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353 LÉON XIII. SON ACTION INTELLECTUELLE, SOCIALE, INTERNATIONALE 354

observait un silence dans cette lettre : sur la question romaine, le mutisme était complet. Léon XIII indiquait qu’il avait besoin d’une « consolation » : il laissait deviner sa douleur innommée. Mais il s’abstenait de toute revendication, même de toute plainte. Si l’unification catholique du monde, dont il développait le plan grandiose, était un jour réalisée, comment la question romaine attendrait-elle longtemps une solution ?


Deux ans après avoir ouvert ces avenues entre l’Église romaine et les chrétientés séparées, Léon XIII, en 1896, dans l’encyclique Satis cognitum, définissait, dans toute la plénitude de leur rigueur théologique, les exigences de l’unité catholique, et faisait comprendre, bien nettement, que ceux qui concevaient l’unité chrétienne comme une fédération d’Églises ne pouvaient être d’accord avec Rome. Les deux documents Prœclara et Satis cognitum marquaient, à la veille du xxe siècle, l’attitude exacte de la Papauté en face des aspirations du monde chrétien vers l’union des Églises.

V. Action intellectuelle, sociale, internationale de Léon XIII. — 1° Action intellectuelle : philosophie, histoire, sciences, études bibligues. — Ce qui distingue l’action intellectuelle de Léon XIII, c’est qu’il a confiance dans la vérité ; confiance dans la science. « L’âme, disait Léon XIII, le 2 février 1879, au pèlerinage des journalistes, désire naturellement la vérité, et telles sont la force, l’excellence, la beauté de la vérité, qu’en apparaissant à l’esprit elle attire facilement l’assentiment de ceux mêmes qui voudraient le lui refuser. » Dans l’encyclique JEterni Patris, cette même année, il déclarait qu’il est dans l’ordre de la divine Providence que, « pour ramener le peuple à la foi et au salut, on recherche le concours de la science humaine. > Il approuva, par un bref du 20 mars 1887, le projet de congrès internationaux de savants catholiques qu’avait conçu le chanoine Duilhé de Saint-Projet et que Mgr d’Hulst réalisa dans les assemblées successives de Paris (1888 et 1891), Bruxelles (1894), Fribourg en Suisse (1897) et Munich (1900).

Le pontificat de Léon XIII mit en honneur la philosophie thomiste et fit de cette philosophie le point de départ d’un vaste mouvement intellectuel. Recevant, le 27 novembre 1878, les élèves de l’Université Grégorienne, Léon XIII leur disait déjà : « La vraie sagesse, c’est celle qu’ont enseignée les Pères et les docteurs scolastiques et à leur tête saint Thomas d’Aquin. » Le 4 août 1879, paraissait l’encyclique.Eterni Patris. Léon XIII recommandait qu’on étudiât saint Thomas et qu’on recherchât sa doctrine à ses propres sources ou dans les interprètes autorisés, en se gardant de ceux qui. prétendant relever de saint Thomas, n’en ont pas réellement la doctrine. Il déclarait expressément, d’ailleurs, que si les docteurs scolastiques ont parfois montré trop de subtilité en certaines questions, s’ils enseignent des choses qui ne soient pas d’accord avec les doctrines certaines des temps postérieurs, enfin s’ils soutiennent des opinions improbables à quelque titre que ce soit, il n’avait nullement l’intention de proposer ces choses à l’imitation de notre temps. Mais dans l’ensemble ils proclamait : i Dis tinguant avec soin la raison de la foi, et unissant amicalement l’une avec l’autre, saint Thomas a San vegardé les droits et la dignité de chacune, en sorte que la raison, élevée par saint Thomas aux plus hauts sommets, ne peut en quelque sorte s’élever davantage, et que la foi ne peut guère attendre de la raison des secours plus nombreux ou plus grands que ceux qu’elle a reçus par saint Thoms

Le 15 octobre 1879, I.éon XIII, par une lettre an cardinal de LtlCS, annonçait son projet de fonder : i Rome une Académie destinée a défendre le thomisme.

et de faire publier une édition nouvelle et complète des œuvres de saint Thomas. L’Académie s’inaugura le 8 mai 1880, sous la présidence du cardinal Pecci, frère du pape : elle comptait trente membres, dix romains, dix italiens, dix étrangers. La préparation de l’édition nouvelle fut confiée par Léon XIII aux dominicains. Les deux brefs de décembre 1880 et de novembre 1889, relatifs à l’Université de Louvain, amenèrent la création, dans ce grand centre intellectuel, d’une chaire de philosophie thomiste, et insistèrent sur les liens qui devaient être établis entre cette philosophie et l’enseignement des sciences naturelles. Le bref Gravissime nos, adressé le 30 décembre 1892 à la Compagnie de Jésus, invita les membres de cette compagnie à suivre la doctrine de saint Thomas dans toutes les questions de quelque importance et à s’attacher à ceux de leurs théologiens qui se rapprochent le plus de cette doctrine.

La condamnation par le Saint-Office, le 14 décembre 1887, de quarante propositions extraites des œuvres de Rosmini et relatives à l’origine des idées, à l’ontologie et à la théologie naturelle, porta le dernier coup aux oppositions qui, dans certains diocèses du nord de l’Italie, faisaient obstacle à la diffusion du thomisme ; et Léon XIII, par un bref à l’archevêque de Milan, souligna la portée de cette condamnation.

La lettre adressée, le 18 août 1883, aux cardinaux de Luca, Pitra et Hergenrœther sur les études historiques, fut un magnifique acte de confiance dans le témoignage que l’Église peut et doit attendre de l’histoire, dans une étude consciencieuse et forte, faite par des savants sincères, dans la recherche des sources. Léon XIII chargeait les trois cardinaux destinataires de réorganiser les études historiques à la Bibliothèque Vaticane en s’adjoignant des savants. Les archives du Vatican s’ouvrirent, une école de paléographie et de critique appliquée fut installée au "Vatican. « Puisez le plus possible aux sources, disait le pape le 24 février 1884 aux membres du cercle allemand d’histoire : nous n’avons pas peur de la publicité de documents, nous ne craignons pas la lumière dans nos archives. » A côté des archives fut ouverte, en 1892, une précieuse bibliothèque de consultation.

Léon XIII, en 1888, ressuscita l’observatoire du Vatican et en confia la direction au barnabite Denza. heureux de montrer ainsi, comme il le disait dans l’acte de fondation de l’observatoire, « que l’Église et ses pasteurs ne haïssent pas la vraie et solide science, tant des choses divines que des choses humaines, mais qu’ils l’embrassent, la favorisent et la font progresser avec amour, autant qu’il est en eux. »

Les discussions, souvent passionnées, auxquelles donnaient lieu les questions d’exégèse biblique, amenèrent Léon XIII à publier, le 18 novembre 1893, l’encyclique Providentissimus Deus. Il y proclamait ce principe que l’idée d’inspiration exclut nécessairement l’idée d’erreur ; et d’autre part il admettait que les copistes et les éditeurs ont pu se tromper dans les transcriptions des manuscrits de la Bible ; qu’en ce qui concerne les sciences naturelles, les écrivains inspirés s’expriment en i décrivant simplement les apparences sensibles et en se conformant aux façons de parler de leur temps : et que, même dans les livres historiques. les auteurs de la liible parlent souvent un langage populaire, il rappelait enfin que, pour ce qui concerne la foi et les mœurs, l’interprétation des textes bibliques doit être faite suivant l’opinion commune des Pères de II glise. La création de la Commission biblique en 1902 et les décisions qu’elle

rendit sur de nombreux points de détail furent un

corollaire pratique des enseignements de l’encyclique Prootdenttiêlmuê. Voir l’art. Inspiration di l’Écm

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