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    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. LAMENNAIS ET L’AVENIR

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une violente irritation ; on le voit déjà prêt à opposer son jugement à celui de Home. Ainsi, à ce moment, le libéralisme catholique menaisien est fondé ; toutes ses tendances sont dégagées ; on peut même prévoir à quelles oppositions il se heurtera et quelles fautes il commettra. En 1829, le chef des libéraux belges, de Potter, résumait ainsi la situation : « Il y a en Fiance un parti catholique, tout comme dans les Pays-Bas, qui comprend beaucoup de vrais amis de la patrie et de la liberté. Ce parti veut la liberté pour lui-même, et toute la liberté à laquelle il a droit… ; il voudra la même liberté pour tous, dès qu’on lui aura permis de croire que cette liberté est compatible avec la sienne ; il en sera le plus ardent champion, dès qu’il aura compris qu’elle est une condition essentielle, sine qua non, de sa propre liberté. » Cité par le Prospectus de l’Avenir, dans Articles de l’Avenir, 7 in-8°, Couvain, 1870, 1. 1, p. n. La révolution de 1830 accomplit révolution annoncée ; les libéraux catholiques vont constituer un parti actif.


III. Histoire.

On peut distinguer quatre périodes dans cette histoire :
1° de 1830 à 1834 ;
2° de 1834 à 1852 ;
3° de 1852 à 1878 ;
4° à partir de 1878.

PREMIÈRE PÉRIODE OU PÉRIODE MENAISIENNE (1830-1834). —

Période courte mais violente que caractérise la dictature de Lamennais et qui commence avec le journal L’Avenir, 16 octobre 1830, pour se terminer par la condamnation définitive de Lamennais dans l’encyclique Singulari nos du 25 juin 1834. Le libéralisme catholique y a sa forme la plus complète ; il touche à toutes les questions et, danstoutes, il réclame la liberté pour les individus, pour les nations et pour les religions. Dans l’ordre religieux, il apparaît donc opposé d’une part au gallicanisme et à tout système limitant la liberté de l’Église, d’autre part à une situation privilégiée pour l’Église dans l’État.

Les années 1830 et 1831 furent pour l’Europe des années de trouble. Tandis que l’Irlande continuait, sur le terrain légal, la lutte commencée pour la conquête de sa liberté religieuse et politique, un mouvement révolutionnaire partait de France ; les peuples se soulevaient ou s’agitaient contre les nations ou les gouvernements d’Ancien Régime qui les opprimaient. En trois pays : l’Irlande, la Belgique et la France, le libéralisme catholique affirme hautement son programme, et même, en Belgique, le réalise entièrement.

1° Le libéralisme catholique en Irlande et en Belgique.

— En Irlande, O’Connell, qui avait pris pour mot d’ordre : Liberté civile et religieuse, réclamait l’émancipation de son Église et de son peuple au nom de la constitution libre de son pays et du droit commun. Il devait lutter sans de très grands succès immédiats, mais il avait indissolublement uni dans l’âme irlandaise la religion et la liberté.

En Belgique, les catholiques étaient demeurés fidèles à l’alliance conclue. Le 22 février 1830, ils publiaient un manifeste où ils précisaient leur attitude et en donnaient les motifs : « En face du terrible péril de voir l’instruction de leurs enfants, et même, par les lois sur la presse, l’instruction de tous les âges livrée au bon plaisir de l’homme, les catholiques ont dû chercher des garanties. Au siècle où nous sommes, il est impossible d’en trouver d’autres que la liberté… Les libéraux, sans que leur but soit le même que le nôtre, demandent les mêmes libertés… Nous marchons donc avec eux. Mais que l’on ne s’imagine pas que rien dans le monde nous engage jamais au plus léger sacrifice de nos principes. Nous serons libres parce que c’est notre volonté, c’est notre droit, … et beaucoup de nations des deux mondes le seront avec nous. Malheur à celles qui resteront sous le joug de l’homme. >< Ami de la religion, t. i.xii, p. 332.

Après l’émeute bruxelloise du 25 août 1830, qu’avaient provoquée les journées parisiennes de juillet, les catholiques luttèrent unis aux libéraux pour l’indépendance. Or, quand s’ouvrit à Bruxelles, le 10 novembre, le congrès qui devait donner au nouvel État sa constitution, la majorité était nettement catholique : 140 catholiques contre 60 libéraux, unionistes ou dissidents ; mais, « spectacle sans exemple’», les 140, bien que majorité, votèrent unanimement l’article 6 qui proscrit à jamais la distinction des ordres… Ils s’unirent à toutes les nuances du libéralisme pour proclamer la liberté absolue des cultes dissidents et la liberté illimitée de la presse. Ils mirent au nombre des garanties constitutionnelles… que nul ne peut être contraint d’observer les jours de repos prescrits par la loi religieuse. Ils décrétèrent l’égalité des catholiques, des protestants et des juifs, devant la loi civile. Ils ne songèrent pas un instant à réclamer une dotation immobilière pour le clergé. Ils votèrent pour la liberté absolue des opinions politiques, philosophiques et religieuses ; ils érigèrent la proscription de la censure en précepte constitutionnel… Le prince de Méan, archevêque de Malines, primat de Belgique et ancien souverain de la province de Liège, déclara solennellement que le clergé belge, éclairé par les événements, réclamait pour unique faveur le droit d’exercer librement les actes inhérents à sa mission religieuse. » Thonissen, loc. cit., p. xi. L’Avenir du 23 décembre 1830 donne, en effet, une lettre adressée en date du 13 décembre 1830, aux membres du Congrès national de la Belgique, par S. A. C. le prince de Méan…, où ce prélat demande uniquement, pour l’Église dont il est le chef, « cette pleine et entière liberté, qui seule peut assurei son repos et sa prospérité », c’est-à-dire, l’indépendance « dans la nomination et l’installation de ses ministres, ainsi que dans la correspondance avec le Saint-Siège… la liberté pleine et entière de l’enseignement », inséparable de la liberté religieuse, et la liberté d’association. Articles de V « Avenir », t. ii, p. 9-12.

Si l’on en croit Crétineau-Joly, L’Église romaine en /ace de la Révolution, t. ii, p. 178, 179, le pape avait émis, au début de l’Union, la crainte que les catholiques ne fussent dupes. « Un petit nombre de libéraux », il est vrai, « attaquèrent ouvertement le principe de l’indépendance réciproque de l’Église et de l’État ; ils repoussèrent la liberté absolue de l’enseignement et des cultes ; ils dénièrent aux catholiques le droit de profiter de la liberté d’association » ; mais ce fut sans effet. « Les libéraux dans leur ensemble se joignirent à leurs anciens adversaires pour garantir le libre exercice des cultes, pour accorder aux catholiques l’usage illimité de la liberté d’enseignement et d’association, pour placer les traitements et les pensions du clergé au nombre des obligations constitutionnelles de l’État, pour déclarer quele gouvernement n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination, ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs et de publier leurs actes. » Thonissen, ibid. Et quand, en février 1831, le P. Ventura, dans sa fameuse Lettre à MM. les rédacteurs de V « Avenir ». publiée tout d’abord dans la Gazette de France du 8, eut blâmé la révolution belge, sa tendance et ses résultats, il fut facile aux trois chefs du parti catholique, Henri de Mérode, L.-F. de Robiano de Borsbeek et le vicomte Vilain XIIII, de réduire à néant ses affirmations. Ventura écrivait : « Le principe de la révolution dans ce siècle sera et doit être toujours au préjudice de la religion et au plus grand profit de l’impiété. Voyez la Belgique ; voyez avec quelle impudence effrontée on insulte, au sein du congrès, à la religion, dans l’intérêt de laquelle on a dit qu’on s’était révolté. Sans doute les Hollandais, avec leur collège philosophique, avec leurs journaux et avec leurs pamphlets.