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487 LÉVITIQUE (LIVRE DU). ORIGINE DES PRESCRIPTIONS ET INSTITUTIONS 488

Ueberlieferung, Munich, 1897, p. 322 ; A. Jaussen et R. Savignac, Inscription religieuse minéenne de Ilereibeh, dans la Revue biblique, 1912, p. 80-85. « De plus en plus, à la lumière des découvertes récentes, l’expiation du péché par un acte pénal voulu de la divinité, et en particulier par le sacrifice, apparaît comme un legs de la plus haute antiquité, et l’affirmation de l’école grafïlenne, d’après laquelle lahalfâ’t serait une invention hiérosolymitaine de basse époque, demeure non seulement dépourvue de fondement, mais contraire à toute vraisemblance. » Medebielle, op. cit., p. 68 ; cf. R. Dussaud, Le sacrifice en Israël, p. 2. 3. Le Jour de l’Expiation.

Le rite de ce jour, longuement décrit au Lévitique, c. xvi et xxiii, 26-32, et au livre des Nombres, xxtx, 7-ll, apparaît comme le plus important et le plus solennel du cérémonial lévitique. Actuellement encore dans la liturgie des Juifs le Jour de l’Expiation tient une place prépondérante ; dans la Mischna un traité lui est consacré, intitulé : Yômâ, « le jour » par excellence ; le Talmud l’appelle le grand jour, le grand jeûne. Cf. Actes des Ap., xxvii, 9. Peut-il revendiquer l’origine mosaïque que luiattribue le récit du c. xvi du Lévitique ? Non, répondent la plupart des critiques, et bien plus, de toutes les institutions du Code Sacerdotal, il serait l’une des plus récentes.

Le manque d’unité que révèle l’étude littéraire de Lev., xvi, suggère dès l’abord l’idée que le rituel du Jour de PExpiation a dû être soumis à des remaniements ; on y distingue ordinairement des éléments de trois sources distinctes : 1. les règles à suivre par le grand prêtre pour pénétrer dans le Saint des Saints, xvi, 2-4, 6, 12, 13, 23, 24, 31b ; 2. une ordonnance p3ur le jour de l’Expiation, 29-34a ; 3. un rituel enfin pour ce même jour, 5, 7-11, 14-22, 26-28. Tandis que le premier de ces éléments remonterait à la plus ancienne partie du Code Sacerdotal, le deuxième ne serait pas antérieur à Néhémie (cf. II Esdr., viir, 13) et le troisième consisterait en additions tardives, correspondant aux derniers développements du rituel du Jour de l’Expiation. Cf. Benzinger, Das Gesetz ùber den grossen Versôh’iungstag, dans Zeitsch. für A. T. Wiss., 1899, p. 65 69 ; Steuernagel, Einleitung in das A. T., p. 163. « Quiconque examine la loi du Lev., xvi, avec un regard tant soit peu critique, disait récemment un auteur catholique, le P. Landersdorfer O. S. B., ne peut en fait se soustraire à l’impression que la vraisemblance d’une origine progressive par le traitement de diverses sources ou par l’introduction d’additions, etc., est beaucoup plus grande que celle d’une conception unique dont pourtant l’absolue possibilité ne doit jamais être niée. » Studien zum biblischen Versôhnungstag, Munster, 1924, p. 84 (d’après Revue biblique, 1925, p. 305).

On peut en effet admettre, selon la remarque du même auteur, que la forme extérieure de la liturgie de l’Ancien Testament était aussi peu immuable que celle du Nouveau Testament et qu’elle passa comme celle-ci par une sorte d’évolution en s’adaptant aux circonstances de chaque époque, l’inspiration des Écritures ne s’opposant pas à ce développement dans le temps. Ibid., p. 66. D’autres critiques, toutefois, pensent que ce morcellement du c. xvi ne s’impose pas, ni surtout les conclusions qu’on en tire relativement à l’origine des rites mêmes du Jour de l’Expiation ; car la description en particulier de Lev., xvi, 3b-28, offrirait « une unité parfaite. La répétition du t- 6 au début du ꝟ. 11 s’imposait pour exposer clairement la suite des opérations ; cette précaution était si nécessaire qu’elle n’a pas toujours su III (certains ont cru que le taureau était immolé dès le ꝟ. 6 alors qu’il n’est que présenté). Nous concluons donc que Lev., 3b-28, décrit, à quelques détails près, que nous ne sommes pas en

état de déterminer, la cérémonie telle qu’elle a dû se pratiquer très anciennement. » R. Dussaud, Le sacrifice en Israël, p. 81.

Plus encore que le manque d’unité dans le récit du Lévitique, ce qui s’opposerait à l’origine mosaïque du rite solennel de l’Expiation serait le silence absolu de la Bible au sujet de sa célébration dans les temps préexiliens, et l’absence de toute mention de cette fête dans les codes anciens : Livre de l’Alliance, Deutéronome, Loi de Sainteté. Ézéchiel, dans son programme de restauration future, prescrit bien un cérémonial qui, dans son but général, est assez semblable à celui du Jour de l’Expiation, xlv, 18-20, mais dont la date et le mode diffèrent. Si la fête de l’Expiation avait été une institution depuis longtemps en vigueur, le prophète, dont on connaît par ailleurs l’attachement aux usages anciens, l’aurait-il ainsi dédaignée ou diminuée dans quelques-uns de ses rites les plus importants ? Son omission dans le rite détaillé des fêtes qui marquent le renouvellement de l’alliance aux jours d’Esdras, en 444, n’est-elle pas bi-n significative, d’autant plus que le 24e jour du 7e mois est un jour solennel de jeûne, d’aveu des fautes, d’expiation en un mot ? Tout s’explique fort bien dans l’hypothèse d’une institution se développant après l’exil sous l’influence d’Ézéchiel, des prophètes et des scribes, invitant au jeûne et à la confession publique des péchés et préparant ainsi un jour national de pénitence dont l’origine se saurait être recherchée avant 444.

Sans qu’il soit nécessaire d’entrer dans le détail des explications proposées pour rendre compte du silence des historiens sacrés au sujet de la fête de l’Expiation, en particulier dans II Esdr., viii-x (cf. H. Grimme, Das Alter des Versôhnungstages, dans Archiv für Religionwissenschaft, 1911, p. 130-142), l’origine récente de cette fête n’apparaît pas cependant comme la conclusion rigoureuse de ce qui précède, si l’on remarque que des livres, composés, d’après les critiques, assez longtemps après l’exil n’en font pas davantage mention, et si l’on songe à l’invraisemblance qu’il y aurait à supposer « qu’un écrivain du ive ou iiie siècle ait pu inventer la solennelle aspersion du Propitiatoire, la présenter comme un ordre formel de Moïse, faire de cette cérémonie le point culminant de la liturgie et une question de vie ou de mort pour Israël, quand le sanctuaire est vide, que l’arche a disparu, que le Propitiatoire n’existe plus et que l’acte réconciliateur par excellence n’est plus qu’un geste sans objet… L’impossibilité d’observer, au temps d’Esdras. l’expiation lévitique nous garantit sa haute antiquité. » Medebielle, op. cit., p. 91. Certaines de ses prescriptions d’ailleurs, celles en particulier relatives au bouc émissaire, ne s’expliquent que dans la vie nomade.

Ici encore le rapprochement avec les textes religieux assyro-babyloniens favorise nettement l’hypothèse de l’antiquité d’une fête dont la connexion est frappante avec la solennité de la célébration du nouvel an en Babylonie, ainsi qu’il apparaît d’après une tablette rituelle néo-babylonienne, publiée par le P. Dhorme dans la Revue d’Assyriologie, 1911, p. 41-63. Celle-ci. en effet, offre un intérêt majeur. « Il s’agit, comme le remarque ce même auteur, d’une cérémonie qui a lieu le 5 du mois de nisan, deux heures après le lever du soleil. Elle est présidée par Vurigallu, qui exerce les fonctions de grand prêtre. On commence par purifier le temple du dieu Bel à Babylone et aussi celui de son fils Nébo. Au milieu de la cour du sanctuaire se trouve un brûle-parfums d’argent sur lequel on mélange des aromates et du cyprès (cf. Lev., xvi, 11-13). Alors un porte-glaive tranche la tête d’un mouton, dont le cadavre sert à frotter le temple. Après quoi le cadavre du mouton est apporté au fleuve et précipité dans les