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    1. LIBÉRALISME CATHOLIQUE##


LIBÉRALISME CATHOLIQUE. IDÉE GÉNÉRALE

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aussi complète que le permet l’orthodoxie, des principes connus sous le nom de libertés modernes, el dont la Révolution française a pénétré les sociétés et les âme. 2° Les formules du libéralisme catholique. - Les libéraux catholiques eux-mêmes onl résumé leur doctrine en ces trois formules :

1. Dieu et liberté, formule de Lamennais et devise de [’Avenir. Elle rappelle la devise que le premier Correspondant avait empruntée à Canning : Liberté civile et religieuse par tout l’univers. Elle dit les deux causes que le libéralisme catholique juge liées dans l’état présent des choses : Dieu ou l’Église et la liberté : l’acceptation et la défense de la liberté, sous toutes ses formes et pour tous, étant le meilleur moyen d’assurer l’autorité de Dieu sur la société moderne et le respect des droits de l’Église, et celle autorité avec l’exercice de ces droits étant le meilleur garant que la liberté restera dans l’ordre.

Avant tout, à toutes les époques, le libéralisme catholique a fait passer la liberté de l’Église, le libre exercice de ses droits et de son action ; il s’oppose ainsi à ce libéralisme philosophique ou voltairien, le vieux libéralisme (comme il sera appelé par opposition au libéralisme du Globe), qui s’affirme, sous la Restauration et la Monarchie de juillet, hostile à l’Église et à sa liberté. Il s’oppose aussi à toute théorie, à tout système de gouvernement subordonnant l’Église à l’État ou assurant à l’État quelque autorité religieuse, au gallicanisme parlementaire par conséquent. Dévoués à la liberté, les libéraux catholiques combattirent l’absolutisme sous toutes ses formes et au profit de tous. « Toutes les libertés pour tous » sera une de leurs formules, précisant le mot d’ordre de Lamennais. On les verra même, à un moment, se rapprocher des gallicans mitigés et avec eux s’opposer à des catholiques intransigeants, les zelanti, comme on les appelle dans certains milieux, qui n’acceptaient point que l’on servît l’Église en se plaçant sur le terrain de la liberté pour tous. « Le catholique libéral, écrira L. Veuillot. n’est ni libéral, ni catholique. Je veux dire par là qu’il n’a pas plus la notion vraie de la liberté que la notion vraie de l’Église. » L’illusion libérale, 2e édit., in-8°, Paris, 1866, p. 23.

2. L’Église libre dans l’État libre, formule vague, comme du reste la précédente, et qui peut s’interpréter de la façon la plus orthodoxe, traduire par exemple la pensée de Léon XIII dans l’Encyclique Libertas, mais aussi justifier la plus absolue et la plus hostile séparation de l’Église et de l’État. « L’apparente clarté de la formule, dit M. Ch. Benoist, La formule de Cavour L’Église libre dans l’État libre. Revue des Deux Mondes, 15 juillet 1905, p. 343-372, n’est qu’une fausse clarté, p. 344, et en fait cette formule servit à des fins bien différentes. Elle fut la formule favorite de Montalembert qui la donna pour titre aux fameux discours de Malines. Dans une Note explicative parue au Correspondant d’octobre suivant, 1863, p. 417, il écrivait : « Je la revendique (cette formule) pour les catholiques libéraux. Elle sert à les distinguer nettement des catholiques intolérants qui ne veulent pas d’Étal libre et des libéraux inconséquents qui ne veulent pas d’Église libre », il entendait libre d’une liberté « fondée sur les libertés publiques » ou sur le droit commun. I’regrette toutefois, dans le même article, de n’avoir pas dit : L’Église libre dans un pays libre, afin d’éviter « jusqu’à l’apparence d’une complicité avec ceux qui prétendent que l’Église doit être dans l’État et non l’État dans l’Eglise, il y a seulement deux sociétés qui coexistent dans un même pays. »

Ce fut aussi la formule par où Cavour prétendit concilier avec ses ambitions de patriote, les intérêts de l’Église et peut-être quelques scrupules de conscience, et calmer aussi les inquiétudes de l’Europe qui le soupçonnait de vouloir faire de la papauté l’esclave et l’instrument du nouveau royaume d’Italie. Ce fut le 27 mars 1861, à Turin, devant la Chambre des députés du nouveau royaume d’Italie, à propos d’une interpellation peut-être provoquée par lui-même sur la question de Home, que Cavour fit entendre publiquement, pour la première fois, la fameuse formule : Libéra Ctiiesa in libéra Slalo. Sur ses lèvres elle signifiait : « Que l’Église abandonne volontairement Rome à l’Italie : et l’Italie, renonçant à « toutes lois, tout concordat, tout privilège » contraires, assurera à l’Église une indépendance effective, sans conditions et sans limites. Sa liberté figurera au nombre de ces libertés nécessaires que le nouvel État est bien résolu a reconnaître. Et l’exemple de l’Italie obligera les autres États à concéder à l’Église cette même liberté ; or là est son avenir : c’est par la liberté et parla liberté seulement, que l’Église peut maintenant ressaisir la direction morale du monde. » La formule ainsi comprise a tout l’air d’un moyen de chantage et cela fut dit à la Chambre italienne lors de la discussion de la Loi des garanties ; néanmoins Cavour fut sincère, emble-t-il, lorsqu’il affirma sa volonté de donner a Église l’indépendance et sa conviction - que la liberté st hautement favorable au développement du vrai entiment religieux. » Plus d’une lois, il essaya de se poser en disciple du libéralisme catholique et, en particulier, de s’affirmer d’accord avec Montalembert : mais, chaque fois, Montalembert protesta que le libéralisme ne pouvait s’allier à l’injustice et à plus forte raison, le libéralisme catholique servir à justifier la spoliation des États de l’Église. Montalembert s’indignait surtout que cette formule L’Église libre dans l’État libre, qu’il considérait comme sienne, pût servir à Cavour et résumer ses vues. Cf. Ch. Benoist, loc. cil. Cette formule, légèrement modifiée, a été reprise de nos jours, mais avec des explications qui la rendent très précise, par M. G. Goyau L’Église libre dans l’Europe libre, Revue des Deux Mondes, des 1 er et 15 juillet 1919. S’inspirant de la pensée de Manning qui considérait « la dictature spirituelle de l’État, de quelque forme qu’elle se revêtît, comme l’adversaire par excellence du christianisme », il estime la chute des Hohenzollern, des Habsbourg et des Romanof comme une libération de l’Église dans l’Europe centrale et orientale, sur qui pesait leur césaropapisme. Dans cette Europe nouvelle qui allait s’organiser, pensait-il, selon les principes des nationalités et de la liberté, sans doute l’Église ne réaliserait pas « son immuable idéal » mais, ajoutait-il, elle « préférera toujours certains régimes de liberté réciproque des deux puissances, plus ou moins improprement qualifiés de séparation, aux oppressives ingérences d’un César. »

3. L’Église dans le droit commun, c’est-à-dire, n’ayant plus dans l’État une situation à part et en vertu d’un droit propre, mais jouissant, comme toute autre association, des droits nécessaires à son existence, à son développement, à son action, et cela, en vertu des principes généraux qui fixent l’attitude de l’État à l’égard des collectivités.

L’on a beaucoup usé de cette formule en France lors de la rupture du Concordat et de la discussion de la loi de séparation. Les adversaires de l’Église s’en servirent pour amorcer, sous couleur de libéralisme, cette rupture du Concordat, et ses amis, pour combattre les mesures d’exception proposées sous le nom de libéralisme.

3° Opposition que rencontre le libéralisme catholique.

— Ainsi le libéralisme catholique veut simplement être une conciliation entre l’Église éternelle et les sociétés modernes, quelle que soit leur organisation particulière.

Le libéralisme catholique, ainsi entendu et formulé,