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    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LAMENNAIS ET L’AVENIR

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Or, le 7 février, paraissait dans la gallicane Gazette de France, ennemie connue de l’Avenir, une lettre du P. Ventura aux rédacteurs de ce journal. L’Avenir la publia le 9. Ibid., t. iii, p. 6-10. Ultramontain et libéral, comme Lamennais, son ami depuis 1824, le religieux n’attaquait pas, dira l’Avenir du 8 février, t. iii, p. 4, en annonçant l’événement, « le fond des doctrines », mais « nos principes politiques, ou du moins, l’application que nous en faisons à l’ordre de choses actuel ». "Ventura reproche en effet à l’Avenir « la tendance qu’il semble avoir prise depuis un mois » de « prêcher la révolution au nom de la religion et d’en faire l’expression d’une pensée catholique », d’exalter la souveraineté du peuple au sens démocratique, dans un article « faux, absurde, ruineux, qui lui paraît renfermer tous les principes subversifs des trônes, de la société, de la religion même », de « s’extasier devant la révolution de Juillet, pendant qu’on est environné des ruines qu’elle a accumulées », et comme si « par la nouvelle charte la religion devait être affranchie ». La Belgique montre bien ce que l’on peut attendre de la révolution : elle n’a fait » que changer de joug ». Et il demandait à l’Avenir un désaveu. Cette fois, « la dissidence » entre Ventura et l’Avenir était tombée dans le domaine public ; les ennemis du journal se hâtèrent de l’exploiter : « On verra comment à Rome on juge la direction politique de ce journal, » dira la Gazette de France, 7 juillet. Irrité de cette arme donnée à ses ennemis, Lamennais publia le 12 février une Réponse à la lettre du P. Ventura d’un ton assez vif. T. iii, p. 30-42. Il y démontrait sans peine que l’article incriminé (de Rohrbacher) sur la souveraineté du peuple, dont il rapproche un autre article du même auteur, du 30 janvier 1831, Mission du peuple français t. ii, p. 310-347, loin de reproduire les erreurs de .lurieu et de Rousseau, les rejetait expressément et reproduisait l’enseignement des grands théologiens. Il repousse de même, rappelant qu’il a écrit, le 6 janvier, « la révolution la plus juste, même quand elle réussit, traîne après elle de longues et pesantes calamités », l’accusation d’exalter en quelque sorte la révolution pour elle-même et de s’extasier devant la révolution de Juillet ». Il ne peut s’empêcher toutefois de saluer en elle le commencement d’une magnilique régénération, el de déclarer que le catholicisme doit attendre beaucoup plus des peuples que des rois », Le Il février, Henri de Mérode.Robiano et Vilain XIII I protestaient contre les assert ions de Ventura relatives au sort de l’Église dans la Belgique affranchie ; le 16, l’Avenir insérait leur protestation, n. 125, l) cla ration belge contre la assertions du P. Ventura. Ce fut la fin de la controverse, mais l’impression subsista, et fui exploitée, que Rome désavouait l’Avenir. t ne approbation officielle du pape pour la Déclaration du ti février, était de pins en plus nécessaire. Le X mars une note de I’venir annonçait que celle déclaration venait d’être expédiée à Rome par m< voie Mire. Axant quinze jours eihgéra déposée aux pieds

du souverain pontife. le’i août, aucune réponse

n’était encore parvenue, et pressé par d’odieuses manœuvres. l’Avenir annonçait ce jour-là : Noire déclaration a été déposée aux pieds du souverain pontife par un cardinal (Welld) l’as un avertissement, pas un mot qui pût faire soupçonner nue désapproba tion ne nous « si parvenu du Saint-Siège, et l’on pensera sans doute que, s’il eût trouvé quelque chose de répréhensible, il n’eût pas hésité A nous le faire sa voir. T. v, p. 176 Mai* cette explication plusieurs fois répétée ne trompa personne, et l’idée s’établit que l’Avenir était condamné à Rome. Suspension de V Avenir, t. mi. p. I

5° L’appel à Rome et 1rs décisions <iu Saint-Siège, Cette suspicion dont l" ioenlr se sent entouré le con traint alors à une démarche qui amènera sa condamnation.

1. Suspension de V » Avenir », 15 novembre 1831, et voyage de Rome. — « Nous ne nous abandonnerons pas nous-mêmes. Nous faisons dès aujourd’hui cette protestation… Nous la porterons, s’il le faut, à la ville des apôtres, aux marches de la confession de Saint-Pierre, et on verra qui arrêtera sur la route le pèlerin de Dieu et de la liberté. »

Ainsi se terminait l’appel de Lacordaire : Aux évêques, du 25 novembre 1830. Or, un an après, cette parole devenait réalité. L’Avenir ne pouvait continuer à vivre en face d’un épiscopat hostile, dans le silence inquiétant de Rome. Lamennais proposa « de supprimer l’Avenir et de dissoudre l’Agence ». Boutard, Lamennais, t. ii, p. 253 etn. 1. Mais Lacordaire tenait à son idée. Il proposa, et Lamennais accepta, de se rendre à Rome pour y plaider la cause du libéralisme catholique, avant de prendre une décision. A eux s’adjoindrait Montalembert. Durant leur absence, l’Avenir serait suspendu ; l’Agence continuerait son action et publierait un bulletin qui serait adressé à ses membres ainsi qu’aux abonnés du journal.

En France, selon la prophétie de l’Avenir, gens du juste milieu, libéraux « destructeurs de croix », légitimistes et gallicans, triomphèrent bruyamment, surtout l’Ami de la religion, Boiltard, t. ii, 257, n. 1, et, en Belgique, les journaux orangistes, Journal des Flandres, 12 décembre 1831. « Tout le monde aujourd’hui l’avoue, rien de plus imprudent et de plus dangereux que cet appel. » Lecanuet, Montalembert, t. i, p. 273. Les appelants envisageaient bien l’hypothèse d’une condamnation : « S’il (le pape) nous condamne, nous serons heureux de pouvoir nous justifier par notre obéissance », mais, au fond, ils comptent sur une approbation et c’est la victoire. « Et si nous sommes condamnés ? » avait dit Montalembert. « C’est impossible, » répondit Lamennais. Lecanuet, ibid., p. 272. — Or, si Rome pouvait négliger les plaintes de Metternich, cf. Dudon, op. cit., p 118, ou l’interdiction de l’Avenir dans les Etats de S. M. Sarde, à partir du 1 er janvier 1831, il lui était difficile de se mettre en contradiction avec la quasi-unanimité de l’épiscopat français, tout gallican qu’il fût. Cet épiscopat n’avait pns tous les torts. Sans doute il n’y avait pas à prendre au tragique l’article du Globe, 2 janvier 1831, sur Lamennais, à la mort de Pie VIII : « Cet homme s’est placé de lui-même en tête de l’Église ; il est le vrai chef de l’Église, et le conclave, en proclamant son nom, ne ferait que consacrer un événement depuis longtemps accompli ; mais Lamennais et ses colla borateurs, quelles qu’aient été leurs dispositions intimes, parlaient souvent comme si, en dehors d’eux, il n’y avait ni vérité, ni salut, et au nom de Dieu pour le monde entier. Au monde entier, ils proposaient, en effet, une nouvelle organisation politique et sociale, celle-là même pour laquelle s’él nient faites, depuis 1789, Ion tes les révolutions et, la veille encore, celle des Légations contre le pouvoir ih pape. Ils demandaient même a l’Église de prendre la tête de ce mouvement qui devait briser les troncs et celui de son

chef, de modi lier ses relai ions avec les gouvernements, noncer volontairement à ses droits de société divine pour n’être plus qu’une société de droit coin mun, et d’abaisser la vérité reçue de Dieu au niveau « les opinions et même des erreurs venues de l’homme.

Ilprésentaient, cela est vrai, ces renoncements comme des nécessités Imposées par l’état des cho mais cet état, Ils le donnaient aussi comme un progrès sur le passé, comme la maturité de la société succédant a son enfance, comme l’Idéal commençant réaliser Sans doute, ils affirmaient que l’Église ne pei

(Irait lien a 1 < ! <1 1 < nouveau et que cet ordre la cou-