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LÉVITIQUE (LIVRE DU). DOCTRINE

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sainteté, si elle est parfois conçue avec beaucoup d’élévation, clic est fréquemment réduite à n’être qu’une qualité négative. Le principe dirigeant n’est pas la foi, que le Jahviste met au premier plan ; ce n’est pas non plus l’amour pour Dieu, auquel le Dculéronoinc exhorte ses lecteurs ; c’est l’obéissance, ou. si l’on veut, l’observance à l’égard des nombreux préceptes placés sur la même ligne quelle que soit leur importance intrinsèque. » Gautier, op. cit., p. 154.

Que bien des prescriptions du Lévitique puissent suggérer une telle notion de la sainteté et de la pureté, c’est ce que l’on ne saurait nier : la préservation de la souillure physique, causée par le contact d’objets ou d’êtres impurs, étant condition de sainteté. I ev., xi, 44, 45 ; xx, 25, 26 ; d’autre part, l’étymologie aussi bien que l’emploi du mot hébreu qôdès (sainteté) impliquant l’idée de séparation, de mise à part, on en a conclu un peu rapidement que le sens primitif de la sainteté était une pureté d’ordre physique, ce qui équivaudrait en somme à la propreté. « Les idées de pureté et d’impureté furent à l’origine l’équivalent des idées de propre et de malpropre », disait Renan ; et il ajoutait : « L’hygiène et la propreté furent une des principales préoccupations des anciens législateurs. » Histoire du peuple d’Israël, t. iv, p 55, 56.

Sans doute quelques-unes des prescriptions et prohibitions légales se trouvent avoir une utilité hygiénique, mais ce n’est pas cette utilité qui en a motivé l’ordre ou la défense, et cela aussi bien en Israël que chez d’autres peuples, surtout sémites, où des pratiques analogues existent. L’étude de la sainteté chez les Sémites montre, en effet, qu’elle n’existe qu’au sens religieux ; de plus, l’observation des faits, non plus seulement chez les Sémites, mais encore chez les non-civilisés, au sujet des principales impuretés qui se rattachent aux femmes, aux morts et à la nourriture, établit « qu’il est impossible de leur assigner à tous une cause rationnelle, et quoi qu’il en soit des origines, ils sont profondément imprégnés d’idées surnaturelles. .. Les impuretés sont d’ailleurs réglées par la loi religieuse et procèdent d’un motif religieux beaucoup plus que d’autres commandements dictés en même temps par la raison. » J. M. Lagrange, Études sur les religions sémitiques, Paris, 1903, p. 146-147.

La présence, dans la Bible, de pratiques analogues à celles de peuples idolâtres, n’y introduit nullement la superstition qui est à leur origine dans les cultes étrangers ; ce qui importe ici, c’est la détermination du principe intérieur qui règle les usages et fait seul leur valeur. Or la législation lévitique des impuretés découle de la très haute idée que l’on a de Dieu ; « par un sentiment très naturel des convenances, l’homme écarte de son culte et considère comme absolument indigne de lui ce qu’il regarde comme impur en soi et par rapport à lui-même. » Lagrange, op. cit., p. 156. C’est ainsi que pour les impuretés relatives aux morts, à supposer même qu’elles aient « leur origine dans la crainte révérentielle des esprits, les mêmes précautions ont pu être prises par un peuple qui n’était plus frappé que de l’opposition entre la corruption du tombeau et la sainteté du Dieu vivant. » Ibid., p. 146. Si, de plus, certaines parties de la législation lévitique sur les impuretés s’expliquent par la survivance d’antiques coutumes sémitiques’, transformées dans leur principe par le monothéisme d’Israël, d’autres éléments de cette même législation ne s’y sont introduits ou maintenus que pour constituer une barrière contre l’idolâtrie : sera déclaré impur tout ce qui a quelque rapport avec les cultes païens et constituerait par là même un danger pour la pureté du culte du vrai Dieu. N’est-ce pas d’ailleurs grâce à cet ensemble de mesures préservatrices que les Israélites réussirent à s’isoler du monde païen, surtout quand, après l’exil,

la législation lévitique s’imposa a’vec une autorité souvent méconnue aux siècles antérieurs ? Cf. Schûrer, Geschichte des fûdischen Volkes im Zeitalter Jesu, Christi, Leipzig, 1907, t. I, p. 91 92 ; ^’i-Ot^.

Mais la sainteté ne consiste pas unique, lient dans la pureté légale ni même dans la sainteté rituelle. A côté des prescriptions concernant l’une et l’autre, et certes elles sont de beaucoup les plus nombreuses, les préceptes d’ordre moral et essentiellement religieux ne manquent pas. Dans l’ordre moral ce sont les prescriptions qui ont pour objet la sainteté et la dignité du mariage ; ce sont les prohibitions des fautes et des crimes contre nature, dont se sont souillées les nations au milieu desquelles Israël va désormais habiter ; ce sont les sanctions sévères qui frapperont les coupables. Lev., x viii, $1-$2 8, 20, 22, 23 ; xi x, 29 ; xx. 1 0-22 ; ce sont les devoirs imposés à l’Israélite envers son prochain : uevoirs de justice d’abord, le vol, la tromperie, le mensonge, la fraude.sont défendus, xrx.ll, 35, 36, de même la partialité dans les jugements devant lesquels pauvres et puissants doivent être égaux, xix, 15, 16 ; devoirs de justice encore envers les parents qui ont droit au respect de leurs enfants, xix, 3 ; devoirs d’humanité envers les vieillards qu’il faut respecter et honorer, xix, 32, envers les infirmes dont la misère doit être protégée, xix, 14 ; devoirs de charité envers le prochain en général pour qui les sentiments de haine ou de vengeance sont interdits, xix, 17-1 S, et qu’il faut aimer comme soi-même, envers les délaissés, envers les pauvres pour qui le champ ne sera pas moissonné jusqu’au dernier épi, ni la vigne vendangée jusqu’à la dernière grappe, xix, 9-10, envers 1 étranger enfin, du moins celui qui habite au milieu d’Israël, yhêr, qui a droit au même traitement que l’Israélite né dans le pays et qu’il faut aimer comme soi-même, xix, 33-34. N’est-ce pas déjà le précepte évangélique de l’amour du prochain sans aucune distinction parmi les hommes ? Certes ces passages du Lévitique sont l’expression de la morale la plus élevée qu’ait pu atteindre l’Ancien Testament ; aussi n’est-il pas étonnant que Jésus se soit référé à ce commandement de l’amour du prochain qui est avec celui de l’amour de Dieu le plus grand de tous, Marc, xii, 31. Il n’en est pas moins vrai que sur les lèvres du Sauveur ce commandement est devenu quelque chose de nouveau. Tandis que dans l’Ancien Testament le prochain ne désigne que les compatriotes, gens de la même race (c’est le sens des mots’ah et rêca du Lévitique, xix, 18) et tout au plus l’étranger habitant au milieu d’Israël et ayant accepté le fardeau de la Loi, Lev., xix, 34 ; Deut., x, 19, dans l’Évangile au contraire plus de restriction, le prochain c’est l’homme sans distinction de race. Cf. Luc, x, 25-37, la parabole du bon Samaritain.

Mais c’est dans l’ordre spécifiquement religieux, sans confusion possible avec ce qui serait simple régularité extérieure ou sainteté purement physique, qu’apparaissent lois et recommandations ayant pour objet la sauvegarde des éléments essentiels d’une vie vraiment religieuse. Telles sont tout d’abord les ordonnances relatives à tout ce qui touche aux cultes étrangers dont toutes les pratiques sont maintes fois condamnées et sévèrement réprimées, Lev., xviii, 21, (quelle qu’en soit d’ailleurs l’interprétation ; cf. de Hummelauer, op. cit., p. 484, is : » : xix. 4. 26-28. 31 ; xx. 2-8, 23, -1’. Dans le même sens de la garantie de la pureté du culte sont les.prescriptions touchant l’unité du sanctuaire, xvii, 1-9. La pureté des sentiments que doit avoir pour son Dieu l’Israélite est également requise, son cœur, comme son culte doit être pour Jahvé seul, xix. 1. Qu’il respecte son saint nom et ne le profane pas en le prenant à témoin de ses mensonges. xix, 12 ; qu’en tout il reconnaisse par ses sacrifices et