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    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. ORKilM.

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ent sa conscience, en attendant d’être sacrifiée à la Hollande. La Pologne catholique reste soumise à la Prusse protestante, à la Russie orthodoxe et à l’Autriche. Enfin, dans le Royaume-Uni, non seulement les catholiques anglais sont toujours condamnés à des mesures d’exception, mais l’Irlande catholique n’a pas la plus élémentaire liberté religieuse. Quant à la France, dont la situation religieuse va émouvoir le génie de Lamennais jusqu’au libéralisme que l’on verra, le retour des Bourbons y a fait naître de grands espoirs dans les milieux catholiques. Le clergé, qui ne s’est jamais pleinement rallié au régime impérial et qui a souffert du conflit entre le pape et l’empereur, attend une vraie restauration du passé dans les lois et surtout dans les esprits. Or, le régime napoléonien, concordat et articles organiques, sera maintenu. L’article 6 de la Charte proclamera bien le catholicisme religion d’État, mais un autre maintiendra le principe, proclamé par la Révolution, de l’égalité et de la liberté des cultes et cet autre précédera. Cette disposition sera adoptée pour calmer les appréhensions des deux sénateurs protestants, Boissy d’Anglas et Chabaud-Latour, et bien marquer que, si le catholicisme est religion d’État, cela n’a pas de conséquences sur l’égalité et la liberté des autres cultes. Dès 1815, le gouvernement négocia bien avec le pape un nouveau concordat, le concordat de 1817, qui abolissait le concordat de 1801 et, dans « ce qu’ils avaient de contraire à la doctrine et aux lois de l’Église », les articles organiques, qui rétablissaient l’ancienne Église gallicane avec son concordat, celui de 1516, dans ses divisions et même avec son personnel. Mais la tentative échoua, d’une part, en raison des tendances gallicanes marquées par le gouvernement et, de l’autre, par la crainte de l’oppo sition libérale. Malgré cela, les deux pouvoirs sont animés l’un envers l’autre de la plus sincère volonté d’entente ; une véritable alliance semble conclue entre le trône et l’autel ; des mesures particulières de l’Etat favorisent l’Église ; avec l’appui officiel, la Congréga tion et les Missions de France mènent à travers le pays une ardente propagande religieuse et monarchique. Il s’en fallut de beaucoup cependant que tout le pays fût conquis et une opposition sérieuse se manifestait à la fois contre le trône et contre l’autel.

Un mouvement comme la Révolution ne pouvait avoir secoué l’Europe sans y laisser de traces ; le contrecoup s’en ressentait même jusque dans le Nouveau-Monde, où son influence rejoint celle de la jeune République des États-Unis. Vainement s’est constituée la Sainte-Alliance ; ces principes de la Révolution, que les nations et les individus ont le droit de disposer d’euxmêmes, subsistent en bien des esprits ; des sociétés secrètes, franc-maçonnerie, Tugendbund, carbonarisme, les défendent et les propagent et, bientôt, des mouvements populaires en Allemagne, en Italie, en Espagne, attestent leur puissance. Vainement encore la papauté tente de ne pas se solidariser avec la Sainte-Alliance, dont elle n’a pas d’ailleurs tellement à se louer ; elle ne peut toutefois faire cause commune avec les sociétés secrètes ; alors, ici ou là, elle a protesté contre le principe de la liberté et de l’égalité des cultes ; puis, en certains pays, l’Église asservie apparaît simplement comme une force conservatrice au service de l’absolutisme : en conséquence, elle sera combattue par tous ceux qui combattent pour la liberté. En France, où l’esprit voltairien n’a pas disparu, où les principes de 89 ont pénétré la plupart des esprits, où sur certains l’Empire a gardé son prestige, il y a une opposition puissante contre le trône et l’autel. Cette opposition, dite libérale, va des doctrinaires, monarchistes et vraiment libéraux qui demandent le respect de toutes les libertés annoncées et promises par la Charte, aux républicains et partisans de l’Empire par la gauche libérale. Républicains, partisans de l’Empire et gauche libérale sont anticléricaux. A la propagande catholique des Missions ils opposent la propagande de leur presse : ils multiplient les éditions des philosophes du xviiie siècle, et jamais encore ces écrivains n’ont eu tant de lecteurs ; leurs journaux, le Constitutionnel, qui « mange du prêtre et du noble chaque malin », la Minerve, le Courrier français, sont lus plus que les autres. « L’ne propagande sérieuse élail faite dans les campagnes à l’aide de brochures anonymes, où l’on représentait systématiquement, d’un côté, un émigré bête et poltron, un curé méchant et hypocrite, un fonctionnaire subalterne intrigant et bas : de l’autre côté, un paysan acquéreur de biens nationaux, un philosophe de village et un officier en demisolde, tous intelligents, courageux, modèles d’honneur et de loyauté. Ces brochures n’étaient que de pauvres caricatures, mais le public y voyait le tableau de la situation des campagnes… > H. Avenel, Histoire de la Presse française depuis 1789 jusqu’à nos jours, in-8°, Paris, 1900, p. 243. On sait toute la haine qui poursuivit alors le parti-prêtre ; le clergé se recrute difficilement, cela est vrai en 1820, comme en 1810. Les plus avancés parmi les libéraux formeront bientôt une Charbonnerie française qui tentera les complots de 1821 et 1822. Sur l’esprit public dans les premières années de la Restauration, voir le tableau intitulé L’esprit public en 1830, composé d’après les Rapports des préfets par S. Charléty, La Restauration, p. 143-145, dans Lavisse, Histoire de France contemporaine.

Enfin un monde nouveau semble se préparer. D’abord, en réaction contre le libéralisme antérieur qu’ils trouvent vide et usé, apparaît un groupe de néo-libéraux ; plusieurs sont des professeurs proscrits ou émigrés de l’Université ; ils ont pour organe le Globe. Ils sont des penseurs : comme les doctrinaires, ils prennent les questions de haut, mais c’est dans un esprit critique ; l’article célèbre, Comment les dogmes finissent, est de l’un d’eux. Jouffroy. Partisans de la liberté politique, ils sont hostiles aux ultras et à la réaction qui suivra 1820 ; spiritualistes, ils combattent l’esprit voltairien des vieux libéraux, mais ils ne sont pas catholiques : « Ils ne sauraient être dominés, dit Jouffroy, loc. cit., ni par le fanatisme renaissant, ni par l’égoïsme sans croyance qui couvre Ja société ; ils demandent la liberté religieuse, comme les autres, et même pour les jésuites. » Cf. de Rémusat, La politique, libérale, Paris, 1860 : Thureau-Dangin, Le parti libéral sous la Restauration, Paris, 1876. Puis une évolution sociale se dessine en France comme en Angleterre, sous l’influence de la transformation industrielle. Le mot socialiste apparaît. Owen et Thomson, en Angleterre. Saint-Simon, puisses disciples, en France, font une critique de la société et donnent les formules d’une société nouvelle : « J’ai reçu la mission, dit Saint-Simon, de faire sortir les pouvoirs politiques des mains du clergé, de la noblesse et de l’ordre judiciaire, pour les faire entrer dans celles des industriels. "Eux seuls, sans se laisser leurrer par l’idée égoïste de liberté et l’idée funeste de concurrence, sauront grouper les hommes dans le culte de la fraternité et du travail par l’exploitation savante du monde. M. G. Weill, Un précurseur du socialisme. Saint-Simon et son œuvre, Paris. 1894. L’influence sociale de l’Église est donc menacée. Une littérature qui se forme affecte, il est vrai, des tendances religieuses ; elle exalte le sentiment religieux : elle en subit l’influence : elle parle avec respect de l’Église, avec admiration de ses cathédrales, avec sympathie de son œuvre ; mais cela n’atteint pas le fond des âmes. et. d’ailleurs, cette littérature subit l’impulsion générale : elle veut affranchir l’art des règles traditionnelles ; elle réclame la liberté. Cf. A. Viatte,