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LAVEMENT DES PIEDS. FAITS LITURGIQUES


moitié du xra c siècle, adopté par le pape Nicolas III (1277-1280) pour les églises de Rome et dès lors partout répandu, présente un office du Mandalum qui est quant au texte celui-là même que je viens d’indiquer. On peut donc s’étonner, en passant, que les éditeurs de notre morceau en 1914 n’aient point eu l’idée de recourir aux anciens missels. Les franciscains trouvèrent-ils à Rome déjà en usage les chants destinés à la cérémonie du lavement des pieds ou bien sont-ils proprement responsables de leur insertion dans le missel du xiii c siècle ? C’est là un détail qu’il ne devrait pas être malaisé de vérifier, mais que je n’ai pas eu le moyen d’éclaircir…. Quoi qu’il en soit de la pratique de Rome en la première moitié du xine siècle, divers recueils liturgiques d’Italie qui remontent au xie et au xii{e}} siècles, ceux du Mont-Cassin notamment, nous montrent les versets déjà appliqués à la solennité du jeudi saint. Ils y tiennent la même place qui leur est attribuée dans le missel de la Curie et se développent pareillement depuis l’antienne reprise avant chaque groupe de versets. Toutefois une nouvelle strophe inédite nous est fournie, la huitième de la rédaction primitive : Tota ergo, ce qui fait maintenant un total de dix strophes. « … Au Mont Cassin, avant le xie siècle, les beaux versets ne sont plus attestés. De l’Italie centrale ou méridionale nous sommes reportés dans la région du Nord de chaque côté des Alpes…. Quatre collections de poésies rythmiques et métriques renferment notre pièce, lui donnant enfin son vrai nom : hymne de la charité, et rapportant sa forme exacte en douze strophes dans lesquelles le refrain n’est plus une antienne initiale, mais un cinquième verset constant : Ubi carilas est vera (au lieu de la répétition banale : Ubi caritas et amor, Deus ibi est). Quatre strophes sont nouvelles : plus précisément seize versets nous sont restitués, car la rédaction postérieure avait laissé échapper deux demi-strophes. La première strophe de cette rédaction, qui est aussi la dernière, — le troisième groupe du texte officiel, — disparaît. Elle est remplacée par une doxologie originale qu’inclut très opportunément au regard de l’histoire une prière pour les seigneurs »… Ces souverains sont vraisemblablement Charlemagne († 814) et ses fils par l’effet du partage de l’empire qui eut lieu en 806. « La huitième strophe, déjà signalée pour le xiie siècle, perdue par la suite, formait un indice de grande valeur. Et illius nihil amori præponamus. Ce vers fait écho certainement à une recommandation de saint Benoît dans sa règle : Nihil amori Christi prœponerc, c. iv, 23 ; cf. v, 2 ; lxxii, 13, édition Butler. Et ainsi l’origine de la pièce est avérée. Pour le reste, il est assez évident que cet éloge de la charité fraternelle, fralernus amor, cette fière définition de la vie commune. congregavit nos in unum Christi amor, cet appel répété n la concorde, Ne nos mente diuidamus caveamus… Unum omnes indivise sentiamus ne s’entendent bien que dans la perspective d’un monastère bénédictin. » Si je ne m’abuse, l’hymne Ubi caritas fut un de ces Imaginés A l’époque carolingienne pour accompagner le Mandatum ordinaire (hebdomadaire) des moines quand les compositions, soit métriques soit rythmiques, trou virent tant de crédit, notamment sous l’influence de Paulin d’Aquilée. « … De quel centre nous vient l’hymne de la charité, puisqu’il faut renoncer à en connaître l’auteur luile ? Nos manuscrits fournissent I vois noms : Saint (.ail tic PAppenzeU, Relchenau sur le lac de Constance, Vérone à mi-chemin entre Milan et l’Aqullée, Saint Gall est une désignation fort séduisante : la les arts y fleurirent merveilleusement au lède. IfalS il convient de se rappeler que, des bailleurs de Saint-Gall aux plaines d’Italie, l’échange

était fréquent. D’autre part, contrairement à ce que l’on pourrait croire tout d’abord, le texte écrit à Reichenau n’est pas celui de Saint-Gall, mais celui de Vérone…. Or un autre hymne de la même forme singulière que l’hymne Ubi caritas nous a été conservé : une pièce sur la résurrection en quatorze strophes avec refrain au cinquième vers…. L’hymnaire de Vérone est seul à la faire connaître. Cette circonstance détermine suffisamment la provenance italienne de l’hymne de la charité… Et c’est de fait en Italie qu’elle fit fortune jusqu’au moment où le Missel curial la reçut pour la transmettre en définitive au Missel de saint PieV. »

b) Les cérémonies. — A quand remontent le cérémonial et les autres textes ? Le cérémonial est tout simplement celui que nous avons vu naître et se développer dans les Ordines romani. Pour le texte des prières, tel on le lit dans le Missel romain réformé par Benoît XV, imprimé par la Typographie vaticane et authentiqué par décret de la Congrégation des rites du 25 juillet 1920 (c’est le seul qui fasse loi aujourd’hui pour toute l’Église latine, sauf les exceptions très restreintes et bien connues de Milan, de Tolède, de Lyon et de quelques ordres religieux ; chartreux, dominicains, carmes chaussés), tel on le lisait déjà dans les éditions officielles et successives de Pie V, de Clément VIII, d’Urbain VIII et de Léon XIII. On peut donc dire que ce texte n’a pas d’histoire depuis le concile de Trente, au nom duquel Pie V promulgua son édition officielle, qui devait peu à peu éliminer les missels locaux et réaliser l’unité liturgique de l’Église latine.

Pour les temps qui précèdent immédiatement le concile de Trente, l’enquête est un peu plus compliquée. Car on n’a plus affaire à une édition officielle unique, mais à des éditions diverses, toutes de caractère plus ou moins local et qui, sur le fond romain identique, affirmé dès le titre même, missale secundum consueludinem curise romanæ, brodent toutes des variations plus ou moins considérables, dont les plus notables ou du moins les plus apparentes sont généralement d’origine franciscaine, les frères mineurs ayant été durant trois siècles les grands propagateurs de l’usage liturgique romain. Le missel romain en ces temps-là n’est pas du tout un être de raison, car on le distingue au premier abord des missels locaux parisien, lyonnais, dominicain, cartusien, monastique de toutes provenances, etc. Mais ce n’est pas non plus une individualité littéraire déterminée comme le sera le Missel de saint Pie V.

Si donc nous avions à faire ici l’histoire du Missel romain ou même de tel ou tel de ses rites, nous n’aurions pas de sitôt fini. Pour le sujet très restreint qui nous occupe, le problème se simplifie ou plutôt s’évanouit. Car, sans avoir vii, ni même cherché à voir tous les missels imprimés (le travail serait long et le résultat mince), nous pouvons affirmer qu’il ne se rencontre aucune variante de quelque importance dans ceux que nous avons pu collationner avec le Missel de Pie V et dont nous transcrivons ici les titres, en descendant depuis l’édition princeps.

a. Missale romanum, Mediolani, 1474(titre mis après coup au dos de l’exemplaire unique conservé à l’Ambrosienne de Milan sous la cote S. Q. N. 111.14 et dont le titre complet, depuis longtemps disparu par lacération, était sans doute comme dans la réimpression de 1480 : Missale complelum serundum consueludinem romnmr Curies. Je n’atteins d’ailleurs cette édition, la première connue, que par la réimpression très soignée deRoberl Lippe, dans la coUed ion de la Henri/ Bradshaw Societi/, t. xvii, Londres 1899.) Voir le lavement « les pieds aux pages 158-161. La rubrique

qui l’introduit est très courte : Pont nudalioncm ulta-