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605 LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LUTTES D’IDÉES SOUS PIE IX

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ni entamer, ni intimider, les évêques libéraux, français pour la plupart, sentant leur impuissance, s’entendent pour une action commune avec les étrangers qui leur avaient fait écho précédemment à propos de l’infaillibilité, si éloignés qu’ils soient d’eux sur d’autres questions.

Ce n’est pas ici le lieu d’étudier en détail les manœuvres diverses auxquelles l’on recourut de part et d’autre ; mais il faut signaler un article de Montalembert qui, paraissant au plus fort des polémiques, eut pour le catholicisme libéral des suites assez fâcheuses. Irrité par un article de V Univers, 14 février 1870, où Veuillof tournait en dérision « antidéfinitionnistes et antiopportunistes et en réponse à cette question : Comment concilie-t-il son ultramontanisme antérieur avec son gallicanisme d’aujourd’hui ? il publie, le 7 mars, dans la Gazette de France, une lettre où il répond : L’ultramontanisme de 1870 ne ressemble guère à l’ultramontanisme de 1847, pas plus que le Pie IX de 1870 ne ressemble au Pie IX de 1847. Et, s’appuyant sur un passage d’une lettre que lui écrivait, le 10 septembre 1853, Mgr Sibour, il continue : « Qui pouvait prévoir l’enthousiasme de la plupart des docteurs ultramontains pour la renaissance du césarisme, les harangues de Mgr Parisis, les mandements de Mgr de Salinis et surtout le triomphe permanent de ces théologiens laïcs de l’absolutisme, qui ont commencé de faire litière de toutes nos libertés… devant Napoléon III, pour venir ensuite immoler la justice et la vérité, la raison et l’histoire, en holocauste, à l’idole qu’ils se sont érigée au Vatican. > Lecanuet, loc. cit., t. m. ]>. 467.

Plus désastreuse encore pour le bon renom du catholicisme libéral fut l’intervention du comte Daru, ministre des affaires étrangères dans le cabinet formé h- 2. janvier par E. Ollivier. Catholique libéral de l’école du Correspond/ml, Daru débuta sans doute par quelques paroles de neutralité, mais il était personnellement trop pénétré des idées de son parti, trop au courant des événements conciliaires par les correspondances venues de Rome, trop porté a les Interpréter dans le sens de ce même parti. pour ne pas en appuyer les représentants au concile. Or, les 10 et 12 février, le Gazette d’Attgsbowg et la Gazette, de i" Allemagne du Suit publiaient la première, In vingt et un canons, la seconde, l’analyse du Schéma eonstitutionis dogmaiica de Ecclesia Christi, proposé le 21 février aux Pères du concile, après que l’opposition eût faii renvoyer devant les commissions le projet des constitutions De flde, De sede episcopali, De vita et honutate clericorum, De paroo catechismo, où L’âme moderne et les droits de l’épiscopat ne lui semblaient issez ménagés. Le projet De Ecclesia, établissant l’indépendance de l’Église et ses droits de société parfaite, dépositaire du pouvoir divin d’enseigner, de sanctifier, de gouverner en planant au-dessus de tous les pouvoirs humains, heurtait, avec les vieilles prétentions du gallicanisme parlementaire et du césarisme,

les principes accept es sans nuances et comme des thèses absolues par les sociétés modernes. Et, en proclamant

que le pape a un plein et supièine pou voir de juridiction sur l’Église universelle, un pouvoir ordinaire et Immédiat sur toutes les Églises.en précisant ainsi

que II Iglise se concentrait en son chef, ce projet irrila

linte d’une annihilation de l’épiscopat et d’un

pouvoir pontifical absolu. Une clameur de réprobfl

ti’.n s’éleva dans l’Europe entière. dil g. Ollivier

il, i. n. p. i"i. i nements s’inquiétèrent,

i >èi le 26 |anvier, Mur Darboy avait appelé l’atten tion de Napoléon III sur ce projet. Après avob écrit

Il est diffil Ile de soutenir que le concile ait les appa

-’le la liberté, Indiqué la lutte comment ée au tour de l’infaillibilité, il ajoute : < On vient de nous

remettre un projet concernant l’Église en général, le pape en particulier et les principaux rapports entre les deux autoritéscivile et religieuse. A première vue, la tendance paraît excessive… » et il conclut. « Je me demande si l’intérêt général, l’intérêt de la société religieuse et civile n’exige pas qu’on nous vienne en aide. » Ibid., p. 94.

Mais, déjà. Daru avait manifesté sa volonté d’agir : l’heure semblaitpropice. Le 20 février.il fait parvenirà l’ambassadeur de France à Rome une note comminatoire relativement au schéma De Ecclesia, où il revendique le bénéfice de l’article 16 du concordat, en l’espèce, la communication de tous les documents soumis au concile, et le droit pour la France d’avoir au concile un ambassadeur chargé de ses intérêts. En même temps, il invitait les puissances chrétiennes à une action commune dans le même sens. Mais contredit par le chef du ministère, Ollivier, qui jugea toute intervention injustifiée et celle-ci inopportune, en outre, mal soutenu par l’empereur toujours hésitant et préoccupé de l’opinion, il ne fut pas suivi par l’Europe. Le 19 mars, Antonelli lui répondait : « La France n’a pas à s’effrayer de ce projet, car ce n’est qu’un projet : il ne dépasse en rien les droits propres de l’Église ; il ne menace en rien les droits propres des États et des gouvernements ; d’ailleurs, ses relations avec Rome ne sont-elles pas réglées par un concordat, dont l’article 16 cependant n’a pas le sens qu’on lui prête. mais cela importe peu. »

Que faire après cela ? Le gouvernement français pouvait menacer de retirer ses troupes (on a injustement accusé les évêques libéraux, et en particulier Dupanloup, de lui avoir donné ce conseil) ; il préféra l’envoi à toutes les puissances d’un mémorandum daté du 6 avril, qui les invitait à une action commune sur le concile pour l’amener à respecter « les droits et les libertés de la société civile ». l.a pièce fut remise au pape par l’ambassadeur de France, le 22 avril, avec prière de la transmettre au concile. Toutes les autres puissances appuyaient. Antonelli était inquiet. mais Pie IX se refusa à la communication demandée : Le concile devait être libre. En fait, il l’était redevenu. Le 10 avril, Daru aux applaudissements de la presse ultramontaine avait donné sa démisssion ; Ollivier le remplaçait provisoirement. Ce dernier déclare avoir été sollicité d’agir et par la majorité et par la minorité, mais il était résolu à la non-intervent ion. Aux intransigeants, il refusa de retirer le mémorandum ; aux libéraux, de continuer la pression commencée. I.a France s’arretant, les autres puissances se turent. Les opposants n’eurent plus à compter « pie sur eux-mêmes. Cf. Ollivier. L’Église et l’État, t. u. p. 99-242, et appendice m. p. 556-566.

A quelque temps de là. alors que les polémiques allaient croissant autour du concile qui continuait l’examen du schéma De romano pontiflee, Darboj intervenait à nouveau auprès de Napoléon III. S’appuyant sur la brochure. Ce ÇUt se passe an concile, il lui demandait de rappeler son ambassadeur et de ne laisser à Home, pour le moment, que le premier

secrétaire de l’ambassade. Le rappel serait une sanction des mesures précédemment adoptées, n’engagerait pas le gouvernement dans une lui te et poui tant serait ici d’un grand effet. Mais Ollivier qui, le 26 mai. avait écrit a l’ambassadeur : Notre responsabilité est pleinement sauvegardée par les avertisse

mentS que nous avons donnés ; nous devons laisser

le s.iini Siège en présence de la sienne, i répondait le il iiim a l’archevêque Voilé pus de trente ans que l’unique effort de l’épiscopat Français est de se séparer de l’État, pour tout remettre entre les mains de Rome… lis lois organiques, anciennes coutumes. tout a été loir dans notre main. Notre seule arme.