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    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LAMENNAIS ET L’AVENIR

Même alors, il faut craindre les révolutions, car « ces secousses, violentes traînent après elles inévitablement tant de troubles et de souffrances ! » T. iv, p. 282. Ce sont « des puissances de dissolution ». Humainement, mieux vaudraient les moyens légaux, mais parfois la Providence décide autrement et use des révolutions pour hâter le progrès de l’humanité. T. v, p. 261.

3° Les luttes de Y « Avenir ». — La hardiesse du programme présenté par l’Avenir explique les oppositions que ce journal va rencontrer aussi bien de la part du monde politique que du monde religieux.

1. L’opposition de la presse et du monde politique. L’ « Agence générale. » — Dès son apparition, l’Avenir se heurta à une forte opposition de presse. Ne cessent de le contredire, d’un côté les organes légitimistes et gallicans : la Gazette de France, la Quotidienne, surtout l’Ami de la religion ; d’un autre, les journaux soidisant libéraux, partisans avec des nuances diverses de la révolution récente, mais ou hostiles à l’Église, autant qu’aux Bourbons, le Temps, les Débals, le National, le Constitutionnel, ou défiants à son endroit, le Courrier français. Le Globe, devenu l’organe des saintsimoniens, continuait à avoir une attitude à part. D’accord avec V Avenir pour juger « rationnelle », étant données les circonstances, la séparation de l’Église et de l’État, et venue l’heure d’une régénération religieuse et politique du monde, il contestait que l’Église fût capable de cette tâche. « La majorité des Français, » avait dit le Prospectus de l’Avenir, « veut sa religion et sa liberté. » Sans doute, mais dans le pays une minorité avide de désordre ne cessait de manifester son hostiJité envers l’Église. Sous l’inspiration parfois des fonctionnaires publics, souvent avec leur appui et presque toujours avec impunité, l’on voyait couramment ceci : croix de mission abattues, églises servant aux exercices de la garde nationale ou ouvertes de force à des cadavres auxquels les prêtres refusaient leurs 1 prières, séminaires envahis, curés violentés dans l’exercice même de leurs fonctions. Un lieutenant général faisait emprisonner un capucin et un trappiste parce qu’ils portaient leur costume religieux, un autre menaçait de faire arrêter comme « vagabonds » les prêtres qui, pour n’être pas insultés, ne porteraient pas leur uniforme ; un préfet, celui des Vosges, comparait dans une circulaire, telle partie du clergé « à des animaux immondes qui cherchaient à déraciner l’arbre dont les fruits bienfaisants les ont nourris ». Cꝟ. 1 er février 1831, Procès de P « Avenir », t. ii, p. 404407 ; 8 février, Plaidoyer de M. l’abbé Lacordaire, t. ii, p. 511-512. Enfin le gouvernement, uniquement soucieux de limiter la révolution à un changement de dynastie, pratiquait tout simplement la politique religieuse que souhaitait l’opposition libérale sous la Restauration. S’il ne persécutait pas violemment l’Église, il ne pensait pas à l’affranchir, et ne lui ménageait pas les vexations

L’Ayeni’r accepta vaillamment tous ces combats pour les droits de « Dieu et de la liberté », attaqués, méconnus, oubliés. Mais persuadé qu’en un tel combat, dans un tel milieu, l’effort isolé est impuissant, il essaya d’organiser « l’action commune ». Lamennais lança l’idée, soutenue par de Coux. Cf. t. i, p. 151-155, 159-163, 217-223, 264-270. Lamennais reprend le plan de l’Association pour la défense de la religion catholique (1828), mais il l’élargit. A la « confédération » qu’il projette, il donne comme but la défense de l’ordre et de la liberté, et il appelle non seulement tous les catholiques mais tous « les honnêtes gens », quelles que soient leurs opinions politiques et même leurs croyances religieuses, leur situation sociale. Ce ne sera pas un parti politique. « L’un préférera la monarchie, l’autre penchera pour la république, mais tous unis dans l’amour de l’ordre, » et par conséquent obéissant « au seul gouvernement qui, dans les circonstances présentes, puisse maintenir peut-être la tranquillité publique, se porteront secours et assistance pour défendre au besoin leurs droits naturels, leurs libertés communes », et les conquérir, s’il le faut. Évidemment, pareille alliance n’est faite que pour « préparer, hâter un meilleur avenir ». Les confédérés » useront de la liberté de la presse, proclamée par la charte, du droit électoral, — mais il faut imposer aux candidats des volontés précises, — du droit de pétition ; enfin « qu’ils aillent se fondre dans cette admirable garde nationale, qui marche au milieu de nous, disait de Coux, comme la raison vivante et armée du pays Pour être vraiment puissante, cette « confédération devait être organisée. Lamennais lui donna pour cadre la commune et le département : Chaque commune aura son comité qui correspondra avec un comité central établi au chef-lieu du département. » Dès le 22 novembre, l’A mur annonça la fondation de l’.lssocialion catholique des Vosges, qui déclare professer les principes dont l’Avenir et le Correspondant sont les organes ». Le 13 décembre, est annoncée une Association patriotique et populaire du département de la Moselle, ses statuts ont une tendance égalitaire et sociale très marquée. Ils se donnent, en effet, entre autres buts : « de hâter les progrès de la raison publique, d’améliorer la condition morale et physique de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre, » et ils parlent de poursuivre « l’abolition de toutes les distinctions arbitraires contraires à l’égalité ; l’abolition de toutes les lois conçues dans l’intérêt de certaines classes de la société, au détriment des classes pauvres et laborieuses ». Ibid., t. i, p. 415-419.

Le 18 décembre, l’Avenir donnait le prospectus et les statuts d’une Agence générale pour la défense de la liberté religieuse, siégeant à Paris, dirigée par un conseil de sept membres, Lamennais, président, Bailly de Surcy, de Coux, Gerbet, Lacordaire, Montalembert et Salinis, et qui devait « servir de lien entre toutes les associations locales, destinées à lutter contre toutes les tyrannies qui attaqueraient la liberté religieuse ». Elle entend ne s’occuper directement, en effet, que d’affaires religieuses — ce qui touche au libre exercice du ministère ecclésiastique, aux libertés d’enseignement et d’association — tel est son domaine propre. En fait, elle s’occupera aussi de la liberté de la presse. L’Agence devait poursuivre à ses frais « devant les chambres et devant tous les tribunaux les faits contraires à ces libertés qui lui seraient dénoncés par ses membres. L’associé donateur fournissait une cotisation annuelle de 10 francs. Quelques modifications et compléments furent ajoutés à cette organisation. Un huitième membre, d’Ault du Mesnil, puis un neuvième, l’abbé Combalot, entrèrent au conseil directeur : on lui adjoignit aussi un comité consultatif de sept jurisconsultes ; enfin, dans les derniers mois de 1831, trois membres du conseil se partagèrent la correspondance et l’action : dans l’ensemble de Coux eut l’Ouest et le Centre, Lacordaire, le Nord et l’Est. Montalembert, le Midi, et pareillement la correspondance avec l’étranger, de Coux prit la Belgique, Lacordaire, la Suisse et l’Italie, Montalembert, l’Allemagne et l’Irlande. Cꝟ. 25 septembre 1831, Agence générale. Extrait du rapport sur les opérations du premier semestre, avril-octobre 1831, t. vi, p. 341-348, et après la disparition du journal, Rapport sur les opérations du second semestre de 1831 (octobre-décembre), daté du 1° février 1832, t. vii, p. 381-393. Le mouvement s’étendit : des associations se fondèrent à Nantes, à Marseille, à Strasbourg, à Cahors, à Albi : des journaux de province soutinrent la programme de l’Avenir, le Courrier lorrain, le Correspondant de Strasbourg (en allemand), le Bcrruijer, la Gazette du Nivernais, le