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    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. ORIGINE

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l’opinion par leurs brochures ; Pie VI, dès le 9 mars 1790, dans un discours en consistoire secret, dit sa réprobation « du décret qui assure à chacun la liberté de penser comme il lui plaît, même en matière religieuse, de manifester sa pensée au dehors avec impunité et prononce que tout homme ne peut être lié par d’autres lois que celles qu’il a consenties » ; contre la question posée « de savoir, si le culte catholique doit ou ne doit pas être maintenu comme la religion dominante de l’État » : contre l’admission des non-catholiques à toutes charges civiles ou militaires. Une année plus tard, dans le bref Quod aliquantulum du 10 mars 1791, il insiste longuement sur « la liberté absolue » de conscience, de pensée, de parole et de presse, « droit monstrueux qui paraît à l’Assemblée résulter de l’égalité et de la liberté naturelles à tous les hommes ».

Il ne pouvait être question de prêter le serment constitutionnel qui visait spécialement la Constitution Civile ; mais à partir d’août 1792, le clergé, resté en France, mis dans l’obligation de prêter serment, sous une forme ou sous une autre, à l’ordre nouveau — la Constitution civile nettement placée en dehors du débat par les législateurs — ou de se déporter, ou de s’exposer aux pires dangers, en se condamnant à l’impuissance, se divise. Les uns prétendent qu’il faut se résigner provisoirement à ces serments puisqu’ils sont le seul moyen de s’approcher des âmes dont le salut est le but suprême, que prêter un serment n’est pas nécessairement approuver et que, d’ailleurs, l’objet des serments — du serment de liberté et d’égalité, par exemple — loin d’être opposé aux droits de Dieu et de l’Église est susceptible d’une interprétation orthodoxe ; de multiples brochures développent ces idées. Les autres répondent du dehors, s’ils sont émigrés, et du dedans, que cette interprétation orthodoxe est inacceptable, puisqu’elle n’est point celle où le serment est demandé : qu’aucune nécessité pratique ne peut justifier le sacrifice des droits de Dieu et que Dieu pourvoit par lui-même au salut des âmes, quand ses ministres font défaut ; etceux-ciexcommunientccux-là. Home, qui a condamné les principes à leur origine mais qui en acceptera forcément certaines conséquences dans le Concordat de 1801, ne condamna pas les pre miers, ne les approuva pas non plus ; elle remit la solution à la conscience de chacun. C’est là, comme le prélude et l’ébauche de la lutte prochaine entre le libéralisme catholique et ses adversaires.

On ne saurait rapprocher du libéralisme de Lamennais l’Église constitutionnelle, telle qu’elle s’organise en l’an III, après les décrets it lois qui séparent l’Église de l’État. — Sans doute, elle admet, avant les libéraux catholiques, les principes de 89 comme fondements de l’organisation sociale moderne, mais son idéal religieux est tout autre : elle aspire a fonder une F.glise nationale et, dans la signature du concordat, elle voit le moyen d’échapper a l’autorité du pape, dans la souveraineté de la nation, le moyen d’échapper a l’autorité du roi, auxiliaire du pape. < ; t. Seconde lettre encyclique de plusieurs évéques de France, contenant un règlement, l’an de JésUS-Christ, 1795, an IV de la République, c. ii, s. 1. et Gibson, L’Église libre d<ms l’État libre. Deux Idéals, Paris. 1907.

b) Sous l’Empire.

La loi du 18 germinal an X. concordat et articles organiques, autour de laquelle devait d’abord se dérouler la lutte entre catholiques libéraux et catholiques intransigeants, mit fin a la situation né< d< la Révolution. Mais ir concordat du 26 messidor an i ne rééditait pas hconcordat de 1516, Il est un compromis entre l’Ancien Régime et les principes nouveaux, il reconnaît officiellement l’Église comme une société parfaite avec son chef, sa hiérai chic, son organisation, ses droits propres ; il lui tend ses honneurs, son rang ; entre elle et l’État, il y a de nouveau solidarité, le chef de l’État retrouve « les droits et prérogatives » du roi très chrétien, en particulier le droit de nommer les évêques, tel que le déterminait le premier concordat. Mais ceci reste de la Révolution : « Le catholicisme n’est plus ni religion exclusive, ni religion dominante, ni religion d’État. » E. Lavisse, Histoire de France contemporaine, t. iii, Le Consulat et l’Empire, par G. Pariset, p. 101. Le principe de l’égalité des cultes et de leur liberté est sous-entendu par le concordat ; l’incrédulité reste même un droit. Puis il y a deux articles « qui auraient fait bondir Pithou et Dupuy », vicomte G. d’Avenel, La réforme administrative, in-12, Paris, 1891, p. 195 : la déposition de tous les anciens évêques et « la quasiinvestiture donnée par le pape aux acquéreurs de biens nationaux ». Ces deux articles « si importants, qu’ils rendaient à eux seuls l’ensemble de la transaction nécessaire, bouleversaient toutes les idées admises et tous les précédents ecclésiastiques ». Ibid., p. 195, 196. Quant aux 77 articles organiques, « ils se bornaient à reproduire, en somme, la charte de servitude que le trône avait fait peser sur l’autel…, sans la compensation de l’intolérance officielle de l’État en matière religieuse que l’Église payait cher, mais qui rachetait à sesyeux bien deschoses. » Ibid., p. 191. Cf. G. Pariset, Ibid. Et l’État veille à demeurer le maître servi par l’Église avant tout autre.

Il semble à quelques-uns que, de ce fait, l’Église ressaisit mal les âmes. En 1808, un jeune prêtre se fait l’écho de ces craintes dans un livre très court, intitulé : Réflexions sur l’état de l’Église en France pendant le xr m » siècle et sur sa situation actuelle, in-8°, Paris. Ce jeune prêtre, Lamennais, après avoir signalé la misérable condition où les errements de la nature humaine et les abus de la liberté de penser avaient mis le xviiie siècle, « traçait le plan d’une autre Église de France, qui aurait des conciles, des retraites, des conférences ecclésiastiques, des séminaires sérieux et qui serait vivante et qui serait apôtre ». Goyau, Histoire religieuse de la nation française, p. 540. Il n’attaquait directement ni le concordat, ni les articles organiques, mais il en soulignait les insuffisances : l’Église de France n’avait pas la liberté nécessaire à sa vie. « Toutes les grandes thèses du catholicisme menaisien se trouvaient annoncées. » F. Duine, La Mennais, sa vie, ses idées, ses ouvrages, d’après les sources imprimées et les documents inédits, in-8°, Paris, 1922, p. 29. Et bientôt s’ouvrait, entre le pape et l’empereur, le conflit qui, de l’affaire d’Ancône, par la question des institutions épiscopales, allait mettre en discussion le concordat tout entier. La chute de l’Empire dénoua la crise.

c) Sous la Instauration. —

La Restauration s’étendit à toute l’Europe, puisqu’il y avait eu une Europe napoléonienne, très différente de l’ancienne..Mais la Restauration ne fut nulle part un retour complet à l’état de choses antérieur. L’Eglise se retrouve singulièrement appauvrie et dépendante. Si l’Espagne, le Portugal et les Etats italiens ont rétabli l’Ancien Régime avec la profession exclusive du catholicisme, dans les i qui dépendent directement de la maison de Habsbourg, le joséphisme revit avec le si/sième Metternich. I ji Allemagne, non seulement les États ecclésiastiques ont disparu, mais les gouvernements suivent l’exemple de Metternich ou de Xapoleon. el si, en I SI 7, la Bavière signe avec Rome un concoidat qui garantit B l’Église tous les droits qui lui reviennent d’après le droit divin et le droit canonique », bientôt de véritables articles organiques limitent ces privilèges ou les annulent, et la constitution de 1818 proclamera la liberté des conscicili es et des opinions.

D’autre part, la Belgique catholique, daiis le royaume des Pays Bai, se voit imposer des principes qui icol