui-ci nous ren-