Page:Alfred Vacant - Dictionnaire de théologie catholique, 1908, Tome 9.1.djvu/272

Cette page n’a pas encore été corrigée

529

    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LAMENNAIS ET L’AVENIR

530

morale, ni la mystique, ni le surnaturel du christianisme qui intéresse l’Avenir ; c’est uniquement sa portée sociale et pour ainsi dire humaine. Voici ce système tel que le définit Lamennais, t. v, p. 177 : « Les nations ont été données au Christ en héritage… Son vicaire, dès lors, investi de la plénitude de ses pouvoirs, a sur la société chrétienne un droit éminent de royauté, de telle sorte néanmoins qu’il existe, selon la constante tradition de l’Église, une puissance temporelle distincte de la puissance spirituelle plus élevée que lui a communiquée son divin fondateur et, dans cet ordre, indépendante d’elle. » En des articles précédents l’Avenir avait défini plus longuement ce système théocratique. S’il affirme « la distinction des deux puissances », il n’accepte pas l’indépendance absolue du pouvoir civil. « Naturellement, la société religieuse et la société civile, l’Église et l’État sont inséparables, ils doivent être unis comme l’âme et le corps ; voilà l’ordre. » T. i, p. 24. Dès lors, l’indépendance du pouvoir temporel ne peut signifier : « ou que les choses temporelles n’ont point pour règle fondamentale la loi divine ; ou que la puissance ecclésiastique n’est pas l’interprète de la loi divine dans ses rapports avec l’ordre temporel ; ou enfin que les rois ne sont pas soumis aux décisions de la loi ecclésiastique, interprétant la loi divine dans ses rapports avec l’ordre temporel. » Déclaration du 6 février, t. Et, p. 474. En d’autres termes, le pape « n’a pas un pouvoir temporel sur les peuples et les rois ». Les rois ne sont pas « à l’égard du pape, ce que sont les préfets à l’égard du roi de France » ; la distinction des deux puissances n’existerait plus alors ; mais « chez les peuples catholiques… l’autorité instituée par Jésus-Christ pour promulguer la loi divine, règle des actes humains, a le droit de décider les actes de conscience sociaux, au même titre et au même degré qu’elle a le droit de décider tous les autres, et cela, non point en vertu d’un pouvoir temporel mais en vertu de son pouvoir spirituel seul ».

Avec Leibniz, l’Avenir regarde « comme une sublime utopie » le pouvoir direct qu’il définit : « le droit reçu de Dieu par les papes d’intervenir directement entre le peuples et les rois dans les grandes questions que les révolutions décident aujourd’hui depuis que le pape ne les décide plus. » Il croit au pouvoir indirect qui est pour le pape le droit de résoudre le cas de conscience que Fie V 1 1 résolut en sacrant Napoléon… » car « il est absurde de refuser au pape et à l’Église le droit de répondre à un cas de conscience, vu qu’il appartient à tout homme de consulter même un autre homme…, sur le droit, la justice et la prudence. Cf. I janvier 1831, La « Gazette de France » dénaturant les opinions de V Avenir », t. ii, p. 131-134.

lin fait, cet idéal social ne s’est pas encore pleinement réalisé. L’Église a du l’adaptera l’étal moral des peuples chrétiens, i De la l’institution du système social qui prit le nom de Saint-Empire romain germunique, système admirable d’unité et qui offrait dans son ensemble la plus belle comme la plus profonde application que le monde col encore vue des principes du droit à la constitution politique de la société ; mais

en même temps système passager et rempli d’Inconvénients graves, i II ne pouvait durer quaulant que durerait « l’état d’enfance » des peuples, aujourd’hui terminé. Ibtd., t. v, p. 169-1 79,

r. L’indépendance de l’Église et lu luprématte du /><// ». UUramontanisme. Étant données sa royauté spirl tuelle et sa mission, l’Église a, de droit divin, une pleine indépendance. Et, au nom du droit divin, VAi-enir

réclame pour l’Église : la liberté de la fui un dr lu dur

trinr. - i.a foi catholique (’établi ! et se propage, non par des moyens Individuels, mais par un moyen social. l’enseignement de l’autorité Cet enseignement est i la croyance catholique cique la parole est a la pensée ;

la liberté morale, ou la liberté de former l’homme moral, contre quoi va « l’usurpation » par les gouvernements de l’éducation, si bien que « chaque génération catholique ne peut avoir de mœurs, de vertus, d’habitudes sociales qu’autant que cela plaît au pouvoir et au degré où cela lui plaît » ; la liberté en matière de discipline « également attaquée… puisque la plupart des gouvernements prononcent à leur gré, sur l’existence des institutions ecclésiastiques, puisque enfin, les communications avec le Saint-Siège, qui sont la vie du catho licisme, sont presque universellement entravées. »

Et en même temps, comme on l’a vii, l’Avenir exalte la suprématie pontificale. La Déclaration du 6 février 1831 salue dans le pape « l’infaillible gardien de la vérité, le chef de toute l’Église, le père, le docteur de tous les chrétiens », celui « qui a reçu de Jésus-Christ le plein pouvoir de paître, régir et gouverner l’Église universelle ». « En conséquence, disaient les rédacteurs, nous repoussons de toutes nos forces le gallicanisme. »

c) Ce quel’ « Avenir » entend par « l’ère de la liberté ».

— a. Le libéralisme de l’ « Avenir « . — On trouve dans l’Avenir les formules les plus larges touchant la liberté. « La liberté doit être pour tous et entière », lit-on à la page v du Prospectus et la même idée, sinon la même formule, se retrouve souvent. Mais l’Avenir n’entend par « ce mot sacré » ni « la démagogie, les fureurs populaires, la souveraineté absolue du peuple, le droit des nations à violer tous les droits soit envers les rois, soit envers les particuliers », ni davantage « le droit pour tout homme de croire et d’agir comme il lui plaît ». C’est « le droit de faire tout ce qui n’est pas contraire au droit ». Ibid., t. v, p. 436-440. « La liberté est le règne du droit sur la force, la puissance qui empêche l’homme d’être la proie d’un seul, qui fait qu’un sabre n’est pas la vérité, que l’homme n’est pas Dieu. » T. iii, p. 458. Cependant « la liberté n’est rien d’abstrait. Il n’y a pas une liberté, mais des libertés et ces libertés consistent dans la possession de certains droits… » T. ii, p. 157. Et voici l’énumération souvent répétée des libertés que réclame l’Avenir, pour tous, sans distinction : « Liberté de conscience et d’enseignement, liberté de la presse et d’association, libertés civiles et politiques, liberté de travail et d’industrie. » Lamennais invitait tous les Français à s’unir pour se garantir les uns aux autres ces libertés. « Jurons tous que nul, quel qu’il soit, n’y attentera impunément. » 30 octobre 1830. T. i, p. 151.

b. La raison de ce libéralisme. — Il y a une raison de fait que l’Avenir ne cessera d’invoquer : la Charte de 1830. Réclamant toutes les libertés pour tous, l’Avenir se place toujours sur le terrain du droit commun légal, même quand il s’agit des libertés auxquelles l’Église possède un droit propre. I)ès son premier numéro, 16 octobre 1830.1c journal marque bien cette position. « Catholiques, apprenons à réclamer, à définir nos droits qui sont les droits de Ions les français. T. i. p. I. El parce que le droit commun était txé par la Charte, toutes ses revendications, l’Avenir les appuiera sur la Charte : I.a Charte de 1830, dirat-il. du moins dans sa partie morale, est. au pied de lu lettre, une vérité. Ce mot est merveilleusement Juste. La Charte est le miroir brillant et lidèle OÙ Vient se réfléchir notre société du xiv siècle, avec ses opinions

si variées, si contradictoires, ses croyances diverses, son immense, son inexorable besoin de tolérance et de liberté, La Charte est vraie parce qu’elle reconnaît

en droit ce qui existe de fait, parce qu’elle dil ce qui

est. » T. i. p. 213. — D’ailleurs, le système social

inaugure par la Charte es) aujourd’hui le seul possible et durable, vu la division des esprits. » Le svsl. il divin fondé sur l’obéissance

libre de la raison à une loi immuable reconnue

ralemeni est visiblement impossible puis-