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6Il LIBÉRALISME CATHOLIQUE. ENSEIGNEMENTS DE LÉON XIII 612

Le cardinal Kampolla, nommé secrétaire d’État en avril 1887, devait être l’instrument puissant et convaincu de cette politique.

3. Léon XIII et le libéralisme religieux.

Le pape ne voulait prendre parti ni pour tes intransigeants ni pour les libéraux ; il concevait un parti où tous fusionneraient, orthodoxe, mais pratiquement orienté, quoique avec mesure, dans le sens de la pensée moderne, c’est-à-dire du libéralisme religieux. Il s’applique d’abord à cette tache « En 1882, le Moniteur de, Rome était fondé sous les yeux du Saint-Père, contre le Journal de Rome à qui l’on reprochait de trop marcher sur les traces del’Univers. » Mgr Baudrillart, Vie de Mgr d’Hulst, t. ii, p. 1(>. Mais déjà le pape s’est efforcé de gagner à son plan discrètement l’épiscopat français. Les évêques libéraux, Thomas de La Rochelle, Meignan de Tours, Guilbert de Gap, qui ont été de la minorité au concile du Vatican, et Lavigerie, qui a voté avec la majorité, sont tout acquis. Les plus influents parmi les autres il les mande à Rome. Il leur expose ses vues de telle façon qu’il faut les partager. Pie, qui va être cardinal, le cardinal de Bonnechose, qui avait été au concile l’un des chefs du tiers-parti finalement rallié à la majorité, entendent le même conseil et en avertissent clergé et fidèles. Cf. Baunard, Vie du cardinal Pie, t. il, p. 656-659 ; Besson, Vie du cardinal de Bonnechose, t. ii, p. 296. Les catholiques libéraux répondent évidemment à cet appel. Ils osent parler de nouveau. Conestable, commentant dans le Correspondant du 25 janvier 1881, sous ce titre. L’Église et les formes de gouvernement, la protestation de Léon XIII contre « les décrets », attaquait les doctrines de Bonald, exaltait les doctrines de Ketteler et de Lacordaire, enfin voyait, dans la phrase de Montalembert, « la liberté réglée, contenue, ordonnée, tempérée, la liberté honnête et modérée », un commentaire anticipé du Syllabus. S’ils dépassent la mesure toutefois, ils sont arrêtés, ainsi le P. Didon. Dans la préface de son livre Indissolubilité et divorce, Paris, 1880, celui-ci soutenait sans nuances la thèse du libéralisme catholique : l’accord entre l’Église d’une part, la société et l’État moderne de l’autre est parfaitement possible ; les catholiques n’ont qu’à séparer leur cause des partis déchus ; l’État n’a qu’à se tenir dans le seul rôle religieux qui lui convienne, la neutralité. Et il ajoutait : « La constitution belge est-elle une hérésie ?… si elle n’est pas hérétique, si Léon XIII en recommande le respect aux catholiques, qui donc oserait condamner ceux qui acceptent un régime de liberté ? » Et, dans ses conférences de carême, il étudiait, dans les mêmes dispositions, les conditions d’un accommodement entre l’Église et la société moderne. Mandé à Rome par ses supérieurs, il fut exilé au couvent de Corbara.

Mgr d’Hulst surtout fut l’interprète intelligent de la pensée du pape. Pour la défendre et la répandre, il entreprit, « d’accord avec le cardinal Lavigerie, plusieurs évêques et quelques hommes politiques », entre autres Chesnelong et Keller, de rendre la vie au Monde qui se mourait, 1883. Sa pensée précise se trouvera résumée par lui-même dans deux articles que publia le Monde les 19 et 26 août 1884, et qui devinrent une brochure sous ce titre : Les divisions des catholiques. En tant que thèse ou comme doctrine, disait le prélat, le libéralisme politico-religieux a été condamné par l’Église, mais la tendance, l’esprit libéral ne l’est pas et lui seul peut à l’heure présente servir l’Église. Que les catholiques donc renoncent à leurs divisions, les uns à ce libéralisme qui tend « à énerver l’énergie du bien », les autres à ces anathèmes perpétuels qui provoquent la haine et nullement la crainte. Que les uns et les autres se laissent emporter par un courant nouveau. Cf. Baudrillart, loc. cit., p. 10-19.

Les revues et journaux libéraux, le Correspondant,

la Défense, le Français, hautement désireux « de servir l’Église par les procédés et avec les idées qui leur paraissent convenir à leur temps », ibid., p. 10, n. 1, s’efforcent d’entrer dans ces vues ; il n’en est pas ainsi des journaux intransigeants, de Univers surtout. Vainement, dans son encyclique Xobilissima Galtorum gens, du 8 février 1884, Léon XIII invitait les catholiques à l’union ; l’Unioers parut ne vouloir négliger aucune occasion de maintenir les divisions antérieures. Jules Morel y dénonce, comme entaché de libéralisme, l’ouvrage de l’abbé Bougaud : Le christianisme et les temps présents ; le chanoine Maynard y attaque la Vie de Mgr Dupunloup de l’abbé Lagrange avec une si violente injustice que la majorité de l’épiscopat s’en émeut. Veuillot y discute même certaines paroles de l’encyclique du 8 février. Le 4 novembre 1884, Léon XIII intervenait encore ; dans un bref au nonce, Mgr di Rende, il rappelle qu’il n’appartient pas aux laïques de gouverner l’Église, et il presse les journalistes de renoncer à « leurs polémiques passionnées, à leurs attaques contre* les personnes, à leurs accusations et récriminations incessantes ». Au nom du souverain pontife, Mgr Lavigerie, avertissait {’Univers qu’il était visé par cette lettre et qu’il méritait de l’être. Cf. Tournier, Le cardinal Lavigerie et son action politique, Paris, p. 196-200. Enfin, en 1885, après qu’Anatole Leroy-Beaulieu eut publié, sans être blâmé, le livre bien connu, Les catholiques libéraux, où il louait la doctrine des Montalembert, des Lacordaire et des Dupanloup et en montrait l’opportunité persistante, quelques affaires, en particulier, l’affaire Pitra, montraient la volonté de Léon XIII, plus nettement encore.

A ce moment, expliquait Mgr d’Hulst, Monde du 23 juin, les catholiques de tous les pays, étaient divisés, mais avec des variantes locales, en zelanti et en modérés, ceux-là très difficiles à satisfaire. Or, tandis qu’en France, l’Univers ne cessait de critiquer plus ou moins ouvertement les tendances pratiques du nouveau pontificat, en Espagne le Siglo futuro blâmait « les complaisances diplomatiques du nonce Mgr Rampolla et du Saint-Siège » ; à Rome, le Journal de Rome, que dirigeait des Houx, attaquait également les idées de conciliation. Le Siglo et le Journal de-Rome furent publiquement blâmés par l’autorité pontificale. Or, le cardinal Pitra, l’un des cinq cardinaux désignés par Léon XIII, en décembre 1884, pour étudier les affaires de France et la question de la presse catholique, ayant trouvé dans le folio informalive de sa commission des menaces vigoureuses contre la presse violente et l’Univers en particulier, jugea l’occasion bonne d’intervenir. Le 4 mai 1885, interrogé par le prêtre hollandais Brouvers, directeur du journal l’Amstelbode sur la portée des blâmes qui avaient atteint le Journal de Rome, Pitra. qui patronnait ce journal, répond par une lettre où il exalte comme des martyrs les écrivains blâmés, affecte de confondre avec Lamennais, Renan et Loyson, Lacordaire, Montalembert et Dupanloup, et, jugeant le pontificat de Pie IX, parle de la décadence présente. Cette lettre paraît le 19 mai dans le Journal de Rome, en même temps qu’une lettre de Mgr Freppel à la louange de des Houx. Sur le conseil de Lavigerie, le cardinal Guibert envoie à Léon XIII une lettre d’hommage auquel adhère la majorité de l’épiscopat français, 4 juin. Le pape y répond par une lettre de 19 juin où il affirme le droit du Saint-Siège de juger des contingences et d’indiquer à l’Église la voie à suivre. Cf. Battandier, Vie du cardinal Pitra, Paris. 1893 ; Lecanuet. loc. cit., p. 286294 ; Baudrillart, loc. cit., p. 19-25.

4. Les encycliques concernant le libéralisme religieux.

— Il fallait sortir de cette situation, et pour ton-