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    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LAMENNAIS ET L’AVENIR

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bation du Saint-Siège ; jusque-là nul prêtre n’a isolément le droit de refuser son salaire, nul ministère n’a le droit de refuser de le payer, nul écrivain catholique n’aurait celui de provoquer une telle violation d’engagements sacrés », l’Avenir du 8 décembre 1830 répond qu’un évêque, le clergé d’un diocèse, un prêtre isolé même ont le droit de renoncer au traitement de l’État. « Un accident, un mot, un élan, un évêque, un simple prêtre, peuvent sauver l’Église de France, et nous nous soucions peu de ces idées systématiques qui ne mènent à rien et qui lient la pensée dans un embarras inextricable de lois ou de convenances imaginaires. » Sur la suppression du salaire ecclésiastique, t. i, 0.390, 391.

Une chose embarrassa davantage l’Avenir. Ce fut dans la Lettre adressée, en date du 13 décembre, aux Membres du Congrès national de la Belgique, par S. A. C. le prince de M éan, archevêque de Matines « pour les engager à garantir à la religion catholique cette pleine et entière liberté, qui seule peut assurer son repos et sa prospérité », le passage où ce prélat demandait un traitement pour le clergé comme la juste indemnité des biens abandonnés par l’Église à l’État, 23 décembre 1830, t. ii, p. 11. Le 24 décembre, l’Avenir disait : « Le seul point sur lequel M. l’archevêque de Malines ne soit pas d’accord avec nous, est relatif au traitement du clergé. » Il expliquait ainsi cette différence d’attitude : La nation belge est foncièrement catholique ; peu lui importe de pourvoir à son culte d’une façon ou d’une autre. « C’est toujours la nation qui honore son culte… » La France au contraire est divisée. Les incrédules paient l’impôt du culte comme les croyants, cet impôt est donc odieux ; il affaiblit l’Église « parce qu’on suppose que sans lui l’Église périrait ». Ensuite, « les catholiques belges ont une position patriotique, et on ne profitera pas de leur traitement légal pour les asservir. » Ils veulent, en plus, des garanties. Mais en France ! — Enfin, « l’Église belge donnerait un plus bel exemple si elle renonçait à ce dernier lien avec l’État… et nous croyons qu’elle n’y perdrait rien. L’or de l’Egypte devint funeste dans le désert aux Hébreux fugitifs. » Sur la lettre de l’archevêque de Malines, ibid., p. 14, 15.

I. Le droit commun ou les libertés communes pour le clergé. — La séparation suppose aussi que le clergé acceptera le droit commun ou, comme s’exprime plus souvent l’Avenir, les libertés communes. Le Courrier français ayant rappelé « à cette portion du clergé que représente l’Avenir », qu’être libre, ce n’est point « s’affranchir de la loi commune et imposer aux autres sa loi particulière » ; nous le savons, répond l’Avenir, le clergé veut entrer dans la loi commune, ne plus être régi par des ordonnances et une législation spéciale, privilégiée. T. i, p. 362. Déjà, le 23 octobre, il avait demandé l’abrogation des articles du Code pénal concernant le clergé et qui le soumettaient à une législation d’exception. T. i, p. 100-104. Plus tard, à cette question qu’avait posée le Correspondant ; l’autorité civile a-t-elle le droit de s’opposer au mariage d’un prêtre catholique ? l’Ami de lareligion ayant répondu : il en a le droit, l’Avenir, protesta : Si la séparation existe, dit-il, « la loi religieuse est séparée de la loi civile, » et le prêtre, aux yeux de la loi, n’est qu’un citoyen. Du mariage civil des prêtres, ibid., p. 435-139. Enfin, la Chambre des députés ayant agité et résolu il en a le droit cette question : Pépiscopat peut-il être un titre à la pairie ? l’Avenir, approuva le député de Grammont « dans la personne duquel la religion et la liberté avaient fait une alliance qui ne s’était jamais démentie », d’avoir protesté, au nom de l’une et de d’autre, contre l’idée d’attacher un privilège politique à l’épiscopat.Comme citoyen, l’évêque peut être appelé à la pairie, s’il peut y être élu et s’il l’est ; comme

évêque, il n’a droit à rien dans l’ordre politique. T. vi, p. 453-455.

g, La réforme intellectuelle de l’Église. — « Tout se tient dans l’homme », et il y a « intime connexité entre la religion ou la forme du vrai, la politique ou la forme du juste, et la littérature ou la forme du beau. L’Église qui doit assurer l’unité des intelligences doit donc prendre la direction des esprits et de la science, comme inspirer la politique. Or, un préjugé tenace, créé par le despotisme gallican, accepté par les théologiens, « confondant les abus avec l’usage », aussi bien que par les ennemis de la religion, particulièrement au xviii c siècle, a séparé de la religion, la philosophie et la littérature, comme la liberté, et fait passer le christianisme pour « un obstacle au mouvement et au progrès de l’humanité ». Il faut détruire ce préjugé. « Catholiques, il s’agit pour votre religion de vaincre ou de mourir ; brisez ce préjugé fatal. Prêtres, reparaissez au milieu des nations qui vous ont méconnus, le sceptre intellectuel à la main. » De la liberté en littérature (deux articles), t. ii, p. 24-30, 95-100.

Mais pour ressaisir la direction des intelligences, l’Église doit adapter son enseignement à leurs exigences. Lamennais avait déjà exposé des vues semblables, dans son livre, Des progrès de la Révolution, organisé selon elles les études à Malestroit ; il les reprend dans l’Avenir. Mais il ne fait pas sienne la phrase déjà citée du Globe, 2 janvier 1831 : « Le dogme chrétien n’est plus en harmonie avec les besoins moraux, intellectuels et matériels des sociétés modernes.

Il faut se souvenir de deux idées souvent exprimées dans l’Avenir : l’humanité évolue comme l’être humain et sous la poussée chrétienne elle vient dépasser, pour ainsi dire, à l’âge d’homme. D’autre part l’Église, « en demeurant immuablement la même, » revêt successivement, cela est de son essence, soit dans l’intelligence de l’homme, soit dans la société, des formes diverses à mesure que l’une et l’autre se développent sous son influence. Ainsi « le dogme invariable revêtait nécessairement une forme nouvelle dans l’intelligence développée de Bossuet, ou était mieux conçu de lui que lorsqu’il bégayait dans le premier âge les éléments de la doctrine chrétienne. » Et, de même que l’Église doit modifier « ses modes de relation avec la société selon le progrès » de cette société, de même elle doit lui approprier son enseignement. Qu’on l’entende bien : il ne s’agit pas de transformer « le mode selon lequel l’esprit possède l’infini, ou foi, mais le mode selon lequel il possède le fini… conception, science. » Cf., art. Lamennais, t. viii, col. 2515, 2516.

Or, « la science catholique est à créer. » Le Moyen Age ne l’a pas créée ; « il négligea l’étude indispensable des phénomènes ; » puis « l’École n’admettait que les procédés purement logiques, elle tuait par cela seul toute invention et ne pouvait produire qu’une science verbale, abstraite et vide. » Sa méthode eût-elle été bonne, il se fût trouvé arrêté par ce fait que les plus puissants esprits eux-mêmes ne peuvent dépasser les conceptions de leur siècle ; c’est pourquoi ceux du Moyen Age « n’avaient pas pénétré assez avant dans le dogme catholique pour y découvrir et en dégager, en quelque sorte, les lois universelles de la création. » Aujourd’hui que le monde a progressé, « l’esprit humain, fatigué de l’insuffisance et du désordre de la science actuelle, » attend la science catholique. « Des notions certaines de la foi sortira tôt ou tard, peut-être bientôt, une véritable philosophie conforme, aux besoins du temps, … qui ramènera les divers ordres de connaissances à l’unité, … en unissant de nouveau et plus étroitement ce qu’unit à jamais la nature des choses, la croyance et la conception, Dieu et l’univers, et les esprits rebelles, obligés désormais de vivre