Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/32

Cette page n’a pas encore été corrigée
49
50
LAXISME. LA QUERELLE DU LAXISME EN FRANCE


bonne forme et gardent en leurs registres les procurations des curés d’un grand nombre de villes les plus considérables du royaume. » Journal, ibid., p. 412. Voir l’Avis de MM. les curés de Paris a MM. les curés des autres diocèses de France sur le sujet des mauvaises maximes de quelques nouveaux casuistes, ibid., p. 326.

Le 10 octobre 1656, les délégués des curés de Paris demandaient audience à l’Assemblée du clergé (qui durait depuis 1655). Mais il semble que celle-ci ait vu d’un assez mauvais œil cette action concertée du clergé de second ordre. Elle se montra plutôt surprise du caractère insolite de la démarche des curés, et hésita à s’engager. A lire le procès-verbal, fort sommaire d’ailleurs, de ses délibérations, on a l’impression que les curés firent vite figure d’accusés, et qu’ils durent fournir de leur attitude des explications qui leur semblèrent pénibles. Notons d’ailleurs qu’il s’agissait beaucoup moins du fond du débat que du caractère d’une démarche, qui donnait ombrage aux prélats de l’Assemblée. Voir Collection des procès-verbaux des Assemblées générales du clergé, Paris, 1770, t. iv, p. 230-233. Le Journal des curés pallie comme il peut cette déconfiture : « L’Assemblée, dit-il, nomma NN. SS. l’archevêque de Toulouse et les évêques de Montauban, de Coutances, de Vannes et d’Aire pour faire droit sur la requête des curés et sur leurs extraits. Ces propositions parurent si horribles à tout le monde, qu’on s’attendit d’en voir bientôt une condamnation célèbre, et on l’aurait obtenue en effet, si le grand nombre qui s’en trouva et le peu de loisir qu’avait alors l’Assemblée… n’en eussent ôté le moyen. »

Mais la question était soulevée, et il n’était pas possible que l’Assemblée semblât donner par son silence une approbation même tacite à la nouvelle casuistique. Elle décida de faire imprimer les Instructions pastorales de saint Charles et de les faire répandre dans le clergé paroissial « avec une lettre circulaire à tous NN. SS. les prélats, qui servirait de préjugé de leurs sentiments et comme d’un commencement de condamnation de toutes ces maximes en général en attendant que le temps s’offrît de la faire plus solennelle. » Journal, loc. cit., p. 412-413. C’est de ce précédent que s’autorisera Bossuet en 1700 pour demander la démarche de l’Assemblée du clergé dont nous parlerons plus loin. Le texte de la lettre circulaire dans l’édit. de Pascal de la collection Les grands écrivains de la France, t. vii, p. 260-262.

Les curés de Paris ne laissaient pas cependant de continuer leur campagne. Ils arrêtaient les termes d’un Second avis ou Lettre de MM. les curés de Paris h MM 1rs aires des autres diocèses de France, à quoi ils Joignaient’un Extrait du premier tome tn-folio de la nouvelle théologie d’Fscobar et de quelques autres casuisles. Par un singulier retour des choses, Pascal, dans la xvi* Provinciale, empruntait aux extraits des curés quelques-unes de ses citations, en particulier’celle du cistercien Caramuel relative au droit que l’on aurait de se défendre par la calomnie si l’on était injustement attaqué et dépourvu de tout autre moyen.

3. « L’Apologie pour les casuistes. » — Il va de soi que les accusés no pouvaient laisser passer sans riposte d’aussi vives attaques. Aujourd’hui et à distance du théâtre de la bataille, il nous est facile de dire que leur tactique manqua pour lors d’habileté. Il semble que le plus avisé, et en même tempa le plus loyal, eût été d’abandonner a leur malheureux sort les propositions Meneuses signalées par les adversaires, au besoin même les casuistes qui les avaient avancées, Un examen, même rapide, « les livres de théologie morale, suffisait a montrer que dam l’ensemble les adversaires de la Casuistique axaient vu juste. Sans don le dans l’énorme masse de solutions inattaquahles produites par les casuistes. ils étaient allés dénicher les quelques dou zaines qui prêtaient le plus à critique. Il aurait fallu leur concéder d’emblée que, sur ces quelques points, ils avaient raison, mais affirmer aussi que, pour ces erreurs regrettables, il n’était juste de condamner ni la casuistique en général, ni la doctrine de la probabilité en particulier, ni l’institut religieux qui avait fait de ces règles les directives de son action. Un jour viendra, mais ce sera vingt ans trop tard, où les Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe sur les lettres au Provincial du P. G. Daniel remettront avec une infinie courtoisie, beaucoup de finesse dialectique et un grand talent littéraire, la discussion sur son véritable terrain. Le malheur voulut que la Compagnie de Jésus, tout spécialement visée, ne trouvât point en 1657 un écrivain de conscience et de talent à opposer au vigoureux polémiste des Provinciales. Les réfutations se multiplièrent ; nous ne pouvons les énumérer toutes ; on en trouvera l’indication et des extraits à leur place chronologique dans l’édition de Pascal de la collection Les grands écrivains de la France, Paris, 1914, t. iv-vi. Mentionnons seulement les réponses du P. Nouet, intitulées les Impostures, qui paraissaient après chacune des Provinciales. Mais il faut s’arrêter un peu plus longuement à l’Apologie pour les casuistes.

Au moment où se produisit ce petit livre, décembre 1657, il semblait que la polémique fût sur le point de s’apaiser. La xviiie et dernière Provinciale avait paru le 24 mars 1657 ; par ailleurs les curés de Paris, qui en juin s’étaient résolus à présenter une requête aux vicaires généraux, avaient, devant les difficultés rencontrées, à peu près renoncé à leur dessein ; une trêve tacite se pratiquait entre les deux camps, quand ce malencontreux libelle vint de nouveau compromettre la paix.

Il était longuement intitulé : L’apologie des casuistes contre les calomnies des jansénistes : où le lecteur trouvera les vérités de la morale chrétienne si nettement expliquées, et prouvées avec tant de solidité, qu’il lui sera aisé de voir que les maximes des jansénistes n’ont que l’apparence de la vérité, et qu’effectivement elles portent à toutes sortes de péchés, et aux grands relâchements qu’elles blâment avec tant de sévérité, par un théologien et professeur en droit canon, 191 p. in-4°. On sut bientôt que l’auteur était le P. Pirot, un jésuite de la maison professe de Paris. Dès le début il énonçait clairement son dessein : réfuter les calomnies dont les jansénistes noircissent la profession de casuiste, et répondre à ce qu’ils opposent contre les principes généraux de la morale. Sous 54 ruhriques il énumérait ensuite selon l’ordre des Provinciales, les objections des adversaires de la casuistique, et faisait suivre chacune de la réponse qu’il jugeait appropriée ; le tout dans un style lourd, trivial, parfois grossier. Bien loin d’abandonner les solutions les plus scabreuses de ses prédécesseurs, l’apologiste, avec une lourdeur sans exemple, semblait prendre à tâche d’aggraver leur cas. Qu’il suffise de mentionner à titre d’exemple l’attitude prise par lui dans la question de l’homicide. Pascal, avec infiniment de raison, avait mis l’accent sur la défense qui existe de droit naturel et de droit divin, d’attenter à la vie du prochain de notre propre autorité ; non sans un peu d’emphase peut-être, il avait, fait, remarquer que le droit de vie et de mort que s’arroge la société ne pouvait lui venir en dernière analyse que d’une délégation divine. L’apologiste répliquait : « Si vous ne Justifiez pas mieux que vous avez, fail Jusqu’à présent, que c’est par une expresse permission de Dieu que les souverains ôtent la vie aux méchants ; si c’est là seule lumière de la raison qui a conduit les grandes me chics, qui ont gouvernétout le monde, dans la punition des malfaiteurs : souffrez que nous nous servions de la même raison naturelle pour juger si une personne parti’CUlttn peut tuer celui qui l’attaque non seulement en