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    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LE LIBÉRALISME MODÉRÉ

Digne, Sibour, un ancien collaborateur de l’Avenir : « L’État ne peut plus être aujourd’hui que le protecteur de la liberté de l’Église, » donc l’Église doit s’entendre avec les peuples devenus maîtres de leurs destinées, et les reconnaître comme tels. Pie IX avait approuvé. Lecanuet, op. cit., p. 310-317. C’était ensuite le P. Ventura, le plus éloquent mais aussi le plus libéral prédicateur de Rome, que Pie IX chargeait de prononcer l’éloge funèbre d’O’Connell, mort a Gênes, le 15 mai 1847 ; le 28 juin, Ventura faisait comme discours une véritable manifestation de libéralisme catholique.

En Italie, deuxeourants nationaux et libéraux tentèrent d’entraîner Pie IX : la Jeune Italie, société secrète, section de la Jeune Europe, révolutionnaire, ennemie de l’Église et radicale, qui veut faire de l’Italie une république unitaire et démocratique. Son chef, Mazzini, écrira le 8 septembre 1847 à Pie IX : « Si j’étais auprès de vous, je prierais Dieu de me donner la puissance de vous convaincre. L’unité italienne se fera avec vous ou sans vous ; » d’autre part le Risorgimento, qui demande aux souverains de s’entendre pour assurer l’indépendance de l’Italie, de s’unir en une fédération pour lui donner la seule unité qui lui contienne et d’assurer à leurs peuples des institutions libérales. Les prophètes de.ee mouvement sont Gioberti, Balbo, d’Azeglio, dans des ouvrages bien connus. Ils étaient catholiques, voulaient le maintien du pouvoir temporel ; mais ils demandaient au pape d’introduire dans ses États les réformes modernes, même la liberté de conscience. Beaucoup de prêtres faisaient partie du Risorgimento, Gioberti lui-même était prêtre et théologien ; mais il y avait une différence profonde entre ces libéraux italiens et les libéraux catholiques français : ceux-ci se plaçaient surtout au point de vue de l’Église, de ses droits et de sa mission, et ceux-là au point de vue politique et national ; les Français toujours prêts à se soumettre à l’autorité pontificale, et les seconds désireux plutôt de la soumettre à leur direction. Gioberti, sentant de l’opposition dans les milieux religieux, s’en prit aux jésuites, les accusant d’hostilité envers Pie IX parce que libéral. Il écrivit contre eux l’énorme pamphlet : // Gesuita moderno, 5 vol. in-8°, Lausanne, 1847 ; cf. Lenormant, Opère di Vincenzo Gioberti : il Gesuita moderno, dans le Correspondant, 10, 25 août et 10 octobre 1847 ; finalement il prit position contre les partis catholiques de France, de Belgique et d’Irlande ; cf. la Pairia de Florence du 20 novembre et le Correspondant du 10 décembre 1847, et même contre Pie IX, cf. Cantu, op. cit., traduction Lacombe, t. xii, p. 272. Ce mouvement libéral allait mettre Pie IX dans une situation difficile.

3. La révolution de 1848 : catholicisme et démocratie.

— L’Europe s’acheminait vers une crise, et ce fut encore la France qui donna le signal. La révolution de février fut avant tout démocratique ; elle faillit même devenir démagogique et socialiste. L’Église, contrairement à ce qui avait eu lieu en 1830, traversa cette crise sans en souffrir et même avec profit. Évidemment, l’attitude des catholiques libéraux était pour beaucoup en cela : ils avaient lutté contre le pouvoir déchu pour la liberté de tous.

Tous, d’ailleurs, évêques, chefs de parti Journalistes, se rallièrent en termes nets. Le 27 février, l’archevêque de Lyon ordonnait à son clergé de reconnaître ostensiblement la République et, le 3 mars, en des termes qui rappelaient l’idéal où l’Avenir s’était souvent complu, il disait à ce clergé qui avait justement aimé L’Avenir : « Vous formiez souvent le vœu de jouir de cette liberté qui rend nos frères des États-Unis si heureux. Cette liberté vous l’aurez. » L’Univers du 27 février redisait cette thèse que l’Ami de la reli gion avait jadis reprochée aux catholiques libéraux : « La théologie gallicane a consacré exclusivement le droit divin des rois. La théologie catholique a proclamé le droit divin des peuples, » et il ajoutait : « Que la République française mette enfin l’Église en possession de cette liberté que partout les couronnes lui refusent, il n’y aura pas de plus sincères républicains que les catholiques français. » Montalembert, lui, ne faisait aucune opposition à la République mais se défiait de la démocratie ; il proposait seulement aux catholiques libéraux de se tenir, comme auparavant, sur le seul terrain religieux : « Nos droits, nos devoirs, nos intérêts restent les mêmes. » Lagrange, op. cit., p. 402/ En revanche, Lacordaire, entraîné par Ozanam et l’abbé Maret, s’occupait de fonder un journal catholique, libéral et démocratique, l’Ère nouvelle, qui, dès son premier jour, le 15 avril, saluera dans la révolution l’œuvre de la justice divine, « le dernier terme de tous les progrès sociaux ». Après les journées de juin. Dupanloup rachètera l’Ami de la religion pour répondre aux excès de l’Ère nouvelle qui disparaîtra bientôt, et pour se maintenir dans la ligne du passé.

Le même mouvement démocratique se dessina plus ou moins dans toute l’Europe. Sauf en Italie, il fut plus utile que nuisible à l’Église. Sans parler de la Suisse où, deux années auparavant, s’était affirmé un mouvement démocratique, catholique sans compromission, et pleinement ultramontain, qui avait été brisé avec le Sonderbund, en Allemagne, où le mouvement intellectuel catholique qui avait suivi 1815 et l’affaire de Cologne avaient provoqué une réaction puissante, la Révolution introduisit, ou à peu près, le régime belge de la liberté de l’Église. De la constitution de Francfort, l’article passera dans la constitution prussienne de 1850. L’Autriche entrera bientôt, elle aussi, dans la voie de concessions et abandonnera le joséphisme. En Italie, les choses prirent une moins heureuse tournure. Tandis qu’échouait le mouvement national par les défaite de Charles-Albert, à Rome le parti républicain et anticatholique prenait le dessus ; Pie IX fuyait à Gaëte et la république romaine était proclamée, novembre 1848, février 1849 ; tandis qu’en Piémont, sous le nom de libéralisme, une politique hostile à l’Église était inaugurée.

4. La réaction. En France, l’expédition de Rome et la liberté d’enseignement. — Comme la France avait donné le signal de la révolution, elle donna le signal de la réaction avec l’élection à la présidence de Louis-Napoléon et les élections à l’Assemblée législative. 10 décembre 1848-13 mai 1849. Sans renier leurs tendances libérales, les catholiques entrèrent dans le parti de la réaction ou de l’ordre que forma la crainte du socialisme et de la démagogie et ils obtinrent, d’une part, que la France prît rang parmi les nations catholiques, qui rétablirent le pouvoir temporel (prise de Rome, 30 juin 1849) et le vote de la loi longtemps désirée sur la liberté d’enseignement, loi du 15 mars 1850 ou loi Falloux.

A l’Assemblée constituante, le ministre Carnot avait pris l’initiative d’un nouveau projet de loi, dont Jules Simon avait préparé le rapport ; mais la Constituante se dispersa avant de L’avoir discuté. Entré dans le ministère Odilon Barrot, le premier de Louis-Napoléon, en décembre 1819, pour y servir la cause catholique, le légitimiste Falloux proposa, sous l’inspiration de Dupanloup, et lit aecepterpar l’Assemblée législative, avec l’appui de Thiers, une loi de transaction qui était bien dans l’esprit du catholicisme libéral. Deux choses avaient fait échouer tous les projets antérieurs : l’opposition des libéraux à reconnaître aux congrégations le droit d’enseigner et l’opposition des catholiques à reconnaître à L’Université, autrement dit à l’IOtat. un droit quelconque sur les écoles ecclé-